Hommage aux Compagnons de la Libération

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 10 novembre 2021
Le 15 octobre 2021, dans la Cour de l’Hôtel national des Invalides, un vibrant hommage a été rendu à Hubert Germain par le chef de l’État, en présence des soldats de la 13e DBLE.
© Sirpa Terre

Le décès, le 12 octobre dernier, d’Hubert Germain, dernier des 1 038 Compagnons de la Libération, rappelle le devoir de mémoire essentiel envers ces femmes et ces hommes qui ont combattu pour l’honneur et la liberté. Ce 11 novembre, tandis que le chef de l’État présidera la cérémonie d’inhumation d’Hubert Germain à l’Arc de Triomphe et au Mont-Valérien, la gendarmerie se souvient, elle aussi, de cinq de ses gendarmes faits Compagnons de la Libération, mais aussi de tous les autres héros qui, animés de la même flamme, ont également mené la lutte.

Hubert Germain est décédé ce mardi 12 octobre, à l’âge de 101 ans. Chancelier d’honneur de l’Ordre de la Libération, il était le dernier des 1 038 Compagnons de la Libération. Cet ordre, qui comptait six femmes, avait été créé par le général de Gaulle en novembre 1940, pour rassembler et honorer les premiers Français à avoir répondu à l’appel du 18 juin.

Avec ses camarades de la 1re Brigade française libre et de la 13e demi-brigade de Légion étrangère, le lieutenant Germain fut de toutes les grandes batailles de la reconquête. Il s’était notamment illustré avec la 13e DBLE lors de bataille de Bir Hakeim, en Libye, de mai à juin 1942, avant de prendre part aux combats de la 1re Division française libre à El Alamein, en Égypte, en octobre 1942, puis en Tunisie jusqu'en mai 1943. Sérieusement blessé en mai 1944 en Italie, ce qui lui vaudra la croix de la Libération, il participera tout de même au débarquement de Provence en août 1944 et à la libération de Toulon, de la vallée du Rhône et de Lyon. Il prendra ensuite part aux campagnes des Vosges, d'Alsace, avant de terminer la guerre dans le sud des Alpes.

Lors de l’hommage qui lui a été rendu le 15 octobre, dans la Cour de l’Hôtel national des Invalides, en présence des soldats de la 13e DBLE, qui lui ont rendu les honneurs militaires, le chef de l’État a salué « l’ultime héros de ce cercle de combattants désormais disparu », dont Hubert Germain faisait partie depuis 1944 et qui, il y a 80 ans, « a relevé la France de l’abîme ».

Ce combattant de la première heure au sein des Forces Françaises Libres s’est attaché jusqu’à la fin à promouvoir et perpétuer les valeurs de la Résistance et de la Libération, veillant à ce que l’Ordre, dont il était la dernière incarnation, devienne une boussole de citoyenneté, notamment auprès des plus jeunes.

« Avec ses frères d'armes, il avait défendu la liberté. Avec ses frères d’âmes, toutes celles et ceux qui se reconnaissent comme tels, il allait désormais rebâtir la fraternité. Quête inlassable d'une vie de résistance et d'espérance. Ces dernières années, Hubert Germain était devenu le gardien du flambeau qu’avait allumé le général De Gaulle. Ultime reconnaissance de ses frères d'armes, il avait été fait caporal-chef d'honneur de la Légion étrangère il y a quelques semaines. Dernier chancelier d'honneur de l’Ordre de la Libération, il en a attisé les braises ardentes jusqu'à son dernier souffle. Elles ne s'éteindront pas avec lui », a assuré le président de la République

Dans la continuité de cet hommage national, Emmanuel Macron présidera la cérémonie d’inhumation d’Hubert Germain ce 11 novembre à l’Arc de Triomphe et au Mont-Valérien, théâtre sanglant de l’exécution des résistants durant la Seconde Guerre mondiale. Son corps reposera dans la crypte du mémorial de la France combattante.

Parmi les 1 038 Compagnons de la Libération, il y eut aussi cinq gendarmes : les généraux Maurice Guillaudot et Paulin Colonna d’Istria, le lieutenant-colonel Philippe Fratacci, le capitaine Jean d’Hers et le maréchal des logis-chef Auguste Kirmann. « Ils ont constitué l’avant-garde, l’élite morale et militaire de la gendarmerie dans la guerre. Ils ont ouvert un chemin d’honneur qu’empruntèrent également nos 12 000 Résistants, nos 1 100 martyrs, fusillés, déportés et morts pour la France au maquis comme lors des combats de la Libération, nos 22 Justes parmi les Nations : Jean Vérines, Maurice Berger, Charles Morel, Étienne Roch, Marcellin Cazals, Camille Mathieu, les gendarmes de Loches ou du Vercors, tant d’autres encore… Tous sont notre gloire et font notre fierté ! », a rappelé le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, qui sera également présent lors de la cérémonie au Mont-Valérien pour « s’incliner devant la mémoire du lieutenant Hubert Germain, grand soldat et Compagnon de la Libération. »

Hommage à cinq gendarmes Compagnons, cinq destins marqués par l’engagement

Sous l’Occupation, le comportement des gendarmes est celui de la population française. Alors qu’une majorité suit l’évolution de la situation, et qu’une minorité choisit la voie de la collaboration, d’autres s’engagent résolument dans la Résistance. C’est ainsi que 338 gendarmes sont fusillés par les troupes d’occupation, près de 830 sont déportés, dont 250 trouvent la mort dans les camps. Par ailleurs, alors que près de 400 gendarmes sont tombés dans la campagne de France en mai-juin 1940, une centaine succombe à leur tour lors des combats de la Libération.

