AGIR : de l'innovation à la demande

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 23 novembre 2021
© GAV M-A. Saillet

Les rencontres AGIR, pour accompagnement par la gendarmerie de l’innovation, de l’industrie et de la recherche, se sont déroulées ce mardi 23 novembre. Premier salon de la demande, il avait notamment pour objectif d'expliciter aux industriels les besoins opérationnels de la gendarmerie, actuels et à venir. 200 entreprises ont répondu présent.

Certains journalistes spécialisés qualifient les gendarmes d'être « très actifs, pour ne pas dire hyperactifs », dans le domaine de l'innovation participative. La réflexion, loin d'être péjorative, traduit d'ailleurs une réalité bien prégnante. Et elle était d'autant plus flagrante si vous vous trouviez, ce mardi 23 novembre, à la station F.

Car c'est dans ce haut lieu d'incubation de start-up, situé dans le 13e arrondissement de Paris, que se sont déroulées les rencontres AGIR, pour accompagnement par la gendarmerie de l’innovation, de l’industrie et de la recherche. Rien que l'événement en soi était novateur, comme le rappelle le lieutenant-colonel Mikaël Petit, conseiller stratégie, transformation et innovation du directeur général de la gendarmerie nationale : « Ces rencontres sont en elles-mêmes innovantes, car elles ne constituent pas un salon de l’offre, (…) mais bel et bien le premier salon de la demande. »  

Le premier salon de la demande

C'est en effet là où se situe l'originalité d'AGIR. Il s'agissait justement de regrouper sous un même toit, en l'occurrence celui de la station F, près de 200 entreprises et l'intégralité des directeurs de programme de la gendarmerie et/ou d'unités spécialisées. L'objectif pour ces derniers était « d'expliciter les problématiques rencontrées, d’en discuter avec les acteurs habituels, mais aussi avec tous ceux qui penseraient pouvoir nous fournir une solution viable, qu’ils soient du domaine de la sécurité ou non », précise le lieutenant-colonel Petit.   

La genèse d'AGIR tient dans un constat : celui que, dans des salons tels que MILIPOL ou le FIC, « nos besoins ne sont pas toujours en adéquation avec ce qui est disponible sur le marché », explique l'officier, avant d'ajouter : « il nous est apparu indispensable de mieux faire connaître nos attentes et d’en discuter avec ceux qui pourraient nous offrir des solutions ad hoc. »

Ce constat est bien évidemment partagé par le directeur général de la gendarmerie (DGGN). Dans son discours inaugural, le général d'armée Christian Rodriguez a notamment insisté sur « la nécessité absolue d'innover, mais que l'innovation doit correspondre aux besoins de l'utilisateur », avant de rappeler, comme tout bon militaire, que « c'est le terrain qui commande. »  

Le futur dès à présent

Les rencontres entre les industriels et les 65 directeurs de programme constituaient donc « le poumon de l'événement. » Au total, 800 entrevues se sont déroulées durant la journée, sous la forme de « speed dating ». Durant une quinzaine de minutes, les militaires exprimaient leurs besoins opérationnels, actuels ou à venir.

Un véritable changement de paradigme donc, surtout pour les entreprises. « D'habitude, c'est plutôt le client qui va vers l'industriel », confirme Séverine Meunier, en charge du développement commercial chez Airbus CyberSecurity. « Là, ça permet de travailler et d'étudier ensemble sur des sujets qui sont en prospectif et à l'industriel de s'adapter aux besoins du client. »

Pour le lieutenant-colonel Jean-François Gauchery, directeur de programme au sein des Forces aériennes de la gendarmerie (FAG), AGIR est véritablement l'occasion « de voir ce qu'il est réellement possible de faire avec nos idées. » Par exemple, l'officier cherche à combler de « gros besoins en matière de connectivité », afin que les gendarmes de terrain puissent bénéficier d'une transmission d'images en direct. « Aujourd'hui, le système est lourd à mettre en œuvre, car nos capteurs d'images deviennent vieillissants. » De plus, si chaque jour qui passe rapproche la gendarmerie de l'arrivée des H1660 dans le parc des voilures tournantes, il faut d'ores et déjà « penser aux évolutions de l'hélicoptère. »

Cette réflexion constitue d'ailleurs le troisième pilier de la stratégie Gend 20-24 (« le futur dès à présent »), portée par le DGGN et explicitée lors de son discours inaugural : « Il faut penser aux besoins d'après-demain et anticiper ceux à venir, dans 5, 10 et même 20 ans ! » Et ces besoins ne se limitent pas qu'au volet sécuritaire, mais ils sont aussi d'ordre R.H., logistique et même textile.     

Investir le futur

C'est donc pour apporter une réponse concrète à ces besoins, qu'AGIR a réuni, le temps d'une journée, « le continuum recherche fondamentale, innovation participative interne et développement industriel. » En clair, en plus des directeurs de programme, des unités spécialisées (GIGN, PJGN, FAG) et des industriels, étaient regroupés sous la verrière de la station F, la communauté des innovateurs et le conseil scientifique de la gendarmerie, ainsi que des universitaires. Si les questions liées aux besoins de la gendarmerie étaient abordées pendant les « speed dating », celles concernant la structuration de l'innovation et sa concrétisation industrielle faisaient l'objet d'un éclairage à part.

