Journée internationale des droits des femmes : la gendarmerie engagée contre les discriminations

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 07 mars 2019
Référente nationale égalité diversité depuis janvier 2016, la lieutenante-colonelle Valérie Florent offre son regard sur la féminisation de la gendarmerie et fait un point sur l'engagement de l'Institution dans la lutte contre toutes les discriminations.
© BRC - F. Garcia

À l'occasion de cette journée internationale, la lieutenante-colonelle Valérie Florent, référente nationale égalité diversité depuis janvier 2016, s'exprime sur la place des femmes en gendarmerie aujourd'hui. Revenant également sur l'obtention des labels « égalité » et « diversité » par le ministère de l'Intérieur l'an dernier, l'officière fait un point sur l'engagement de longue date de la gendarmerie dans la lutte contre toutes les discriminations, dont le sexisme. Rencontre.

Plus de 35 ans après l'ouverture des métiers opérationnels aux femmes, et 20 ans après la suppression des quotas au niveau du recrutement, quelle est aujourd'hui la place des femmes au sein de la gendarmerie ?

Aujourd’hui, les femmes représentent 20,2 % des effectifs de la gendarmerie, toutes catégories confondues. On note une faible représentation dans la catégorie des officiers supérieurs. Cela s’explique bien sûr par l’arrivée tardive des femmes en gendarmerie et par le cadencement spécifique des carrières militaires qui s’impose à tous les personnels. En dépit des chiffres, qui pourraient laisser penser que la féminisation est loin d’être achevée il y a, selon moi, une vraie normalisation, tout simplement parce que la question de la place des femmes en gendarmerie ne se pose plus.

Désormais tous les postes sont ouverts aux femmes, y compris depuis 2015, ceux de la gendarmerie mobile, subdivision qui n’était jusqu’alors accessible qu’aux officières. Les femmes sont d’ailleurs présentes dans quasiment toutes les spécialités et technicités de la gendarmerie : unités montagne, systèmes d’information et de communication, forces aériennes, en tant que pilotes et mécaniciennes, équipes cynophiles, unités motocyclistes, unités nautiques, GIGN… Elles peuvent candidater sur tous les postes dans la mesure, bien sûr, où elles remplissent les conditions de sélection.

Quels sont dès lors pour vous les prochains enjeux dans le domaine de l’égalité professionnelle femmes-hommes ?

S’il reste aujourd’hui des réserves quant à la présence de la femme en gendarmerie, elles sont à mon avis individuelles plus que collectives. Elle sont liées aux représentations socio-culturelles du métier des armes d’une part et de la place de la femme dans la société d’autre part dont chacun est porteur. Ces réticences individuelles se traduisent parfois par des comportements irrespectueux, grossiers voire violents dont certains sont condamnés par la loi. Ils sont intolérables dans la société en général et dans notre institution tout particulièrement. Ils doivent être combattus avec énergie. La gendarmerie s’y emploie quotidiennement, sous l’impulsion du directeur général, par la formation, la prévention, l’information et en sanctionnant les manquements.

C’est un travail en profondeur et de longue haleine, car, contrairement à ce dont j’étais convaincue quand j’ai commencé à m’intéresser au sujet, ces stéréotypes ne sont pas seulement générationnels. Ils sont étroitement liés au milieu socio-culturel, à l’éducation, à l’environnement dans lequel on a grandi et dans lequel on évolue. Ils ne sont pas l’apanage de nos aînés et sont parfois véhiculés aussi par les plus jeunes. Je pense qu’il est important de le dire.

Certains modes de fonctionnement ne sont-ils pas encore ancrés dans une organisation passée, fondée sur un marché du travail à majorité masculine ?

En effet, et à mon sens, l’un des enjeux est de repenser l’organisation en tenant compte de la présence des femmes au sein de l’Institution. Je pense, par exemple, à l’état de grossesse. Il me semble que c’est à l’Institution de concevoir des solutions pour que les absences liées aux congés maternité pèsent le moins possible sur les unités et ne soient donc pas un frein à l’emploi des femmes.

Ce n’est pas un sujet propre à la gendarmerie. Ces représentations et ces modes de fonctionnement sont héritées d’un monde du travail pensé par les hommes et pour les hommes. Promouvoir l’égalité professionnelle implique bien sûr de lutter contre les inégalités salariales, contre toutes les formes de sexisme mais aussi de faire évoluer nos représentations et nos organisations. Je pense que les aspirations des générations montantes nous y contraindront.