Le parcours, souvent tragique, toujours héroïque, des cinq gendarmes compagnons de la Libération, témoigne de ce front du refus.

Chef d’escadron Maurice Guillaudot : la Résistance dans le Morbihan

© D.R. - Compagnons de la Libération

Maurice Guillaudot est né à Paris, le 28 juin 1893. Fils d’un garde républicain, il s'engage dans l'artillerie en 1911, au sein de laquelle il participe aux premières batailles de la Grande Guerre. Quatre fois blessé et six fois cité, il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur le 17 août 1918. Il intègre la gendarmerie en 1920. En 1941, alors qu’il est affecté à Rennes, ce vétéran de la Grande Guerre refuse de disperser la population venue fleurir les tombes des victimes des bombardements allemands de juin 1940. Il se voit alors muté disciplinairement à Vannes, à la tête de la compagnie du Morbihan. Le chef d’escadron Guillaudot entre dans la lutte clandestine contre l’Occupant dès juin 1941. Il constitue le réseau « renseignement et action ». Cette organisation clandestine, qui s’appuie sur l’ensemble des cinquante-cinq brigades de la compagnie du Morbihan, se révèle un modèle d'efficacité. Rapidement, Guillaudot est nommé chef de la Résistance de ce département, sous le pseudonyme de « Yodi ». Ce réseau parvient à fournir aux Alliés des renseignements de première main sur les défenses prévues par le dispositif allemand.

Victime d’une dénonciation, Guillaudot est arrêté par la Gestapo le 10 décembre 1943 à son domicile. Mais le chef de « la France combattante » dans le Morbihan résiste à la torture et ne parle pas. Il sera déporté en Allemagne, au camp de concentration de Neuengamme, d’où il ne reviendra qu’en mai 1945, épuisé et gravement touché par l’enfer des camps auquel il a survécu.

Maurice Guillaudot est fait Compagnon de la Libération le 19 octobre 1945, trois semaines avant d’être promu général de brigade. Il quitte la gendarmerie en 1949 et décédera à Hédé, en Ille-et-Vilaine, le 23 mai 1979. La 99e promotion de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) porte son nom.

Capitaine Paulin Colonna d’Istria : le combat du renseignement en Corse

© D.R. - Compagnons de la Libération

Paulin Colonna d’Istria est né à Petreto Bicchisano le 27 juillet 1905. Fils d’officier, il est admis à l’école militaire de Saint-Maixent en 1927. En 1933, il choisit de rejoindre les rangs de la gendarmerie. Promu capitaine en 1936, il est affecté en Algérie, où il sert au moment de la déclaration de guerre en septembre 1939. En avril 1943, alors qu'il est adjoint au commandant de la gendarmerie en AFN, et en accord avec les Britanniques, le capitaine d’Istria est désigné par la sécurité militaire pour préparer un débarquement en Corse. Sur place, alors qu’il se trouve en territoire ennemi, il parviendra à unifier les différentes mouvances de la Résistance et sera le grand artisan de la libération de l’Île de beauté en septembre 1943. Faisant toujours montre d’audace et de courage, prenant même des risques insensés, il infiltrera même les services de l’espionnage italien ! Traqué par les Allemands, il réussit néanmoins à organiser la lutte préparatoire au débarquement Allié du 11 décembre 1943. Il sera alors promu lieutenant-colonel avant d’être nommé sous-directeur de la gendarmerie, en novembre 1944.

Après la guerre, il rejoint le commandement de la gendarmerie à Alger, puis à Lyon. Colonel en 1947, il est brièvement élu député en 1951. Devenu général de brigade en 1956, il commande la gendarmerie des Forces françaises en Allemagne. Paulin Colonna d'Istria décédera le 4 juin 1982 à Toulon. Grand officier de la Légion d’honneur, décoré de la Croix de guerre 1939-1945, il fut fait Compagnon de la Libération le 16 août 1944. La 116e promotion de l’EOGN porte son nom.

