Au cœur de la Guyane : le quotidien d'un gendarme mobile engagé dans la lutte contre l'orpaillage

  • Par le capitaine S. Josserand, avec le concours de Bpubli
  • Publié le 27 mars 2019
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Recouvrant 98 % du territoire guyanais, la forêt amazonienne est le théâtre permanent du combat opposant les forces de sécurité aux garimpeiros. Près de 500 militaires et gendarmes sont mobilisés, au quotidien, pour lutter contre l’orpaillage illégal au sein de l’opération Harpie. Une mission nécessitant patience et détermination.

Depuis un mois déjà, le maréchal des logis-chef (MDC) Maxime parcourt la forêt pour traquer les orpailleurs illégaux jusque sur leurs sites de production, afin de détruire leur matériel et les inciter à abandonner leur activité. Carburant, pompes, groupes électrogènes, quads, mercure, téléphones portables et même télévision et rotofil… la logistique est impressionnante pour alimenter ce commerce !

En effet, près de 10 tonnes d’or quittent illégalement le territoire français chaque année, soit près de 400 millions d’euros de valeur marchande. Une activité lucrative qui engendre son lot de délinquance : pollution des fleuves au mercure, immigration clandestine, règlements de comptes, prostitution, etc.

Stratégie et anticipation pour surprendre l'adversaire

Aujourd’hui, il s’agit pour le MDC Maxime d’intervenir directement sur le ravitaillement et non plus sur le site en lui-même. La mission n’est pas simple : pour couvrir leurs activités, les orpailleurs achètent les services de veilleurs, des « sonnettes », dont le rôle est d’alerter les garimpeiros de l’arrivée des forces de sécurité.

Positionnés partout, ils renseignent en permanence sur les mouvements des militaires et des gendarmes. Pour les surprendre, les troupes doivent parfois être déposées à des kilomètres de leurs objectifs, afin de dissimuler leurs intentions.

Cette fois-ci, les gendarmes en seront quittes pour 80 km de marche en forêt, dans la moiteur et la chaleur tropicale, avec 25 kg de matériel sur le dos. Chaque nuit, ils montent leur bivouac (une bâche et un hamac), avant de repartir aux aurores.

L'heure est aux derniers préparatifs : définition d'un lieu de dépose, de l'itinéraire d’infiltration, vérification du moyen d’évacuation, du nombre de rations par personne, du numéro de téléphone satellitaire, de la charge des piles des GPS, etc. Rien ne doit être laissé au hasard, un problème en forêt pouvant s’avérer dramatique.

À son retour au cantonnement, le MDC Maxime briefe son camarade directeur d’enquête qui l’accompagnera. Ils assurent tous les deux la légalité des opérations qui se déroulent sur le territoire national. Sans eux pas de mission.

Prudence et persévérance pour œuvrer au sein de la forêt

Rendez-vous est donné le lendemain à 06 h 00 pour embarquer sur deux pirogues. Après 1 h 30 de navigation, les gendarmes sont débarqués. 25 km de marche les attendent, jusqu’au coucher du soleil.

Le programme du lendemain est identique ; il faut arriver à temps sur l’objectif ! Les épaules sont raides et les pieds malmenés dans les chaussettes trempées. Au sein de la forêt humide, impossible de rester sec plus de quelques minutes.

Le troisième jour, la piste recherchée apparaît enfin. D’à peine un mètre de large, elle est ravagée par les pluies et les passages réguliers. L’embuscade sera montée ici.

À peine 4 ou 5 heures plus tard, un convoi logistique se profile. Avec des années de pratique, les orpailleurs sont devenus des professionnels. Les militaires et les gendarmes doivent se montrer prudents et ne pas les sous-estimer.

Les deux premiers quads, de simples éclaireurs, ne sont volontairement pas interceptés. À peine dix minutes plus tard, d’autres moteurs se font entendre. Les gendarmes attendent le bon moment pour sortir. Ni trop tôt, pour ne pas que les quads fassent demi-tour. Ni trop tard, pour éviter qu’ils forcent le barrage ; car ils n’hésiteront pas, leur vie en dépend.