Et pour mieux mettre en lumière les réponses à ces interrogations, étaient organisées, en parallèle des 800 entretiens, trois tables rondes. La première, intitulée « avancer ensemble », visait à présenter l’encadrement des relations entre la gendarmerie nationale et les industriels. « Il s'agissait d’expliquer comment la gendarmerie travaille avec les industriels, pour l’expression des besoins, les dépôts de brevet, les marchés publics, ou la conception des cahiers des charges », précise le lieutenant-colonel Mikaël Petit.

© GAV M-A. Saillet

La seconde table ronde permettait, grâce aux témoignages de binômes, gendarmes innovateurs et industriels, de découvrir comment aller « vers des succès communs ». Deux réussites, déjà bien éprouvées, ont été mises à l'honneur, comme le laboratoire mobile ADN, conçu avec Tracip, ainsi que les solutions logicielles développées avec Easiware pour la brigade numérique. Il était enfin question de prospective et de s'interroger sur comment « investir le futur », en abordant les challenges de demain, avec notamment la participation de pointures, comme le député et mathématicien, Cédric Villani, Coralie Héritier de la société ATOS ou encore le général Marc Boget, pour le récent ComCyberGend.     

Difficile d'évoquer la recherche et l'innovation au sein de l'institution sans mentionner le conseil scientifique de la gendarmerie. Cette instance « a vocation à consolider la modernisation technologique de l'institution grâce à un mélange d'entités internes et externes », résume l'officier. L'organe, placé sous l’autorité du DGGN, a profité d'AGIR pour dévoiler son Plan stratégique de recherche et d'innovation (PSRI). Celui-ci précise les domaines technologiques dans lesquels la gendarmerie se devra d'investir pleinement durant les cinq prochaines années, à savoir la cybersécurité, l'intelligence artificielle et les sciences du vivant. 

Mais la gendarmerie ne se présente pas nue devant les industriels et les chercheurs. En son sein, elle dispose d'une communauté d'innovateurs, « génératrice de plus de 1 600 bonnes pratiques adoptées au sein de notre arme », rappelle le lieutenant-colonel Mikaël Petit. « L'innovation participative n'est pas une chose nouvelle, insiste d'ailleurs le colonel Rémy Nollet, chef du département prospective et innovation. Cela fait 15 ans que nous en faisons. » Mais au fil du temps, des projets pour accompagner les « gendinventeurs » ont été mis sur pied, comme les « Ateliers de performance » (ADP), devenus depuis « Ateliers De l’Innovation » (ADI), pilotés par le Service de la transformation (S.T.).

Récompenser l'innovation participative                                    

Après plusieurs reports dus à la crise sanitaire, AGIR constituait donc l'occasion rêvée pour la gendarmerie de récompenser ses innovateurs, « qui mettent leur talent au service de leur maison, de leur camarade », insistait le major général de la gendarmerie, le général de corps d'armée Bruno Jockers.

Ont ainsi été dévoilés, ce mardi 23 novembre, les prix de la prévention pour les années 2020 et 2021. Cet événement met à l'honneur les gendarmes de terrain qui s'investissent plus particulièrement dans la prévention de la délinquance, en partenariat avec des acteurs locaux. Pour cette 7e édition, le premier prix de la prévention pour l'année passée récompense CAR'ADO, une initiative développée par le lieutenant-colonel Laurent Gladieux, du groupement de gendarmerie départementale du Nord. Il s'agit d'une opération de prévention des violences sexuelles et sexistes conduite par les jeunes et pour les jeunes.

© GAV M-A. Saillet

Pour l'édition 2021, le premier prix revient à un duo ultramarin, du COMGEND de Saint-Pierre-et-Miquelon plus précisément, pour le projet du « permis nature ». Il s'agit d'un partenariat entre la gendarmerie et l'Office français de la biodiversité (OFB), qui vise à sensibiliser les collégiens aux enjeux et à la protection de leur environnement naturel. Il poursuit un quadruple objectif, à savoir diversifier l'action préventive de la gendarmerie en matière de protection de l'environnement, concourir à une meilleure proximité avec la jeunesse sur une thématique rassembleuse, valoriser l'action de la gendarmerie auprès des maires et élus locaux et, enfin, développer des liens et agir conjointement avec l'OFB. L'originalité de ce projet est qu'il se révèle facilement déclinable par tous les groupements, en fonction de leur environnement (montagnard, campagnard, littoral…).   

Le ministre de l'Intérieur, à l’occasion de sa visite sur l’événement, a également récompensé les gendarmes du groupement des Yvelines, qui, depuis fin 2020, expérimentent une toute nouvelle application appelée Gendlucse : un outil unique au monde qui traque et repère les marchandises de contrefaçon.

Les rencontres AGIR constituent le premier rendez-vous du genre. « Elles devraient devenir un rendez-vous incontournable de l’innovation et de la co-construction pour la sécurité », conclut le lieutenant-colonel Mikaël Petit. Pour la gendarmerie, l'objectif est « d’offrir une sécurité sur-mesure à nos concitoyens, en œuvrant à la conception d’outils spécialement créés pour leurs besoins. » Mais pour cela, et c'est là où l'utilité d'AGIR prend son sens, le besoin d'innovation est « exprimé par le terrain », rappelait le général Jockers. Un leitmotiv appuyé par le DGGN : « Une idée nouvelle n'impacte que si elle rencontre un besoin réel. »

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