Les enquêteurs palois mettent fin à une vaste escroquerie au crédit-bail

  • Par la capitaine Céline Morin
  • Publié le 16 juin 2017
Il a fallu trois ans et demi d’enquête, plus de 300 auditions et 1 500 pièces de procédure aux enquêteurs de la S.R. de Pau dans ce dossier d’escroquerie.
© BRC F. Garcia

En juin 2017, la section de recherches de Pau a mis un terme à une vaste escroquerie en bande organisée. 588 victimes ont été recensées, pour un préjudice de 25 millions d’euros.

Société informatique de sauvegarde de données à distance, INFOSAUV 64* présente, à ses débuts, un fonctionnement normal. Mais en 2009, pour doper son activité, elle fait appel à des spécialistes de la vente forcée ou one shot. Ces commerciaux utilisent un système qui existe en France depuis une vingtaine d’années : la vente en leasing ou location avec option d’achat. Les premiers contrats signés, bien qu’aberrants, sont le fruit d’un accord entre deux parties. C’est après que les choses se corsent.

Au gré d'un changement de formule ou d’une offre promotionnelle, les commerciaux, utilisant leur pouvoir de persuasion et s’appuyant sur la confiance des clients, leur font signer des contrats successifs qui leur sont facturés sans aucune contrepartie : c’est la technique frauduleuse du doublon (voir infographie).

Certains signent ainsi jusqu'à 12 contrats, s’additionnant pour atteindre des préjudices considérables jusqu’à plus de 800 000 €. Encouragées par les deux dirigeants de cette société forte de sept agences, ces pratiques commerciales illégales se généralisent à tout le réseau : tromperie, falsifications de contrats et de documents… En 2013, le chiffre d’affaires atteint 16 millions d’euros.

Une plainte… d’un des escrocs

Pour la gendarmerie, l’affaire démarre en avril 2013, à la brigade d’Ustaritz, avec le dépôt de plainte de l’un des dirigeants contre son réseau de commerciaux, pour justifier le dépôt de bilan de sa société. Le procureur de la République de Bayonne saisit alors la Section de recherches (S.R.) de Pau. « Le dossier était complexe. Nous ne comprenions pas cette plainte. L’audition d’anciens salariés et cadres nous a permis de lever le voile sur les véritables agissements de cette société », explique le Directeur d’enquête (D.E.), le major Pierre S., de la division atteintes aux biens de la S.R. Chez le liquidateur judiciaire, les enquêteurs découvrent plus de 130 plaintes de clients dénonçant des malversations dans les contrats.

Début 2014, une synthèse est envoyée au procureur de Bayonne qui, devant l’ampleur du dossier, le transfère au parquet de la Jirs de Bordeaux. Celui-ci confirme la saisie de la gendarmerie et demande d’entendre chaque victime. Une cellule d'enquête est créée au sein de la S.R. de Pau. Des perquisitions sont conduites dans les locaux de la société.

« Nous avons recensé 588 victimes, très petites et moyennes entreprises, artisans, professions libérales, pour un préjudice estimé à 25 millions d’euros. 160 plaintes ont été intégrées au dossier, explique le major Pierre S. Nous avons préparé un canevas d’audition afin de faciliter le travail des unités chargées d’entendre les 130 victimes sur l’ensemble du territoire. » Une information judiciaire est ouverte début 2015.

Avoirs criminels et blanchiment

Parallèlement aux auditions de témoins et de victimes de l’escroquerie, les enquêteurs s’attaquent au volet patrimonial de ses principaux bénéficiaires : dirigeants, chefs d’agence et principaux commerciaux. Avec l’appui du groupe d’intervention régi­onal de Bordeaux, ils découvrent que l’un des chefs d’agence a touché 1,5 million d'euros en deux ans et demi, dont il a blanchi les deux tiers dans un réseau structuré en lien avec des sociétés de téléphonie.

« Nous avons mis à jour deux réseaux de blanchiment, l’un lié à l’escroquerie et l’autre beaucoup plus vaste, qui a fait l'objet d'un signalement au parquet de Paris », précise le D.E. S’ensuit alors un important travail technique de téléphonie et de suivi des flux financiers. « La fusion des technicités Défi et Anacrim a beaucoup contribué à la compréhension du dossier, notamment pour le suivi et la schématisation des flux financiers dans le volet de blanchiment et pour l’analyse des dossiers de victimes. »

Le 8 mars 2016, une première opération permet d’interpeller sept personnes impliquées dans l’escroquerie et de saisir 2 millions d'avoirs criminels (biens immobiliers, véhicules et comptes courants). Les enquêteurs poursuivent les opérations sur le réseau de blanchiment et, en septembre 2016, trois individus sont interpellés et mis en examen. 1,2 million d'euros est de nouveau saisi.

Les leasers en ligne de mire

Début 2017, les enquêteurs se sont également attaqués aux leasers, ou sociétés de crédit-bail. « La plupart se sont montré peu regardants et n’ont pas respecté les règles. Mais cela ne suffit pas pour monter un dossier contre eux. En revanche, certains ont eux-mêmes produit des faux. L’un d’eux recevait de la part des commerciaux des contrats signés encore vierges, explique le D.E. Dans le même temps, fin juin, nous avons mené une opération en région parisienne sur le volet de blanchiment. Trois personnes ont été interpellées, dont la tête du réseau.

D’autres sont encore à prévoir. » À ce jour, 15 personnes ont été mises en examen et plus de 3,5 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis. Un montant qui devrait encore évoluer avec la poursuite des investigations sur les leasers et le blanchiment. « Trois ans et demi d’enquête, plus de 300 auditions, 1 500 pièces de procédure, c’est un dossier long et très technique, que nous avons mené de front avec nos autres affaires. Mais il permet de s’attaquer à un système économique pernicieux, portant préjudice au tissu économique, mais également nuisible sur le plan humain. De nombreuses personnes ont été ruinées. »

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