Armés contre le crime

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 07 juin 2019
© MAJ. F. Balsamo

Face à une criminalité moderne, protéiforme et transnationale, la gendarmerie a mis en place un véritable système d'armes coordonné, reposant sur les enquêteurs et une chaîne d'appuis judiciaires structurée. Disposant de technicités et d'outils performants et complémentaires d'un échelon à l'autre, elle permet de lutter efficacement contre les formes de délinquance les plus complexes au profit des victimes.

La police judiciaire (P.J.) n'a de cesse d'évoluer en phase avec les technologies et avec la délinquance. Dans nombre de cas, la gendarmerie est force de propositions pour faire bouger les lignes, tant au niveau législatif que technique, afin de s'adapter aux évolutions de la délinquance mais aussi essayer de les anticiper et, ainsi, être armée pour lutter plus efficacement contre les phénomènes criminels les plus complexes. Mettre au point des outils qui serviront à la conduite de l'enquête classique du gendarme de brigade jusqu'à l'enquêteur en office central, c'est le rôle de la sous-direction de la police judiciaire qui, au-delà de son rôle d’animation et de coordination, est également novatrice, au même titre que le Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN) dans son domaine. C'est aussi le rôle des gendarmes de terrain, qui mettent au point des solutions pouvant être généralisées.

« La police judiciaire s’est modernisée dans son organisation et dans ses moyens pour mieux répondre à la délinquance du XXIe siècle. Une délinquance du XXIe siècle protéiforme, transnationale et en constante mutation. D’autres évolutions, comme celle de la procédure pénale, notamment avec la réforme de la garde à vue, sont également venues modifier l’exercice de la P.J., présente le général de division Jean-Philippe Lecouffe, sous-directeur de la police judiciaire. Nous avons su moderniser notre organisation, nos outils et nos modes d'action, avec pour seul objectif de continuer à assurer la sécurité des personnes, des biens et désormais des données. Les victimes de cette délinquance restent en effet notre principale préoccupation. »

Des enquêteurs chevronnés et des appuis judiciaires hautement qualifiés

Au niveau départemental, régional et zonal, les investigations sont coordonnées par les officiers adjoints police judiciaire, qui sont de véritables chefs d’orchestre de l’exercice de la P.J. sur leur zone d’action, sous l’autorité de leur chef organique. Elles s’appuient « sur deux jambes » synchronisées et indissociables.

Il s’agit tout d’abord de l’enquête classique, conduite par toutes les unités, de la brigade territoriale aux offices centraux, en passant par les brigades et les sections de recherches, qui résulte d’une stratégie mise en œuvre en lien avec les magistrats. « Essentiel, ce travail rigoureux et minutieux est le socle de toute enquête. Il nécessite non seulement de maîtriser toutes les complexités techniques et procédurales, mais fait également appel à un véritable sens des investigations judiciaires. La gendarmerie n’a de cesse de muscler son dispositif dans ce domaine, notamment en adaptant son organisation et en étoffant la formation », explique le général. Ses enquêteurs peuvent ainsi mettre en œuvre l’ensemble des techniques d’enquête, y compris les plus complexes, sur les territoires physiques comme numériques.

Ce sont ensuite les appuis judiciaires, qui se répartissent en cinq catégories : les sciences forensiques, l’observation-surveillance, la cyber, le renseignement criminel, et les appuis spécialisés concernant notamment l’international, l’environnement et la santé publique, le travail illégal et la fraude, l’analyse économique et financière et les avoirs criminels.

En gendarmerie, une chaîne nationale en matière de captation des avoirs criminels a vu le jour en 2014, avec une cellule nationale « avoirs criminels », rattachée au SDPJ, et des cellules régionales. Le montant des saisies d’avoirs criminels effectuées par la gendarmerie en 2018 s’est élevé à 257 millions.

