Le nouveau plan anti-stupéfiants prône la mutualisation des forces

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 17 septembre 2019
Dotée de 150 enquêteurs et associant police, gendarmerie, douanes et magistrature, l’Office interministériel anti-stupéfiants sera le chef de file unique de la lutte contre le trafic de drogues.
© MI DICOM

C’est dans la cité phocéenne, où la problématique prégnante des trafics de stupéfiants a été « prise à bras-le-corps », que le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, son secrétaire d’État, Laurent Nuñez, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet et le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, ont présenté, ce mardi 17 septembre, le nouveau plan interministériel anti-stupéfiants.

Aujourd’hui, le trafic de stupéfiants et la criminalité qui en découle ne se limitent plus aux grandes agglomérations. Ils s’étendent à l’ensemble du territoire. Le chiffre d’affaires généré est estimé à plus de 3 milliards d’euros, selon les chiffres du Service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco), faisant du trafic de drogues la première activité criminelle en France. Un chiffre impressionnant, pourtant loin du coût des conséquences sanitaires et sociales estimé à quelque 8 milliards d’euros.

Le marché des stupéfiants dans l’Hexagone est largement dominé par le cannabis (résine et herbe), qui représente 55 % de la consommation, soit près de 30 tonnes par mois selon les estimations. Viennent ensuite la cocaïne (35 %), l’héroïne (8 %) et les drogues de synthèse (2 %).

Toujours selon le Sirasco, près de 100 tonnes de cannabis, dont 76 tonnes de résine, ont été saisies en 2018, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2017. S’il provient principalement du Maroc, via l’Espagne, les autorités constatent également le développement d’une production locale, qui s’est traduit par une hausse de 8 % des saisies de plants, à hauteur de 137 074 en 2018.

L’an dernier, les forces de l’ordre françaises ont également saisi 15 tonnes de cocaïne, contre 17,5 en 2017, principalement en provenance d’Amérique du Sud, et 871 kg d'héroïne.

Dans le même temps, le nombre d’affaires liées aux stupéfiants traitées par l’ensemble des services s’est élevé à 12 500, avec un nombre de démantèlement de réseaux en hausse de 8 %.

Marseille, terre d’expérimentation

Face à cette criminalité qui gangrène la société jusque dans les profondeurs du territoire, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, son secrétaire d’État, Laurent Nuñez, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet et le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin ont élaboré un nouveau plan interministériel de lutte contre les stupéfiants, souhaité par le président de la République et le Premier ministre.

Marseille n’a pas été choisie au hasard pour cette annonce. En effet, la cité phocéenne, en proie à ce fléau depuis des années, est connue pour être le théâtre de règlements de comptes réguliers entre bandes rivales. Mais Marseille est surtout un terrain d’expérimentation prometteur dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, avec, depuis 2015, la mise en œuvre d’une méthode de pilotage renforcé axée sur le partage du renseignement criminel, qui porte aujourd’hui ses fruits.

« Nous ne sommes pas à Marseille parce que la ville serait malade. Au contraire. Nous avons choisi d’être ici parce que le problème y est réel et qu’il a été pris à bras-le-corps par l’ensemble des institutions. La méthode porte ses fruits, a déclaré le ministre de l’Intérieur à son arrivée dans la cité phocéenne, soulignant une forte baisse des règlements de compte dans la ville en 2018, ainsi qu’en 2019. L’exemple de ce qui s’est fait ici, à Marseille, doit nous inspirer pour développer cette méthode sur toute la France. »

Création de l’Office interministériel anti-stupéfiants (OFAST)

Lors de la conférence de presse, Christophe Castaner a donc présenté un plan en 55 mesures pour lutter contre les trafics de stupéfiants, qu’il a qualifiés de « matrice de toutes les criminalités. »

Un plan « pour moderniser et rendre plus efficace notre organisation, en central comme dans les territoires », qui mobilise les ministères de l’Intérieur, de la Justice et des Actions et comptes publics, ainsi que le ministère des Armées et celui de l’Europe et des Affaires étrangères.

