Tués et blessés en mission : une priorité pour la gendarmerie nationale

  • Par la CEN Gaëlle Pupin et le bureau de l'action sociale
  • Publié le 16 juillet 2019
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Cette année, lors du défilé du 14 juillet, l’attention portée aux blessés par les forces armées a été mise à l'honneur. L'occasion de mettre en lumière un dispositif qui a fait ses preuves : l'accompagnement vers la reconstruction par le sport.

« Cette année, la gendarmerie a mis à l'honneur les familles des neufs militaires décédés en service ou en mission, ainsi que dix militaires blessés, identifiés notamment sur des critères de distinction et récompenses, décernées en fonction de la gravité de leurs blessures, explique le colonel Laurent Lecomte, chef du Bureau de l'action sociale (BAS). Au-delà de la reconnaissance de la Nation et de celle de l’Arme qui leur sont dues, c'est aussi pour nous l'occasion de nous assurer du suivi optimal des personnels concernés et d'identifier les blessés que nous pourrons engager dans un parcours de reconstruction par le sport. »

Identifier et prendre en compte les blessés

« L'engagement soutenu et répétitif des forces de la gendarmerie est une réalité récurrente, au même titre que l'augmentation du nombre de blessés en mission ou en service. Une réalité pas toujours visible... reconnaît le colonel Lecomte. C'est pourquoi l'identification et la prise en compte des blessés au sein de l'Arme est devenu une priorité pour la gendarmerie. »

En effet, en 2018, 14 militaires de la gendarmerie sont décédés dans l'exercice de leur fonction dont 9 lors d'une mission. Le nombre de blessés par agression affiche une hausse conséquente, notamment les blessures par arme. En outre, pas moins de 550 gendarmes ont été blessés lors des manifestations du mouvement « gilets jaunes ». Sur les six premiers mois de 2019, deux militaires sont décédés dans l'exercice de leur fonction. Le nombre de blessés à la suite d’une agression affiche une légère hausse et le volume de blessés en mission est plus élevé que celui de l’année dernière à la même période. Depuis le 1er janvier, 185 gendarmes ont été blessés en intervenant sur des actions liées au mouvement des « gilets jaunes ».

La politique d’accompagnement aux blessés de la gendarmerie nationale repose sur la cohésion et l'attachement de l'Institution à l’égard de ses membres en situation difficile. Ce domaine transverse et pluridisciplinaire, géré au sein de la sous-direction de l’accompagnement du personnel, se décline selon un modèle d’accompagnement global (psychologues cliniciens de la gendarmerie, action des assistants de service social du réseau national des travailleurs sociaux des Armées), qui est déconcentré en région, avec les Bureaux d’accompagnement du personnel (BAP), pour un accompagnement de proximité (expérimentation du « tuteur du blessé » en Région, sur la base du volontariat de camarades, pour un suivi humain, complémentaire du volet médico-administratif) et piloté par l’administration centrale. À titre d'exemple, une cellule d'aide aux blessés a été créée en 2015 pour un accompagnement dans la durée, afin notamment d'optimiser l’aide apportée aux blessés et à leurs proches, répondre aux questions de tous ordres et aux difficultés matérielles liées à la blessure, mais également faciliter les démarches de réinsertion le cas échéant.

La reconnaissance de l'Institution

« L'accompagnement des militaires constitue une exigence pour permettre aux personnels concernés de recouvrer le maximum de leurs capacités et faciliter leur retour à l'emploi. Il s'inscrit également dans la nécessaire reconnaissance du sacrifice consenti, ajoute le capitaine Thierry Rousseaux, officier chargé de projets reconstruction des blessés par le sport. Dans un contexte d'augmentation du nombre des blessés physiques et/ou psychiques victimes d'agressions notamment, le BAS est pleinement engagé aux côtés des Armées dans ce processus récent. »

La mise en place depuis trois ans d'un officier chargé de projets reconstruction des blessés par le sport a permis de socler et de développer un dispositif efficient. Une réelle plus-value proposée à certains blessés du fait de la survenue d'une blessure dans l'exercice des fonctions.

Cette action se concrétise par la participation de blessés à différents stages ou actions adaptés et spécifiques, avec l'appui financier de la Fondation maison de la Gendarmerie (FMG), principal mécène, aidé par la Caisse nationale du gendarme (CNG). « Un dispositif spécifique, validé par le directeur des personnels militaires pour accroître cette démarche, fait l'objet depuis 2017 d'une note à diffusion nationale classée au mémorial ».

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« L'évolution majeure de la prise en compte de nos blessés se traduit également par la prise en compte de ces personnels dans leur globalité », précise le capitaine Rousseaux. Dorénavant, et depuis deux ans maintenant, la gendarmerie nationale développe un accompagnement au niveau de la famille afin d'être la plus efficiente possible au travers des stages "Ad Refectio-blessés et familles". « En effet, conjoint(e) et enfants sont les plus exposés, confrontés au quotidien aux problématiques du blessé. Un accompagnement optimal, en lien avec le SSA et nos psychologues cliniciens, s'imposait au niveau de la cellule familiale. Ce dernier permet, entre autres, la libération de la parole, mais favorise également une reprise de confiance et parfois même un dialogue intrafamilial, notamment grâce à une autre vision du militaire par les siens ».

