La concertation : un outil précieux pour le commandement

  • Par le capitaine Éric Costa
  • Publié le 27 mai 2019
La CEN Anaïs Prévot, commandant la compagnie d’Écuires, assistée par ses deux conseiller concertation de premier niveau lors d’une réunion.
© MAJ F. Balsamo

En plus de valoriser l’intelligence collective, la concertation peut aider les chefs dans leurs prises de décisions. Elle est un conseil précieux pour favoriser l’exercice des missions de la gendarmerie, tout en prenant en considération les conditions de vie des militaires et de leurs familles. Quid de sa mise en œuvre dans les différents échelons de commandement de la région de gendarmerie Nord ?

Dès lors qu’un chef est saisi d’une problématique humaine, matérielle ou fonctionnelle, il se doit de l’analyser et de la traiter pour y apporter une solution. Il est notamment aidé en cela par la chaîne du dialogue interne, formée par les Conseillers concertation de niveau 1 (CC1) pour les compagnies de gendarmerie départementale ou formations équivalentes, de niveau 2 (CC2) pour les groupements, et de niveau 3 (CC3) pour les régions.

« Même si le commandement ne se partage pas et que le chef doit assumer ses décisions, l’association de la concertation à mes réflexions sur l’ensemble des sujets qui engagent l’évolution de l’Institution et le cadre de vie de mes personnels, concourt à m’éclairer en amont et me donne une vision que je qualifierais la plus exhaustive possible. Je laisse une grande liberté de manœuvre à mes CC3, qui m’alertent sur les situations particulières ou les problèmes ponctuels relevant de mes attributions. Lors de nos réunions, ils n’hésitent pas à me faire des propositions et peuvent aussi apporter la contradiction, en des termes constructifs, en se fondant sur leur riche expérience professionnelle », explique le général de corps d’armée Guy Cazenave-Lacroutz, commandant la Région de gendarmerie Hauts-de-France (RGHF) et la gendarmerie pour la zone de défense et de sécurité Nord.

L’accompagnement de la prise de décisions par la concertation favorise également la diffusion de leur esprit et, de fait, une meilleure compréhension par l’ensemble des personnels. Au besoin, elles peuvent être adaptées afin de donner du sens à l’action. Obtenir le maximum d’adhésion facilite la levée des freins à leur mise en œuvre.

« La concertation est un outil à la main du commandement pour l’aider à prendre au mieux ses décisions. Être conseiller concertation, c’est être le représentant de chaque personnel. Pour cela, il nous faut comprendre à la fois les difficultés du commandant d’unité et celles de l’exécutant, ajoute le major David Monseur, CC3 de la RGHF. Il faut aussi savoir rester à sa place. Je peux avoir mes idées, les défendre, mais en dernier lieu, c’est le chef qui décide ».

Une proximité indispensable

La relation commandement – concertation est d’autant plus forte si elle s’inscrit dans un cadre collaboratif empreint d’une totale franchise et d’une grande confiance.

« Le moteur de cette relation repose sur la régularité de nos échanges. C’est pourquoi leur bureau est accolé au mien. Nous effectuons un tour d’horizon régulier des chantiers et des dossiers en cours et à venir. Je les associe aux visioconférences organisées par le directeur général de la gendarmerie nationale, ainsi qu’aux réunions d’état-major, où ils bénéficient systématiquement d’un temps de parole et d’une totale liberté d’expression », ajoute le général.

Une subsidiarité entre les différents échelons

Il n’y a pas de principe de hiérarchisation entre les conseillers et vice-conseillers, ni entre les différents échelons de concertants. Même si les CC1 font remonter au CC2 les informations sur les problématiques rencontrées, ils peuvent gérer la situation à leur niveau, en toute autonomie, en appui du commandant de compagnie. Seuls les dossiers trop complexes à résoudre et dépassant leurs compétences sont transmis au niveau supérieur.

Toujours sans notion de hiérarchisation, le CC3 est chargé d’animer l’ensemble du réseau régional. Il a également pour mission de former les nouveaux conseillers conformément aux directives de la direction générale.

L’adjudant-chef Édouard Rigault, CC1 de la compagnie d’Écuires, s’entretient avec le major Richard R., commandant le PSIG d’Écuires, pour faire un point sur les retours terrain de l’expérimentation des « groupes de nuit ».

© MAJ F. Balsamo

Pleine intégration dans la conduite du changement

Certains projets sont menés localement dans l’intérêt du collectif, à l’instar de l’expérimentation que la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) d’Écuires (62) met actuellement en œuvre. Il s’agit de groupes de nuit visant à garantir un effectif minimum de neufs militaires durant les créneaux où surviennent les pics d’interventions nocturnes. Les militaires sont répartis en trois patrouilles, deux issues de brigades et une du peloton de surveillance et d’intervention. En mesure de se renforcer mutuellement, elles couvrent les amplitudes horaires de 21 heures à 1 heure en semaine et de 22 heures à 2 heures les vendredis, samedis et dimanches, sur trois secteurs de la circonscription.