L’an dernier, un gendarme de l’escadron a failli y perdre la sienne. Ce souvenir est encore vivace dans tous les esprits.

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Rigueur et probité pour lutter efficacement contre les garimpeiros

Au « top action », deux militaires se mettent en barrage sur la piste. Deux autres font de même, en arrière, pour empêcher toute fuite. Les derniers se placent de part et d’autre de la piste.

Les garimpeiros ont compris : cette fois, ils ne sauveront pas leur marchandise, mais ils parviendront à s’enfuir. Ils savent que l'objectif principal reste leur matériel.

La prise est belle : trois quads quasiment neufs, un groupe électrogène, un moteur de pirogue, 2 000 litres de carburant et des centaines de kilos de nourriture et de matériels divers.

Seule mémoire de quatre jours de mission éprouvante, les saisies viendront s’ajouter aux prises quasi quotidiennes.

Le travail est loin d’être fini. Les gendarmes doivent maintenant peser, noter, photographier ce qui est possible de l'être, avant de le détruire, afin d'alimenter le procès-verbal qui sera rédigé, de retour au bureau.

Outre leur valeur marchande, les quads sont essentiels pour la logistique des sites d’orpaillage. Cette embuscade est donc un coup dur pour les garimpeiros. Quelques-uns rodent encore à proximité, observant le travail des gendarmes. L’un d’eux tente même une approche : « 100 g d’or contre un quad ! ». Voyant l’opportunité d’une saisie supplémentaire, un gendarme feint d'accepter la tentative de corruption et demande à voir l’or. L’homme hésite, mais, sentant le piège, renonce.

Rusticité et endurance pour assurer chaque mission

Le travail de comptabilisation se poursuit jusqu’à la tombée de la nuit. Les quads sont rassemblés au milieu du bivouac. Tous les personnels, armés, en assurent la garde. Les orpailleurs ne tarderont pas à venir essayer de récupérer leurs biens. Soit discrètement, en profitant de la nuit, soit avec force et en groupe. C'est l’une des raisons pour lesquelles les missions en forêt sont toujours composées au minimum d’une dizaine de militaires, auxquels s'ajoutent les deux gendarmes. Un volume nécessaire afin de dissuader l'adversaire de venir au contact.

Après une nuit sans sommeil, aux aguets, le retour s'organise. La présence des militaires étant désormais connue, aucun autre convoi ne passera par cette piste. 15 km sont encore nécessaires pour rejoindre le point d’extraction. Les quads démontrent toute leur utilité pour transporter les matériels saisis ! Les militaires n'ont pas toujours cette chance : bien souvent, ils les ramènent dans leur sac à dos…

De retour au cantonnement, après presque cinq jours à transpirer dans les mêmes vêtements, le premier réflexe de chaque militaire est d’aller prendre une douche. Les petits bonheurs d’un gendarme mobile, au cœur de la forêt amazonienne, se résument souvent à ces moments simples, mais essentiels : une douche, un lit, un repas chaud.

En un mois, plus de 60 missions en forêt

Sa mission terminée, le MDC Maxime bénéficie de deux jours de repos avant de repartir de nouveau : briefing, marche, rédaction de procédure, repos. En un mois, plus de soixante missions de ce type ont été montées, ne laissant aucun répit, ni aux orpailleurs, ni aux gendarmes.

Les gendarmes apprendront, le lendemain, que cette mission a été un vrai coup dur pour l’orpaillage dans le secteur, obligeant les chefs des garimpeiros à embaucher deux sonnettes de plus. Un coût supplémentaire réduisant, de fait, leurs profits, sans compter le rachat des quads et du matériel détruit. La mission est donc une réussite totale, fidèle à la devise de l’escadron « Non veni para hilum » (Nous ne venons pas pour rien) !

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