C’est collectivement que l’on doit changer nos manières de voir. La gendarmerie y travaille. Certaines régions font par exemple appel aux réservistes pour pallier les absences de longue durée dont les congés maternité. Cela soulage les unités.

Dans ce domaine, nous avons fort à gagner à regarder, et pourquoi pas à nous inspirer de ce qui se fait dans d’autres pays. C’est pourquoi nous lançons une étude comparative des dispositifs mis en place au sein des forces de sécurité européennes et canadiennes.

Comment la gendarmerie s’est-elle concrètement engagée dans la promotion de l’égalité professionnelle ?

Nous parlons aujourd'hui de l'égalité femmes-hommes, mais il est important de préciser que le sexisme est une discrimination parmi d’autres. En tant que gendarmes, notre mission première est de faire appliquer la loi dans le respect des personnes. Nous avons donc un devoir d’exemplarité en matière de lutte contre les discriminations, les violences et les harcèlements et de protection des victimes - de toutes les victimes. Pour le dire autrement, notre exemplarité doit s’étendre à nos propres personnels victimes de discriminations notamment des violences sexistes et sexuelles.

La promotion de l’égalité professionnelle femmes-hommes au ministère de l’Intérieur s’inscrit dans le cadre d’un protocole d’accord signé en 2014 par le ministre de l’Intérieur et les organisations syndicales. Un plan d’action en est issu. La gendarmerie l’a décliné, la même année, au profit de ses militaires, dans le respect du statut, selon trois axes qui visent à encourager les parcours professionnels des femmes, à mieux concilier les temps de vie et à prévenir et lutter contre toutes formes de discrimination ou de violence.

Plusieurs mesures ont vu le jour à la suite de ce plan d’action, notamment dans le domaine des ressources humaines. Je pense, entre autres, à la simplification de la demande de congés paternité et maternité, à l’accompagnement du congé parental, à la mise en place d'un entretien de gestion de couples sur demande, mais aussi à l’ouverture de la gendarmerie mobile aux sous-officières ou encore à la suppression des conditions de taille pour le recrutement.

2014 est aussi l’année de création de la plate-forme d’écoute, de signalement et de traitement « Stop Discri ». Celle-ci permet à tout personnel de la gendarmerie, civil ou militaire, s’estimant victime ou témoin de faits de harcèlements, de discriminations ou de violences, de le signaler directement à l’inspection générale de la gendarmerie nationale. C’est aussi une cellule d’écoute auprès de laquelle il est possible d'obtenir des conseils.

Enfin, depuis 2016, la gendarmerie a mis en place un référent national « égalité et diversité » et un réseau de 175 référents de proximité répartis sur l’ensemble du territoire. Leur rôle : sensibiliser les personnels sur le terrain à la lutte contre les stéréotypes et les discriminations. Cette sensibilisation a d’abord vocation à nous faire prendre conscience de nos stéréotypes et préjugés (nous en avons tous !), de la manière dont ils influent notre manière de voir et d’agir et à donner quelques clefs pour s’en affranchir. Le Référent égalité et diversité a également un rôle d’information sur les dispositifs existants au profit des victimes et sur les risques encourus par les auteurs. Cette information est une obligation légale de l’employeur.

Le traitement des violences sexistes et sexuelles et la lutte contre les discriminations sont également été introduits dans les formations initiales et continues, dont les contenus pédagogiques ont évolué. Des supports d'information et de sensibilisation ont également été conçus et diffusés.

Vous avez évoqué l’obtention des labels « égalité » et « diversité ». Quel est leur impact sur la politique de l’institution ?

L'obtention des labels « égalité » et « diversité », remis par le directeur de l’AFNOR au ministre de l’Intérieur le 23 octobre 2018, constitue la reconnaissance, par un organisme indépendant, de l’engagement particulier du ministère, en faveur de l’égalité professionnelle et de la diversité.

Ces labels, pour lesquels la gendarmerie, la police et les administrations centrale, préfectorale et territoriale ont été indépendamment auditées, sont accordés pour quatre ans. Ils prennent acte d’une situation, mais également de la dynamique que l’organisation labellisée déploie pour améliorer les choses. À ce titre, c'est un levier d'action, puisqu'il y aura un audit à mi-parcours lors duquel nous devrons présenter nos réalisations, nos projets et les moyens mis en œuvre.

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