La criminalité environnementale au cœur des priorités européennes

  • Par la capitaine Céline Morin
  • Publié le 17 décembre 2018
Outre les atteintes à la santé publique, l’OCLAESP œuvre depuis 2004 contre la criminalité environnementale. Son engagement au sein des institutions européennes et de réseaux, tel Envicrimnet, a largement contribué à ce que cette problématique majeure soit inscrite parmi les priorités européennes.
© MAJ. F. Balsamo

Depuis le 1er janvier 2018, l’OCLAESP assure, au nom de la France, le pilotage, à Europol, de la plateforme européenne Empact, consacrée à la lutte contre la criminalité environnementale. Outre la mise en œuvre de plusieurs actions opérationnelles, les pilotes ont essentiellement consacré cette première année à structurer et orienter un réseau de partenaires, ainsi qu’à élaborer une réponse globale à apporter à cette problématique. Mais déjà l’OCLAESP, également fer de lance dans la lutte contre les atteintes à la santé publique, voit plus loin…

Lucrative et rendue très attractive par la faiblesse des sanctions pénales encourues, la criminalité environnementale est aujourd’hui la quatrième source de revenus criminels, après les stupéfiants, la contrefaçon et la traite des êtres humains, et juste avant les armes. Parmi les pionnières dans la lutte contre cette criminalité, la France s’est structurée depuis de nombreuses années, avec la création, dès 2004, de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) et le déploiement d’un réseau local AESP au sein de la gendarmerie, mais également avec la présence d’un magistrat référent dans chaque parquet.

Il a toutefois fallu attendre 2015 pour qu’Europol érige la criminalité environnementale au rang de menace émergente dans son état des lieux annuel, puis décembre 2016, pour que le Conseil de l’Union européenne (U.E.) inscrive ce phénomène comme une réalité criminelle clairement identifiée. Ceci n’a été possible que par l’engagement de l’OCLAESP au sein des institutions européennes, avec le fort soutien des présidences tournantes de l’U.E. (Slovaquie et Malte).

C’est d’ailleurs notamment au travers d’Envicrimnet (réseau européen des forces de police en charge de la lutte contre la criminalité environnementale), que l’OCLAESP, fortement soutenue par ses partenaires, a œuvré sans relâche pour que cette problématique soit prise en compte à la mesure de son importance. Et c’est en toute logique que l’office en assure la présidence cette année, en la personne du lieutenant-colonel (LCL) Christian Tournié. En mai 2017, la criminalité environnementale fait donc finalement son apparition parmi les dix priorités du cycle politique 2018-2021 de l’U.E. La France, par l’intermédiaire de l’OCLAESP, est désignée driver de cette priorité pour quatre ans, assistée de l’Espagne, de la Slovaquie et de l’Italie.

Un driver et une cellule projets européens à la manœuvre

L’office français, dont la totalité des composantes est engagée dans ce projet, a ainsi pour mission de définir, d’animer et de coordonner l’ensemble des actions opérationnelles conduites par les États partenaires. Pour ce faire, le directeur général de la gendarmerie a décidé la création, à l’été 2017, d’une cellule projets européens, armée par trois personnels. Le capitaine (CNE) David Aires, arrivé le 1er janvier 2018 en tant que manager de projet, le major (MAJ) Alain Lemangnen et l’adjudant (ADJ) Yann Canick, tous deux déjà affectés au sein de l’OCLAESP, offrent trois profils différents mais complémentaires : l’expérience en police judiciaire pour le premier, déjà passé par deux autres offices centraux, l’expérience internationale pour le deuxième et une connaissance approfondie de la problématique pour le troisième. Sous la direction du LCL Tournié, désigné driver, chacun s’engage sur des thématiques précises, tout en partageant une vision transverse.

© MAJ. F. Balsamo

Coordonner au quotidien des services et des individualités au sein de chaque pays requiert un savoir-faire certain en termes de négociation et de management. Sur ce point, l’expérience acquise par cet officier supérieur lors des six années passées au sein de la Commission européenne (justice et affaires intérieures) et d’Europol, ainsi que les relations personnelles qu’il a naturellement établies au sein des différents états s’avèrent être de précieuses plus-values dans ce pilotage.

Sept axes stratégiques, dix-sept actions opérationnelles

Pour l’année 2018, dix-sept actions opérationnelles ont ainsi été mises en œuvre, selon les sept axes stratégiques définis pour cette priorité : échanges d’informations; formation et développement des compétences des forces engagées ; coopération avec les partenaires hors U.E. ; fraude documentaire ; investigations économiques et financières ; trafics de biens et services illicites sur Internet.

