Crime pharmaceutique : l'alliance entre l'OCLAESP et le G5 Santé porte ses fruits

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 03 mars 2021
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Un peu plus d’un an après la signature de leur partenariat, en janvier 2020, le G5 Santé et l’OCLAESP soulignent l’efficacité de cette collaboration contre le trafic de faux médicaments et autres produits de santé, qui met en péril la santé des patients dans le monde. Deux opérations de veille sur Internet ont été menées dans le cadre cette coopération. Mais la bataille ne fait que commencer.

Aux yeux du grand public, la lutte contre le trafic de faux médicaments et autres produits de santé est entrée dans une nouvelle dimension il y a pile un an et le début de la crise sanitaire. Mi-mars 2020, la première vague de COVID-19 frappait l'Hexagone, avec les conséquences que l'on connaît. Elle fut immédiatement doublée d'un courant d’arrachement, plus pernicieux encore que l'épidémie elle-même, qui s’était notamment infiltré partout dans le cyberespace, Eldorado des trafiquants de médicaments et autres escrocs pharmaceutiques.

Dès le mois d'avril 2020, le chef du pôle national de lutte contre les cyber-menaces de la gendarmerie, le colonel Éric Freyssinet, dressait un état des lieux alarmant de la situation : « Nous avions constaté beaucoup d’escroqueries liées à la vente de masques, ciblant à 75 % des particuliers, et pour le reste des professionnels qui voulaient acheter du matériel de protection et de désinfection pour leurs personnels. »

Hasard du calendrier, quelques semaines avant le début de la crise sanitaire, des contre-mesures avaient déjà été mises en place pour face à cette délinquance. Le 9 janvier 2020, l'OCLAESP (Office Central de Lutte contre les Atteintes à l'Environnement et à la Santé Publique) et le G5 Santé, consortium réunissant les huit principaux groupes français des industries de la santé et des sciences du vivant, avaient signé un partenariat visant à lutter plus efficacement contre le trafic de faux médicaments et autres produits de santé.

L’enjeu principal dans le cas des falsifications de médicaments ou de produits de diagnostic est clairement un enjeu de santé publique. Et le G5 Santé est favorable à ce que cet enjeu soit traité comme un enjeu sécuritaire prioritaire. » Didier Véron, président du G5 Santé.

Concrètement, cette collaboration renforcée entre les industries et l'office avait et a toujours pour objectif de faciliter la cartographie des menaces et des flux de faux médicaments et de sensibiliser au mieux tous les acteurs aux tendances observées, comme les modes opératoires des criminels. Elle vise également à valoriser les éléments recueillis par l'industrie pharmaceutique et diagnostique, à détecter les filières de distribution illicites sur le Web comme sur le Darkweb et à faciliter la judiciarisation des cas identifiés. Enfin, le dernier objectif de ce partenariat est de promouvoir la lutte contre le crime pharmaceutique et d’exporter les bonnes pratiques de cette convention au sein des États membres d'Europol.

Pour le président du G5 Santé, Didier Véron, l’absence de partenariat entre les différentes administrations publiques, les forces de l'ordre et les acteurs du secteur privé rendrait inefficace la lutte contre le trafic de faux médicaments et autres produits de santé. « Sans cette coopération, nous ne pourrons jamais lutter efficacement contre les criminels qui vendent des médicaments falsifiés ! Ils sont agiles, nous devons l'être aussi. » Un constat partagé par le patron de l'OCLAESP, le général Jacques Diacono :

 Ce partenariat (…) est devenu incontournable en matière de recueil et de partage de renseignements. J'en veux pour preuve l'efficacité des actions répressives menées dans le cadre de l'opération SHIED (…). » Général Jacques Diacono.

Pilotée par Europol et mise en place en février 2020, l’opération SHIELD visait le trafic illégal de produits de type anticancéreux, érectiles, analgésiques et anti-viraux, ainsi que de diverses substances dopantes. Elle a permis le démantèlement de 25 groupes criminels, l’interpellation de 700 personnes et la saisie de 25 millions d’unités médicamenteuses, pour une valeur de 73 millions d’euros. Au cours de cette même période, dix laboratoires clandestins ont été fermés et 453 sites illicites de vente en ligne ont été cadenassés.

Le succès de cette opération fut, en partie, dû à la première opération de veille sur Internet menée conjointement par l'OCLAESP et les entreprises membres du G5 Santé. Début avril 2020, face à l'urgence de la crise sanitaire, le consortium a cherché à détecter l'ensemble des offres frauduleuses en lien avec la COVID-19. À l'époque, il s'agissait surtout de contrer les réseaux criminels qui avaient adapté leurs offres à la forte demande de produits en relation avec la pandémie, tels que des masques, du gel hydroalcoolique, des tests, etc.

Mais la COVID-19 n'est pas le seul front sur lequel se positionnent l'OCLAESP et le G5 Santé. Les produits d'oncologie, permettant le diagnostic et le traitement des cancers, ont été la cible d'une seconde opération, commencée en juin 2020. Elle a permis de mettre en évidence une forte progression de la falsification des traitements anti-cancéreux et leur détournement des réseaux légaux de distribution. Elle a également abouti à l'identification d'un réseau criminel implanté en Europe, s'appuyant sur une nébuleuse de sites Internet déployés sur le continent, ainsi qu'en Turquie.

La santé publique, un enjeu sécuritaire prioritaire

Pour le général Diacono, ces résultats sont aussi satisfaisants qu’inquiétants : « Ils font craindre, à juste titre, un impact inquiétant en matière de santé des populations. » D'où l'intérêt, pour le patron de l'OCLAESP, de faire de cette bataille un front prioritaire, en impliquant tous les alliés dans cette lutte :

Au plan national, les préconisations du Livre blanc de la sécurité intérieure, paru récemment, confirment la nécessité de continuer à œuvrer toujours plus en synergie et complémentarité, évidemment entre acteurs publics, mais aussi en prenant en considération et en intégrant les acteurs privés dans une indispensable réflexion de continuum de sécurité. » Général Jacques Diacono.

Même son de cloche du côté du G5 Santé et de son président, Didier Véron, pour qui l'enjeu de santé publique doit être un enjeu sécuritaire prioritaire, pas seulement en France, mais aussi en Europe :

La lutte contre la criminalité pharmaceutique et diagnostique est plus que jamais prioritaire pour les instances européennes, car l’implication de réseaux criminels organisés de grande envergure, opportunistes et en constante progression ne fait plus aucun doute. » Didier Véron.

Interpol estimait, en janvier 2020, que le trafic de produits pharmaceutiques et diagnostiques à haute valeur, de type anti-cancéreux et anti-hépatiques, était 20 fois plus rentable que le trafic de stupéfiants. Un chiffre à prendre bien sûr avec des pincettes, tant cette criminalité reste opaque.

À noter :

le G5 Santé est un consortium qui rassemble les dirigeants des principales entreprises françaises de santé et des sciences du vivant (bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier, Théa).

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