Enfin, le BAS propose à ces personnels de participer à des évènements particulièrement symboliques comme d'assister à de grandes rencontres internationales (match équipe de France de football, tournoi des VI nations de rugby…), ou de pouvoir représenter le pays dans de grandes compétitions sportives internationales (Invictus Games…) en intégrant l'équipe de France des blessés de la défense. « Une journée nationale de reconnaissance institutionnelle leur est désormais dédiée tous les ans à la direction générale, mettant en avant leur formidable capacité de résilience. Ce collectif des ''phénix de la gendarmerie'' renforce leur sentiment d'appartenance. Nous développons également des actions connexes, hors domaine sportif, tel le survol en hélicoptère de la répétition et du défilé du 14 juillet 2019. Ce sont autant d'actions qui rendent hommage à leur engagement et au sacrifice consenti. »

Témoignages de blessés : résilience et reconstruction

Revenant sur son parcours depuis sa blessure en mission, l'adjudant Michel V. souligne l'accompagnement constant de la gendarmerie. « Le commandant de région était présent chaque jour de mon hospitalisation. Pendant 27 jours. Même le personnel médical était surpris de toutes ces visites des gendarmes. Je suis régulièrement en contact avec la concertation ou ma hiérarchie et chaque éventuelle difficulté se règle grâce à leur action. » En emploi sédentaire depuis sa reprise de service, il a bon espoir de reprendre le travail en unité. Invité cette année à rejoindre une tribune d'honneur pour assister au défilé du 14 juillet, il a tout d'abord été très surpris de cet appel. « C'est une opportunité que je ne vivrais pas deux fois, même si j'ai un peu de mal à réaliser. Ce sera la première fois que je ne travaille pas un 14 juillet... », conclut-il avec humour.

Blessé lors des manifestations des gilets jaunes, le gendarme mobile Cédric B. revient sur la présence de la gendarmerie pendant sa convalescence : « Tous les échelons ont répondu présents, qu'il s'agisse de prendre des nouvelles ou de me conseiller. Ils se sont montrés empathiques, compatissants. » Honoré d'être également convié au défilé puis reçu par le ministre de l'Intérieur à l'issue, il ajoute : « Ce moment commémoratif et cérémonieux est surtout l'occasion de soutenir les familles de victimes de nos rangs. L'accent doit être mis sur ceux qui ne sont plus là pour en parler... ».

Pour l'adjudant Grégory J., blessé en 2011, l'accompagnement de la gendarmerie était réel, « tant professionnellement, que personnellement ou médicalement ». Un soutien pour lequel il sera « éternellement reconnaissant » : « Je suis heureux de pouvoir continuer à servir. Chaque jour, je m'attache à prouver qu'on a eu raison de me faire confiance et me laisser continuer dans l'Institution. » Un personnel résolument optimiste qui a particulièrement apprécié la possibilité qui lui a été offerte de participer, en hélicoptère, aux répétitions du 14 juillet : « J'ai été très honoré de cette démarche. La dimension humaine relayée par chacun de ces militaires professionnels et aguerris s'est rajouté à l'événement si particulier pour nous toutes et tous. » Engagé dans un processus de reconstruction par le sport, il affirme que sa participation aux RMBS (Rencontres Militaires Blessures et Sport) de 2016 était une étape décisive dans sa reconstruction : « Ce stage m'a permis de comprendre qu'il ne faut pas se considérer négativement, même si on est blessé physiquement ou psychologiquement. C'est une démarche personnelle qui n'est pas facile à effectuer. Se retrouver confronté à des personnes qui ont plus souffert que moi m'a permis de prendre du recul et a largement contribué à ma reconstruction morale : si eux avaient la ''banane'', quel droit avais-je de me plaindre ? J'ai franchi un nouveau pallier grâce au sport, indispensable pour une évolution physique et psychologique, ajoute-t-il. Avant de conclure : je suis extrêmement reconnaissant envers les personnels du BAS, grâce auxquels tout devient désormais possible... »

« C'est une belle expérience », confirme l'adjudant-chef Raphaël P., qui a également pu participer aux répétitions du défilé du 14 juillet dans un hélicoptère. « Pour certains c'était la première fois. Moi, ça m'a rappelé pleins de bons souvenirs, des sensations, des odeurs. Et c'est surtout la seule occasion de survoler Paris ! » Blessé lors d'une opération de lutte contre l'orpaillage en Guyane, il estime avoir bien été pris en charge par la gendarmerie. « Pour autant, il faut faire le deuil de sa vie passée et arriver à se sentir de nouveau utile, trouver un nouveau sens à sa vie. C'est en ce sens que le sport permet de reprendre confiance en soi et de se rendre compte qu'on peut faire des choses impressionnantes. » Il n'a alors de cesse de se donner de nouveaux buts et de réaliser de nouveaux challenges, si bien qu'il réalisera même l'ascension du Mont-blanc avec des élèves officiers de l'EOGN. Son émotion est palpable lorsqu'il évoque la médaille d'or obtenue en équipe au jeux mondiaux militaires de 2014, sa montée sur le podium et la fierté d'entendre résonner la Marseillaise. « On se rend compte qu'on peut encore servir la France, même si c'est de façon différente. » Choisi pour faire partie du tableau final du défilé du 14 juillet, devant la tribune présidentielle, il mesure l'honneur de représenter les camarades blessés de toutes les armées. « C'est aussi un moyen d'encourager certains blessés à prendre contact avec le BAS et pour les autres de faire connaître le dispositif de reconstruction par le sport. Car la blessure, c'est comme beaucoup de sujets, on a l'impression que ça n'arrive qu'aux autres... Malheureusement pas toujours... »

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