S’agissant d’une priorité nouvelle au niveau européen, tout était à bâtir : arrêter les contours de la criminalité environnementale, évaluer son ampleur, identifier les interlocuteurs, les mobiliser et les aider à se structurer, formaliser les échanges d’informations… « Avant de se lancer dans de grosses opérations, il était essentiel de poser les fondations, de construire des réseaux et de développer des capacités, de façon à travailler ensemble de manière optimale pendant les trois années suivantes », insiste le LCL Tournié. L’un des objectifs était donc d’inciter les pays novices en la matière à mettre en place des structures, de sorte à amorcer une organisation de lutte contre la criminalité environnementale.

La Hongrie semble d’ailleurs avoir opté pour le modèle français. Ces actions, pour lesquelles est alloué un budget de 135 000 euros, couvrent donc tous les aspects de la lutte contre la criminalité environnementale (trafics, vente en ligne, criminalité financière, fraude documentaire), plus particulièrement dans le cadre des trafics de déchets, dont les véhicules hors d’usage, et d’animaux sauvages, comme les civelles, dont le trafic est structuré comme pour les stupéfiants. Le renforcement, voire la mise en œuvre de la coopération au sein de l’U.E., mais également avec les États tiers d’Europe de l’Est, les pays nordiques, ainsi qu’avec l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud font naturellement partie des objectifs incontournables.

Les actions opérationnelles mises en œuvre couvrent tout le spectre de la lutte contre la criminalité environnementale, et plus particulièrement les trafics de déchets et d’animaux sauvages, comme les civelles, pour lesquelles l’OCLAESP est co-leader.

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L’accent a également été mis sur les moyens de lutte à développer, au premier rang desquels le renseignement, mais aussi les techniques spéciales d’enquête (observation-surveillance, échanges internationaux, livraisons surveillées).

« On constate déjà que le nombre de messages opérationnels liés aux crimes environnementaux partagés via la messagerie Sienna a doublé en l’espace d’un an, passant à près de 1500. Ce qui nous permet d’avoir une meilleure vision de la situation, expliquent conjointement le CNE Aires et l’ADJ Canick. Et le MAJ Lemangnen de préciser : « L’office contribue d’ailleurs à la structure d’Europol baptisée Analysis Project, dont l’objectif est de collecter les informations en matière de criminalité environnementale en provenance des différents pays européens, afin de créer une base de données qui sera également un bon outil d’évaluation. »

La gendarmerie en action à travers toutes ses composantes

En plus d’assurer le rôle de driver de cette priorité pendant toute la durée du cycle, la France, à travers ses différents services, est également impliquée dans plusieurs actions opérationnelles conduites en 2018. Elle se retrouve ainsi leader d’action sur l’e-commerce illicite, au travers du Centre de lutte contre les cybercriminalités numériques (C3N) de la gendarmerie, de la fraude documentaire par l’entremise de la direction centrale de la police aux frontières, d’Envicrimnet grâce à l’OCLAESP et, enfin, de la pêche illégale, sous le pilotage de la section de recherches de la gendarmerie maritime. Cette dernière est également co-leader sur la lutte contre la criminalité environnementale en mer, comme l’OCLAESP sur les techniques spéciales d’enquête, le trafic de civelles, ainsi que sur les volets de coopération avec l’Europe de l’Est, ainsi que l’Amérique Central et du Sud.

Sur le terrain…

En octobre 2018, les différents partenaires de la priorité se sont réunis pour élaborer le plan d’action 2019, qui verra la reconduction de certaines actions et la mise en place de nouvelles.

« Après cette première année consacrée à l’évaluation de la menace et à la mise en place des structures, l’objectif est de se concentrer sur les actions strictement opérationnelles, annonce le CNE Aires. Nous envisageons de continuer à travailler sur le démantèlement sauvage, à grande échelle, de véhicules hors d’usage, dont certains peuvent avoir été volés. Commis en tous points du territoire, il génère des pollutions toxiques de grande ampleur des sols, de l’air et des eaux. Dans le domaine de la criminalité en mer, nous nous sommes intégrés cette année dans l’opération trente jours en mer, pilotée par Interpol et Europol et visant à lutter contre les pollutions maritimes. L’objectif serait de l’étendre aux pêches illégales…»

Anticiper le prochain cycle politique

L’objectif de l’OCLAESP est, avant tout, de consolider et de pérenniser cette priorité environnementale dans le paysage d’Europol.

L’ambition suivante est de s’appuyer sur l’expérience ainsi acquise, de même que sur le succès de l’opération Mismed, pour que la criminalité pharmaceutique soit à son tour inscrite dans les priorités du prochain cycle politique. Mismed, qui a pour vocation de lutter contre le trafic de médicaments détournés d’usage à des fins psychotropes, festives et dopantes, a été conçue et est dirigée par l’OCLAESP. Réunissant à l’origine neuf pays, elle en compte aujourd’hui seize, poursuivant l’objectif commun de démanteler des réseaux criminels et de saisir leurs avoirs. En complément d’Empact, l’OCLAESP envisage également, à l’instar de l’OCLDI pour les atteintes aux biens, d’obtenir et de piloter un fond de sécurité intérieure dédié à la lutte contre la criminalité environnementale.

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