Développer une culture globale de la sécurité

  • Par la capitaine Gaëlle Pupin
  • Publié le 03 juin 2019
© BRC F. Garcia

Le niveau élevé des menaces pesant sur les militaires de la gendarmerie, leurs familles, ainsi que les emprises dans lesquelles ils travaillent et résident, nécessite un pilotage transverse et permanent des mesures de protection mises en œuvre par la gendarmerie nationale, au niveau central comme au sein des échelons territoriaux. Ainsi, depuis l’été 2018, un coordonnateur national de la protection, le colonel Luc Guyennon, est à la manœuvre, impulsant une nouvelle dynamique dans le suivi des travaux et les réflexions en la matière.

« Dès ma prise de fonction, j’ai pu prendre la mesure de l’étendue et de la technicité des domaines que recouvre la seule notion de protection, reconnaît le colonel Guyennon. La matière est transverse, impliquant tous les services de l’administration centrale, comme ceux des échelons territoriaux. » Afin de recueillir également les préoccupations du terrain, il a déjà effectué de nombreux déplacements en région. « J’ai pu constater une demande importante d’informations exprimée par les gendarmes pour les mesures mises en œuvre pour garantir leur protection. Mais ce qui est encore plus préoccupant, c’est que ce déficit de communication génère une vision parcellaire des enjeux de la protection trop souvent limités au seul domaine de la sécurité des casernes, ce qui n’est qu’un élément parmi tant d’autres. » Pourtant, les nouveaux équipements déployés et les avancées obtenues dans le domaine de la protection sont bien réels. « Mais la visibilité réduite qu’en a le terrain nuit à l’émergence d’une véritable culture “protection”, autant institutionnelle qu’individuelle. »

Assurer la protection physique des gendarmes

« Il s’agit dans une première acception de toutes les mesures qui concernent la protection physique individuelle des militaires.» C’est le domaine qui connaît la mise en œuvre la plus avancée voire la plus aboutie selon les mesures. « Il faut s’en féliciter puisqu’elle touche directement à l’intégrité physique des militaires de la gendarmerie. » Il s’agit notamment du « pack armement ». Amorcé en 2015, après les attentats terroristes perpétrés à Paris, par la décision d’autoriser le port de l’arme de dotation en dehors du service, il s’est poursuivi par un important travail de réglementation et d’accompagnement, réalisé principalement par la Direction des opérations et de l’emploi (DOE), pour donner à l’ensemble des gendarmes des directives claires et précises concernant le cadre légal d’usage de l’arme, la sécurité et l’emploi, la formation initiale et continue, la sécurité des séances d’instruction et les opérations de sécurité. Il s’est finalisé en 2018 par la dotation de chaque militaire d’une arme individuelle pour l’ensemble de sa carrière. « Un changement culturel s’est opéré, permettant de responsabiliser individuellement le gendarme et contribuer ainsi au renforcement de ses capacités opérationnelles. » Ainsi, outre l’augmentation du nombre de cartouches d’entraînement alloués annuellement à chaque gendarme (désormais 90 cartouches), les gendarmes ont accès aux stands de tir de la Fédération française de tir (FFT) pour l’entraînement en service, mais également hors service pour les licenciés. Ces derniers devraient bientôt avoir la possibilité d’acheter des munitions de 9 mm chez l’armurier.

« Prenant notamment en compte la réalité de la menace terroriste, l’effort d’équipement réalisé en 2018 (déploiement de 1 005 HK UMP, de 3 500 packs balistiques lourds, de 20 000 gilets pare-balles individuels, 3 600 tenues non feu et 8 300 kits incendies dans les véhicules) est reconduit en 2019. »

© BRC F. Garcia

Renforcer la sécurité des gendarmes lors de leur activité professionnelle

« Dans l’exercice de ses missions quotidiennes, le gendarme est confronté à une très grande diversité de situations opérationnelles, réclamant toutes une vigilance individuelle et collective. » La formation en école prend déjà en compte cette problématique dans des modules dispensés aux élèves-gendarmes et les adaptant régulièrement. « Pour autant, l’existence ou l’émergence de nouveaux modes d’action susceptibles de mettre en péril l’intégrité physique des militaires nécessite un traitement ciblé. » C’est dans cet état d’esprit qu’un vademecum « Interception en sécurité d’un véhicule refusant d’obtempérer » a été diffusé au mois de juin 2018. Plus récemment, un retour d’expérience a été organisé par la DOE, le 29 janvier dernier, réunissant les militaires de plusieurs groupements ainsi que les services de la DGGN, afin de tirer les conséquences du mouvement des gilets jaunes et s’adapter à l’évolution de la menace. « Des mesures en équipement, avec la mise en place de lots de protection, de casques et de boucliers dans chaque groupement de gendarmerie départementale ont d’ores et déjà été arrêtées par le directeur général afin de prendre en compte la gestion exceptionnelle des événements de type “maintien de l’ordre” par les effectifs de la gendarmerie départementale. »