« Nous expérimentons les groupes de nuit depuis deux mois maintenant. Même si cela fait enchaîner 3 ou 4 nuits dans la semaine, ce dispositif a pour objectif de réduire, sur la durée, le nombre d’astreintes pour l’ensemble de mes unités, explique la chef d’escadron (CEN) Anaïs Prévot, commandant la CGD d’Écuires. Ne devant pas être la seule convaincue de la plus-value apportée, et afin de faciliter la conduite du changement, mes conseillers concertation m’ont accompagnée dans le cadre de la mise en place du projet, puis ont adressé un mail à l’ensemble des personnels de la compagnie pour avoir un retour terrain concret. Ainsi remontent, sous couvert d’anonymat, les avantages, les inconvénients, les difficultés rencontrées et les propositions d’amélioration. Il y a plus d’idées dans plusieurs têtes que dans une seule. Le but est d’obtenir un produit qui correspond autant que faire se peut à leurs attentes opérationnelles ».

Une pleine transparence

Certaines décisions du commandement revêtent une certaine sensibilité, en particulier dans le domaine des ressources humaines ou de la chancellerie. « Lors de la préparation des notations, je préétablis avec mon adjoint une répartition des points, puis je convoque les commandants de brigade ainsi que les conseillers concertation, pour leur exposer ma proposition. Nous en discutons, je prends en compte leurs éventuelles remarques, puis je tranche. Je fais de même pour l’attribution de la prime de résultats exceptionnels, poursuit la CEN. Selon moi, la valorisation des personnels doit se faire en toute transparence. »

Un réel engagement

« Outre l’association aux travaux de réorganisation du service, l’évocation des préoccupations des militaires ou leur perception des difficultés, il y a aussi souvent besoin d’échanger avec les conseillers au sujet des cas individuels confrontés à une épreuve personnelle ou professionnelle, fragilisés ou en souffrance. Pour le chef, la concertation est un partenaire indispensable pour détecter et accompagner ces derniers, précise le colonel Bertin Malhet, commandant le Groupement de gendarmerie départementale du Pas-de-Calais (GGD 62). Je rends hommage à tous les concertants, ces hommes et ces femmes qui, en plus de leur travail en unité, ont décidé de se mesurer au suffrage de leurs pairs et de passer du temps supplémentaire au service des autres. Ils s’exposent potentiellement en venant au contact du chef pour parler de sujets collectifs ou individuels parfois épineux, même si je dis toujours que tout peut, et doit, être dit à un chef, avec le bon choix du moment et de la manière. Il ne faut pas confondre le message et le messager. Par ailleurs, la réactivité de la chaîne de concertation, qui n’est plus à prouver, dans le signalement et la remontée des problèmes ici ou là, doit parallèlement veiller à laisser le temps aux échelons de commandement intermédiaires d’y répondre ou de les relayer, sinon il y a un risque de désappropriation progressive de ces derniers dans leur responsabilité de « charge d’âmes » si consubstantielle à notre modèle militaire. »

Le colonel Bertin Malhet, commandant le groupement de gendarmerie départementale du Pas-de-Calais, s’entretient avec son CC2 « officier ».

© MAJ F. Balsamo

Pour l’appuyer, le commandant de groupement bénéficie d’un CC2 et d’un vice-CC2 « sous-officier » ainsi que, pour les GGD comptant au moins 50 officiers d’active, un CC2 et un vice-CC2 « officier ». Ces concertants ont pour mission essentielle de réguler les relations internes au sein de leur groupement et d’animer les travaux de réflexion sur les sujets organisationnels et fonctionnels structurants à leur niveau.

Un correspondant « volontaire » est également désigné par le CC2 « sous-officier » parmi les gendarmes adjoints volontaires de sa formation qui se sont portés candidats.

Des pistes d’avenir…

« L’insertion et l’investissement des officiers, notamment les plus jeunes, au sein même de la chaîne de concertation, doivent contribuer, dans l’avenir, à renforcer cette association et en faire un procédé totalement naturel de commandement, ajoute le général Cazenave-Lacroutz. À mon sens, il faut davantage inscrire cette chaîne de concertation dans les esprits de nos autorités politiques, particulièrement parlementaires, mais également nos autorités administratives, comme le préfet ».

Cette démarche d’ouverture de la concertation vers l’extérieur a été initiée au sein du GGD 62. En effet, le major Patrick Boussemaere, CC2 du groupement, et les CC1 sont associés à des rencontres avec le préfet ou des députés afin de leur présenter la chaîne concertation de la gendarmerie et les sujets de préoccupation des personnels. Ils ont également été largement impliqués dans l’organisation d’un séminaire d’une journée qui a rassemblé l’ensemble des chefs opérationnels et les chefs de service et d’unité de soutien du GGD 62. Un des buts étant que chacun prenne en considération les difficultés et les attentes des uns vis-à-vis des autres et travaille en bonne harmonie. Le directeur de cabinet du préfet était présent, ce qui lui a permis de mieux appréhender le travail entre les différents échelons de commandement de la gendarmerie mais également celui de la concertation avec les chefs.

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