© MAJ F. Balsamo et MDL F. Garcia

« Nous avons renforcé l'ensemble de la chaîne des appuis judiciaires. Nous les avons structurés, étoffés, professionnalisés et dotés de matériels techniques et de savoir-faire sophistiqués, aussi bien en central, au sein du PJGN, que sur le terrain, au niveau des différents échelons territoriaux, précise le général. Nous les avons organisés dans un souci de cohérence entre les domaines et de complémentarité entre les échelons, permettant une montée en puissance et l’agrégation de multiples compétences. »

De nouvelles unités et de nouvelles fonctions ont ainsi vu le jour, avec l’objectif d'apporter des technicités, aujourd’hui indispensables, au plus proche du terrain et, ainsi, de conforter le gendarme dans sa position de premier enquêteur.

Le domaine de l’observation-surveillance a ainsi vu son maillage s'étoffer avec la création des Cellules départementales d'observation et surveillance (CDOS) en 2015. Depuis, 19 ont vu le jour et 10 autres sont programmées. Par ailleurs, des technologies performantes ont fait leur apparition.

Le renseignement criminel est devenu un axe stratégique de l’exercice de la P.J., permettant d’effectuer des rapprochements judiciaires et de détecter les phénomènes émergents ainsi que les grandes tendances de la criminalité, en vue d'organiser la riposte. Il est organisé autour du Service central de renseignement criminel (SCRC), un outil à la pointe de la modernité, mis en place à la création du PJGN en 2015. Dans le même temps, les Sections d'appui judiciaire (SAJ) ont vu le jour au niveau régional, renforçant le maillage formé par les Brigades départementales de renseignement et d'investigations judiciaires (BDRIJ), qui seront bientôt rebaptisées Brigades d’appui judiciaire (BAJ).

Elles concentrent l’ensemble des capacités d’appui judiciaire disponibles au niveau d’un département, notamment la criminalistique et le renseignement criminel.

De l'IRCGN au TICP, une véritable chaîne criminalistique

Avec la création du PJGN, un pas de plus a été fait en matière de criminalistique. L'IRCGN, pôle d'excellence de renommée mondiale en matière de criminalistique, a toujours été un moteur pour l'institution, du fait de son expertise, de son action en matière de formation, mais aussi de sa remarquable capacité d'innovation, de laquelle émergent des outils pour son propre usage, mais aussi pour l'ensemble de la chaîne criminalistique, jusqu'au premier intervenant : le Technicien en identification criminelle de proximité (TICP). Outre ses compétences pointues en laboratoire, une des forces de l'IRCGN réside en sa capacité de projection sur des catastrophes d'ampleur et des scènes de crime complexes. Il totalise ainsi plus de 200 jours de projection par an au profit des enquêteurs.

Sur le terrain, les cellules d'investigations criminelle et numérique et les TICP sont venus parfaire l'efficacité de la chaîne criminalistique.

Prélèvement d’indices par une technicienne en identification criminelle après l’explosion d’une bombe artisanale avec projections d’acide.

© MAJ F. Balsamo et MDL F. Garcia

Cybergend contre cybercriminalité

La cybercriminalité augmente de façon importante chaque année. Aujourd'hui, tout est devenu numérique. La criminalité a investi le cyberespace et les nouvelles technologies. Le territoire numérique est à la fois l'objet des méfaits et le moyen de les commettre. Mais le numérique est aussi un outil pour les enquêteurs. « Nous avons logiquement développé l'appui cyber aux investigations, avec la création du réseau Cybergend, qui comptera 7 000 gendarmes formés à la cybercriminalité à l'horizon 2022. La dimension numérique est venue s'ajouter aux cellules d'investigations criminelles et nous avons parallèlement amené cette technicité au niveau des brigades avec les Correspondants Nouvelles technologies, développe le général Lecouffe. Là encore, l'idée est d'assurer une cohérence et une complémentarité entre les différents échelons jusqu'au centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N). »

Faire face à l'internationalisation de la criminalité

Les gendarmes de toutes unités sont confrontés quotidiennement à une criminalité liée à l'international. Pour orienter leurs investigations, les unités peuvent s'appuyer sur trois piliers : la section coopération judiciaire internationale de BAC/SDPJ, qui coordonne l’utilisation des outils de coopération opérationnelle ; un espace dédié sur l’Intranet judiciaire ; et enfin un réseau de proximité de « correspondants coopération internationale de la SDPJ », institué au sein des S.R. et animé via Résogend. Les offices centraux peuvent également appuyer les enquêteurs.