Lieutenant Philippe Fratacci : de toutes les campagnes

© D.R. - Compagnons de la Libération

Philippe Fratacci est né à Nice le 27 janvier 1917. Fils de cheminot, le jeune homme s'engage le 25 février 1936 au 23e Régiment d'infanterie coloniale. Le 20 août 1940, il déserte avec 16 de ses camarades pour rejoindre les Français libres et participe au ralliement du Cameroun. En janvier 1941, il entre à l’école d'aspirants de Brazzaville. Promu sous-lieutenant en janvier 1943, son bataillon étant rattaché à la 1re Division française libre, il participe aux campagnes de Tunisie et d’Italie, avant de débarquer en Provence le 16 août 1944. Grièvement blessé à Thouars, le lieutenant Fratacci combat devant Belfort à l’automne 1944, puis en Alsace et dans les Alpes en avril 1945. Après la guerre, il est affecté en Indochine en 1946, sous les ordres du général Leclerc. Il rejoint la gendarmerie et sert au Maroc (1947-1952), au Cambodge (1954-1956), au Niger (1957-1959), en Haute-Volta (1959-1961) et, enfin, en métropole, notamment à Tours. Lieutenant-colonel, il est admis à la retraite en 1965. Il décédera le 5 avril 2002 au Havre. Fait Compagnon de la Libération le 16 octobre 1945, il est également commandeur de la Légion d’Honneur et officier de l’Ordre national du mérite.

Capitaine Jean d’Hers : la lutte armée en Indochine

© D.R. - Compagnons de la Libération

Jean D’Hers naît le 17 mai 1910 à Toulon. Orphelin très jeune (son père est tué à Verdun en 1915 et sa mère décède en 1920), il entre à Saint-Cyr en 1929. Officier d’infanterie, il rejoint la gendarmerie en 1935. Il devient commandant de brigade mobile de la garde civile de Cochinchine-Cambodge, à Gia-Dinh. Quand la guerre éclate, il ne parvient pas à aller se battre en Europe et refuse la défaite. Il entre en contact avec la France libre dès le mois de décembre 1940 et organise les gendarmes et les volontaires dans le cadre du réseau « Graille », grâce auquel, durant quatre ans, il renseignera les alliés sur les Japonais qui occupent l’Indochine. Il préviendra notamment les Britanniques de l’attaque japonaise du 8 décembre 1941 sur Singapour. Dans la province de Cantho, dans l’ouest cochinchinois, il organise ainsi la résistance civile et déploie une grande activité, notamment dans le domaine du renseignement, pour préparer la Résistance face à une éventuelle attaque.

Le coup de force des Japonais, dans la nuit du 9 au 10 mars 1945, donne le signal du combat. D’Hers et ses hommes prennent les armes et mènent des actions de sabotage. Après avoir fait sauter plusieurs ponts et un dépôt d’essence, il mène son ultime combat. Le 18 mars, lors de l’une de ces opérations, la quinzaine d’hommes réunis autour de lui à bord du canot Saint-Éloi attaque un fort parti japonais sur le canal de Tran Bang. À l’exception de quatre hommes, tous seront tués au terme d’un âpre combat qui les oppose à deux cents ennemis. Le capitaine d’Hers n’en réchappera pas et succombera les armes à la main. Inhumé à Toulon, il a été fait Compagnon de la Libération le 22 janvier 1946. Il est également chevalier de la Légion d’Honneur et titulaire de la croix de guerre 39/45.

Maréchal des logis-chef Auguste Kirmann : la guerre dans la prévôté des troupes du Levant

© D.R. - Compagnons de la Libération

Auguste Kirmann est né le 4 décembre 1907 à Hindisheim, dans le Bas-Rhin. Engagé à plusieurs reprises dans l’infanterie coloniale, ce fils d’employés de la SNCF sert en Indochine, puis au Liban, où il se trouve quand la guerre éclate. Avec son capitaine et 130 autres soldats, il part en Égypte, où les Français libres créent le 1er Bataillon d’infanterie de Marine (BIM). Engagé contre les forces de l’Axe en Afrique du Nord, le BIM combat à Sollum, Sidi-Barrani et Tobrouk. En mai 1941, en Palestine, Kirmann est affecté à la prévôté du Levant et est nommé élève-gendarme. Il poursuit la guerre dans la prévôté des troupes du Levant et est promu maréchal des logis-chef lorsque cessent les combats. Rapatrié en Europe en 1946, il quitte la gendarmerie en 1948 pour mener une carrière civile comme tailleur, ouvrier en usine automobile, puis employé de l’office HLM de la ville de Marseille. Décédé le 18 avril 1995 à Dieppe, il est inhumé à Saint-Denis-sur-Scie (76). Fait Compagnon de la Libération par décret du 7 mars 1941, le MDC Kirmann est également chevalier de la Légion d’Honneur, médaillé militaire et titulaire de la croix de guerre 39/45 avec deux citations.

Cinq compagnons de la Libération, cinq manières de résister et de s’opposer à l’insupportable. Cinq braves aussi, dont la conduite illustre les propos de Marc Bloch, historien et martyr de la Résistance, tombé sous les balles allemandes : « Il n’est pas de salut sans une part de sacrifice, ni de liberté nationale qui puisse être pleine si on n’a travaillé à la conquérir soi-même ».

En mémoire de l’héroïsme de ces cinq gendarmes, leurs noms seront prochainement inscrits au siège de la direction générale de la gendarmerie, à Issy-les-Moulineaux.

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