Un court-métrage réalisé par un gendarme pour dénoncer les violences psychologiques

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 20 novembre 2020
François Dodeler, durant le tournage de son film "L'emprise".
© LP2D

Gendarme depuis 2005, passionné de cinéma depuis qu’il est enfant, François Dodeler a réalisé l’an dernier un court-métrage sur le thème des violences psychologiques. Baptisée « L’emprise », cette séquence de deux minutes plonge le spectateur dans une tourmente jusque-là peu explorée par le septième art : la manipulation.

S’il y a bien une chose dont se souvient le gendarme François Dodeler de ses douze années en brigade, ce sont tous les cadavres qu’il a découverts. « Je les ai tous gardés en tête », confie-t-il. Parmi eux, beaucoup étaient des femmes, tuées par leur compagnon, qui se sont ensuite suicidés. Des homicides de ce type, François « les dénombre à la pelle », sans compter les violences faites aux femmes. Lors des nombreuses auditions menées par François sur ce type de dossiers, il a toujours remarqué un dénominateur commun : l’emprise. Ce constat a conduit le gendarme, passionné de cinéma, à réaliser un court-métrage sur le sujet.

© LP2D

L’idée lui trottait dans la tête depuis un bout de temps. C’est finalement à l'occasion d’un concours, en septembre 2019, que François a pu la concrétiser. « Il s’agit d’un événement durant lequel tu as 36 heures pour écrire, tourner et monter un film », détaille-t-il. Une journée et demie donc, pour tisser avec ses acolytes de sa société « Les Productions du Der (LP2D) », une séquence de deux minutes et vingt secondes, sur les violences psychologiques. Des violences qui, selon le gendarme, sont un signe avant-coureur des sévices physiques.  

À chaque audition, je constatais que la personne était manipulée avant d’être violentée : « il était gentil au départ, il m’a toujours dit qu’il m’aimait, etc. » Ces mots revenaient souvent dans le récit des victimes.

Au début de « L’emprise », nom donné à ce court-métrage, des mots doux s’affichent au compte-gouttes sur un fond noir. D’abord en couleurs, synonymes d’une relation épanouie, prononcés avec une pointe de tendresse, réelle ou supposée. Puis, comme le chantait Catherine Ringer avec son groupe les Rita Mitsouko, « Les histoires d'amour finissent mal, en général ». Les couleurs se ternissent alors, pour laisser place à un gris froid. Le ton, lui aussi, se durcit, et les expressions sucrées deviennent des ordres aboyés au masculin, pour se clore sur un « je te demande pas de penser ! »

L’éducation pour enrayer les violences

Ces dialogues ne sont pas que le fruit de l’imagination du gendarme : « Nous les avons écrits avec l’équipe du film, notamment l’actrice principale, qui connaît bien cette emprise pour l’avoir subie. » À l’écran, cette soumission se traduit par une séquence en noir et blanc, symbole d’une joie évaporée. Par un jeu d’ombres renversant, rappelant la silhouette menaçante et fantomatique de la mythique scène de la douche, dans le film « Psychose » d’Alfred Hitchcock, le réalisateur montre la femme isolée, complètement submergée par l’emprise de celui qui, autrefois, lui susurrait des mots doux.

Au départ, François imaginait un format plus long pour parler d’un problème souvent laissé de côté dans le cinéma, comme ailleurs finalement. « Grâce à ce film, je voulais qu’il y ait une prise de conscience : l’emprise, c’est souvent le début des violences. » Même si, reconnaît-il, ce n’est pas systématique : « Parfois, les coups pleuvent directement, sans prévenir, ou à l’inverse, le manipulateur ne sera jamais violent. »   

J’ai davantage été confronté à des gens violents. Mais la manipulation se constate souvent.

Durant ses douze années en brigade, François est passé par des départements affichant un taux de chômage élevé, comme dans les Ardennes ou dans la Marne. « J’ai rencontré beaucoup de gens avec des problèmes d’alcool, sans emploi, en instance de divorce ; c’est certain que ça n’aide pas », constate-t-il, avant de tempérer : « Mais la violence est partout, même dans les milieux aisés. »

Les violences, qu’elles soient psychologiques ou physiques, n’ont pas forcément pour origine la classe sociale. C’est grâce à ce constat que François a développé l’idée de réaliser « L’emprise ». Un film qui a pour objectif premier d’éduquer.

Nous voulions monter un projet dans les écoles avec l'optique de dire : « Attention, quand ça commence à se dégrader comme dans le film, c’est que ça va finir très mal. »

Pour François, la seule réponse pour endiguer les violences psychologiques passe par l’éducation. Un projet pour l’instant repoussé à cause de la crise sanitaire.

À noter :

Rentré en gendarmerie en juillet 2005, François Dodeler a commencé sa carrière comme gendarme adjoint volontaire dans les Ardennes, avant d’intégrer l’école de sous-officiers de gendarmerie du Mans (fermée en 2009). Il sera ensuite affecté dans la Marne, avant de rejoindre le peloton motorisé de Châlons-en-Champagne (51). Sa passion pour les effets spéciaux, l’image, ainsi que son admiration, depuis son plus jeune âge, pour des réalisateurs comme Steven Spielberg, Georges Lucas et Alfred Hitchcock, l’ont conduit à créer, avec l’un de ses amis, sa société de production : « Les Productions du Der (LP2D) ». Actuellement détaché une semaine par mois au cabinet communication de la région de gendarmerie de Champagne-Ardenne, il met au profit de la gendarmerie ses compétences acquises dans le monde civil.

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