Violences conjugales : une ligne d’écoute destinée aux auteurs pour mieux protéger les victimes

  • Par la capitaine Sophie Bernard
  • Publié le 12 décembre 2020
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Depuis le premier confinement, la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences (FNACAV) a mis en place une permanence téléphonique destinée aux auteurs. Au bout du fil, des spécialistes les écoutent et les aident à trouver les nécessaires compromis, souvent à travers un suivi, pour éviter de commettre l’irréparable.

« Nous ne traiterons pas la question des violences conjugales sans traiter la question des auteurs, cela, la ministre l’a bien compris », remarque Alain Legrand, président de la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences (FNACAV). En effet, si de nombreux dispositifs ont été mis en place pour accompagner les victimes de Violences intra-familiales (VIF), le suivi des auteurs contribue aussi à les protéger, à prévenir la récidive et à éviter le phénomène de transmission transgénérationnelle.

« Seize premiers centres de suivi et de prise en charge des auteurs de violences conjugales verront le jour d'ici la fin de l'année », annonçait ainsi la ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno, le 27 octobre dernier. Parmi ces centres offrant un accompagnement thérapeutique et socio-professionnel aux auteurs, certains ont été institués par la FNACAV, qui a, depuis, ajouté d’autres cordes à son arc.

« Ne frappez pas, appelez ! »

En avril dernier, la fédération a mis en place la permanence téléphonique « Ne frappez pas », destinée aux auteurs de violences. « Nous avions, depuis déjà longtemps, émis cette idée et le confinement a précipité les choses. » Tous les jours, de 10 heures à 19 heures, entre 15 et 30 professionnels sont à l’écoute sur la plate-forme. L’appel est gratuit et demeure anonyme, afin que « le pacte de confiance facilite l’échange. » Ainsi, les auteurs n’hésitent pas à se livrer et à parler de leurs actes, même s’ils sont parfois graves.

Après plus de six mois d'existence, les chiffres du premier rapport démontrent qu’il existait un réel besoin, et ce, à plusieurs égards, puisque la FNACAV a dénombré 900 appels depuis la mise en route de la ligne d’écoute. « Plus de la moitié sont des appels d’auteurs, 20 % viennent de professionnels, 20 % de victimes qui appellent pour leurs conjoints, et les 10 % restant de témoins proches », décrit le président de la fédération. Ainsi, il est conforté dans l’idée que cette ligne téléphonique trouve toute sa place dans la lutte contre les violences conjugales, puisqu’elle « vient, au côté de la loi, clairement signifier l'anormalité et l'interdit de ces violences. »

Un premier pas vers un suivi

Sur la ligne, les écoutants ont affaire à des situations extrêmement diverses. « On se bat pour qu’on arrête de généraliser en matière de violences. Il est important de distinguer les hommes auteurs de violences, qui décrivent des cycles sans forcément d’explications, des hommes violents chez qui la violence est permanente ou au moins sous-jacente. Nous avons également des femmes autrices de violences qui nous appellent, même si le pourcentage est nettement plus faible », observe Alain Legrand.

Quel que soit l’appelant, les spécialistes l’écoutent et tentent de l’orienter, même si le président signale qu' « Il faut pouvoir penser pour écouter les conseils. Or, bien souvent, la violence est la résurgence d’une émotion qui a justement pris le pas sur la réflexion. Aussi, on leur explique qu’ils sont piégés par leur inconscient et qu’ils ont besoin d’être aidés. »

Un autre argument choc demeure le traumatisme pour les enfants : « Lorsque nous leur expliquons les conséquences d’un milieu violent sur les enfants, les auteurs se décomposent ! De même, les victimes qui ne souhaitaient pas se séparer acceptent alors de partir pour leurs enfants. »

À l’issue de la conversation, 70 % des auteurs appelants demandent un suivi et une prise en charge dans un des centres spécialisés. Un chiffre positif pour Alain Legrand, qui observe : « c’est le premier pas vers le chemin de la guérison. On note aussi que la plupart ont un bon rapport à la loi. Ils sont sensibles au fait que cela soit interdit, mais se laissent dépasser par des émotions exacerbées. Ils nous remercient souvent à la fin de l’appel ! »

La FNACAV en lien avec la gendarmerie

Si ces appels demeurent anonymes et n’ont donc pas vocation à faire l’objet de dénonciations auprès des forces de l’ordre, la FNACAV n’hésite pas à s’associer à la gendarmerie au titre de la prévention. « Nous avons conçu, il y a un mois, une affiche pour mieux faire connaître la ligne d’écoute. Celle-ci va pouvoir être apposée dans toutes les brigades de gendarmerie. » À cette fin, le flyer et le premier rapport de la fédération ont été distribués à l’ensemble des Officiers adjoints prévention (OAP) dans chaque groupement de gendarmerie. Par ailleurs, la FNACAV intervient dans le cadre de la formation d’expertise VIF dispensée par le Centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ), à Rosny-sous-Bois. « Les gendarmes se sont montrés particulièrement intéressés par cet autre angle d’approche du sujet. »

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Il n’est pas rare non plus que les gendarmes appellent la permanence téléphonique pour trouver une solution en lien avec la fédération. « La dernière fois, un gendarme nous a appelés pour demander une place dans un centre de suivi. Un homme auteur de violences et ayant fait l’objet d’une éviction, dormait dehors devant la brigade depuis une semaine. Pour garantir le maintien en sécurité de la victime à son domicile, il faut aussi s’assurer du ré-hébergement des auteurs, qui peuvent vite avoir des pensées suicidaires risquant de virer vers des idées d’homicides ! »

À travers son engagement et ses partenariats, la FNACAV entend continuer de multiplier les moyens d’action en faveur du traitement des auteurs, afin de prévenir à plus long terme les violences intra-familiales.

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