Les services centraux de la gendarmerie mènent ainsi de nombreuses réflexions et expérimentations afin de faciliter les missions du gendarme sur le terrain, tout en contribuant à sa sécurité. La mise en place d’un groupe de travail concernant la sécurité des motocyclistes a, en effet, abouti à de nombreuses propositions et mesures très concrètes. De même, en parallèle de l’élaboration d’une stratégie de lutte anti-drones, une réflexion est à l’étude afin d’élargir l’utilisation de ces appareils pour renforcer la sécurité des interventions comme des emprises. Concernant les outils de mobilité, 7 200 bulles tactiques ont été déployées, à l’instar des kits de géolocalisation des patrouilles. « Il est important que toutes ces réalisations qui concourent à la protection des gendarmes soient portées à leur connaissance dans les meilleurs délais. Il en est ainsi, par exemple, du dispositif d’anonymisation de certaines procédures judiciaires, qui constitue une évolution majeure, encore parfois méconnu alors qu’effectif depuis avril 2018 ! »

Raffermir la sûreté des emprises de la gendarmerie

« Depuis l’attentat de Magnanville en 2016, au cours duquel deux fonctionnaires de la police nationale ont été tués, une réflexion a été amorcée afin de renforcer la sécurité des emprises. » Les nouvelles normes de sécurisation passive des casernes gendarmerie ont ainsi été conçues par un Groupe d’utilisateurs référents (GUR), dont les propositions ont été validées en 2017. À l’issue, un référentiel de sûreté et un guide de sécurisation des casernes ont été rédigés puis diffusés en 2018. Piloté par la Sous-direction de l’immobilier et du logement (SDIL), ce projet tient compte de la sensibilité des zones géographiques où sont implantées les casernes et préconise en fonction de cette dernière le renforcement des clôtures, la protection des ouvrants, la mise en place d’alarmes, d’éclairage ou de vidéoprotection, afin de prévenir voire d’empêcher toute intrusion.

Concernant l’anonymisation des logements, une clôture physique est prévue entre la zone de travail (LST) et l’espace famille ainsi qu’un style architectural différent. « Résolument inscrits dans la continuité des années précédentes, les investissements financiers importants consentis tout au long de l’année 2018 ont permis de maintenir un effort de 15 millions d’euros pour sécuriser 230 emprises et aboutir ainsi à un bilan de 1 500 casernes, domaniales et locatives, sécurisées depuis 2016. » Un effort est porté prioritairement sur 15 départements sensibles identifiés par le GUR, ainsi que ceux d’Île-de-France, sans oublier les résidences de Grenoble, Limoges et Dijon après les agressions spécifiques dont elles ont fait l’objet pendant la crise des « gilets jaunes ». Concernant la protection active des emprises, la rédaction d’une nouvelle instruction, réalisée par la Sous-direction de la sécurité publique et de la sécurité routière (SDSPSR), unifie, clarifie et modernise la doctrine en la matière, qui reposait en majeure partie sur des textes, en partie obsolètes, des années quatre-vingt. Elle tient compte de leur empreinte territoriale, de leur sensibilité, de leur destination missionnelle ou encore de leur implantation.

« Le plus grand écueil à éviter, en matière de protection, reste la routine. Il convient donc, sans tomber dans la paranoïa, d’entretenir un état de vigilance et de mettre en œuvre collectivement et individuellement les mesures garantissant un état de sûreté. »

Depuis l’été dernier, le colonel Luc Guyennon assure les fonctions de coordonnateur national de la protection.

© BRC - F. Garcia

Sécuriser l’espace numérique du gendarme

« Il s’agit avant tout pour chaque gendarme de contrôler son empreinte numérique, afin de réduire le risque lié à la divulgation d’informations, pouvant nuire à sa propre sécurité, à celle des interventions ou à leur succès. » Des guides de sensibilisation à l’usage des médias sociaux ont ainsi été diffusés parle ST(SI)2 et le SIRPA, mettant en lumière cette source d’informations potentielles concernant les militaires de la gendarmerie et leur famille. « Au-delà des actions déjà entreprises en matière de sensibilisation des militaires, il paraît également nécessaire de durcir le dispositif de protection du patrimoine informationnel de l’Institution, en assurant une veille efficace et un traitement adapté des situations anormales détectées. » À cet effet, une expérimentation conduite en 2018 a permis d’identifier plusieurs vulnérabilités potentielles sur Internet. « Un groupe de travail œuvre déjà à la mise en place de mesures correctives et préventives appropriées pour prendre en compte ces situations. »

Intensifier la diffusion des informations

« Afin d’ancrer durablement et de manière homogène “l’esprit protection” au sein de la gendarmerie, ces enjeux vont notamment être intégrés dans les principales formations, qu’elles soient initiales ou ayant vocation à préparer à des emplois de responsabilité. » Dans le même état d’esprit, une chaîne relais de coordonnateurs régionaux et départementaux de la protection va être identifiée. La création de ce réseau facilitera la transmission des informations entre le terrain et l’administration centrale (remontée des préoccupations des militaires et des familles, accompagnement des nouvelles mesures). Enfin, la mise en place d’un outil Intranet centralisant les mesures de protection mises en œuvre depuis 2016 viendra pérenniser l’ensemble du dispositif. « La protection reste l’affaire de chacun, à tout instant. Il nous appartient de l’intégrer comme une véritable culture globale et de l’adapter en permanence à l’évolution du contexte sociétal dans lequel la gendarmerie évolue. »

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