« Notre objectif est simple : mutualiser nos forces. Nous voulons frapper fort, nous voulons frapper ensemble et envoyer un message clair aux trafiquants : la France ne sera pas leur terrain de jeu », a insisté le ministre.

L’une des mesures phares est la création, en lieu et place de l’Office central pour la répression du trafic illégal de stupéfiants (OCTRIS), de l’Office interministériel anti-stupéfiants (OFAST), qui « sera le chef de file unique de la lutte contre le trafic de drogues, sur le modèle de la DGSI pour la lutte anti-terroriste. »

Dotée de 150 enquêteurs, cette nouvelle structure interministérielle élargie, associant police, gendarmerie, douanes et magistrature, « mènera des investigations sous l’autorité des magistrats », « coordonnera l’action de tous les acteurs impliqués dans la lutte contre les stupéfiants, au niveau national comme au niveau local » et « assurera une vigilance très attentive aux coopérations internationales ». Seize antennes territoriales seront en outre créées en métropole et en outre- mer.

La direction de l’OFAST sera confiée à la contrôleuse générale Stéphanie Charbonneaux, actuellement à la tête du pôle judiciaire de la police nationale, qui sera secondée par un magistrat, Samuel Vuelta Simon.

Des CROSS pour améliorer la collecte et le partage du renseignement

« Le deuxième grand objectif de ce plan est d’améliorer la collecte et le partage du renseignement », a poursuivi le ministre, à l’instar de ce qui a été mis en place à Marseille, avec la création, en 2015, de la première Cellule du renseignement opérationnel contre les stupéfiants (CROSS). Fort du succès rencontré dans la cité phocéenne, véritable « laboratoire des initiatives pour la lutte contre les stupéfiants », Christophe Castaner a annoncé l’augmentation du nombre de CROSS à 28, auxquelles s’ajoutent trois autres en cours de création. Ces pilotages renforcés, associant police, gendarmerie et douanes, mais également ouverts aux polices municipales et aux bailleurs sociaux, « devront tous être opérationnels d’ici la fin de l’année. »

Pour le Ministre « l’objectif est simple : le démantèlement des réseaux et la saisie des avoirs criminels, en traitant tous les niveaux des narcotrafics, du petit deal au trafic international. »

Les avoirs criminels, un enjeu de taille

La saisie des avoirs criminels est d’ailleurs le troisième enjeu souligné par Christophe Castaner : « Nous voulons combattre mieux et sanctionner plus durement les trafiquants. Nous allons frapper là où ça fait mal, au patrimoine des dealers, qu’il s’agisse des grands pontes ou des petites mains. Aujourd’hui, sur 500 millions d’avoirs criminels saisis, seulement 10 % sont issus des trafics de stupéfiants. Nous devons changer ça ».

Le ministre a également annoncé la création d’une plateforme d’appels permettant à chacun de signaler les points de vente de stupéfiants, afin que les forces de l’ordre puissent agir directement là où le besoin s’en fait sentir.

Sur le volet de la prévention, une grande campagne de sensibilisation sera par ailleurs lancée pour alerter les consommateurs sur les risques sanitaires, « casser l’image festive et joviale de la drogue », mais aussi rappeler aux trafiquants les sanctions pénales encourues.

Enfin, une série d’indicateurs chiffrés permettront de suivre et d’évaluer les fruits de cette « lutte implacable contre les trafics de drogues », qui sera « un combat de longue haleine ».

« Ce plan est l’un des piliers de la police de sécurité du quotidien », a conclu le ministre. C’est un plan d’envergure, […] mais j’ai confiance, parce que je connais la qualité et l’engagement des forces de l’ordre, des services des douanes, des militaires, des magistrats qui œuvrent contre le trafic de drogues. J’ai confiance, car nous sommes déterminés à travailler ensemble, car nous sommes prêts. »

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