« Nous avons renforcé nos liens avec les instances européennes et internationales, comme Europol. Parallèlement, les enquêteurs ont été formés pour utiliser de façon optimale les différents outils de coopération policière, note l'officier. Aujourd’hui, la gendarmerie maîtrise l'ensemble des dispositions prévues par le code de procédure pénale pour lutter contre la délinquance à l'international. Typiquement, le recours aux équipes communes d'enquêtes s'est accru. Elles étaient au nombre de 16 en 2018.

257 millions d’avoirs criminels en 2018

« Si l'essentiel est d'interpeller un auteur et de le faire incarcérer ou du moins condamner, l’objectif des enquêteurs est également de faire en sorte qu'il ne profite pas de son crime et ne puisse pas, même s'il a été condamné, disposer de suffisamment d'argent pour redémarrer un trafic. C’est tout le sens de l'effort porté à la saisie des avoirs criminels, estime le général Lecouffe, précisant qu'en 2018, le montant des saisies d’avoirs criminels effectuées par la gendarmerie s'est élevé à 257 millions.

En outre, la captation des avoirs criminels bénéficie aux unités par le biais du fonds de concours drogue (MILDECA), de l’affectation de biens saisis ou confisqués et des financements de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.

En gendarmerie, une chaîne nationale en matière de captation des avoirs criminels a vu le jour en 2014, avec une cellule nationale « avoirs criminels » (CeNAC), rattachée au SDPJ, et des cellules régionales (CeRAC). Celles-ci sont armées par au moins deux officiers de police judiciaire (enquêteurs patrimoniaux ou financiers) spécifiquement formés. Cette chaîne intervient en appui du réseau des « référents avoirs criminels », placés jusqu'au niveau compagnie et EDSR, formés aux actes essentiels mais non dédiés uniquement à cette matière. Ce dispositif est complété par l'action pluridisciplinaire des GIR (Groupes interministériels de recherches, anciennement groupes d'intervention régionaux), spécialement dédiés à la lutte contre l'économie souterraine.

Montée en puissance des offices

L’activité judiciaire de la gendarmerie est également marquée par la montée en puissance des quatre offices qu’elle dirige : l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) et l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), créés en 2004, l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), mis en place l’année suivante, et enfin le dernier né, l’Office central de lutte contre les crimes contre l'Humanité les génocides et les crimes de guerre (OCLCH), qui a vu le jour en 2013. Positionnés sur des contentieux contemporains, au cœur des préoccupations sociétales, les quatre offices ont développé leurs expertises, agrégé autour d'eux des spécialistes issus d’autres ministères, développé de nombreux partenariats, en France et à l'étranger, s’inscrivant ainsi progressivement dans le paysage. Aujourd’hui, ce sont des acteurs de premier plan dans leur domaine respectif, à la fois au niveau français et européen, comme l’ont prouvé l'OCLDI et l’OCLAESP en devenant chacun driver d'une priorité EMPACT dans leur domaine respectif.

La victime au cœur des enjeux

« Le numérique, notamment le rôle grandissant des objets connectés qui est déjà anticipé, constitue bien évidemment un enjeu. C’est un risque en mutation permanente, mais aussi un outil pour les enquêteurs, de la brigade territoriale jusqu’aux offices. L’évolution de la délinquance, toujours plus mobile, organisée et transnationale, est un autre enjeu que nous avons totalement intégré au niveau de la SDPJ, particulièrement en renforçant la coordination entre les unités depuis l’échelon central. Et le général Lecouffe d’insister sur l’enjeu immuable, celui de « la victime qui donne tout son sens à notre mission. »

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