Les trafiquants de drogue dans le collimateur de la SRTA

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 03 novembre 2021
Contrôle dans la zone fret de l'aéroport de Roissy par des militaires de la gendarmerie des transports aériens (GTA).
Contrôle dans la zone fret de l'aéroport de Roissy par des militaires de la gendarmerie des transports aériens (GTA).
© Gendarmerie/SIRPA/F.BALSAMO

Dans leurs discrets bureaux à proximité de l’aéroport Charles de Gaulle, les militaires de la section de recherches de la gendarmerie des transports aériens participent activement à la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Créée en 2004 afin de prendre en compte les accidents d’aviation civile de grande ampleur - décision prise après celui du Concorde en 2000 -, la Section de recherches des transports aériens (SRTA) comptait au départ une vingtaine de gendarmes. Assez vite, le champ d’action de l’unité s’est élargi, avec un volet d’enquêtes judiciaires portant sur le travail illégal, le trafic de stupéfiants… Deux pôles de compétences ont ainsi émergé : la Division des investigations aériennes (DIA), pour les incidents et les accidents, quelle que soit la taille de l’aéronef, et la Division contre la criminalité organisée (DCO).

En 2017, la dissolution de la brigade de recherches de Roissy et la réduction des effectifs de celles d’Orly et d’Aix-en-Provence ont permis de porter le nombre de gendarmes de la SRTA à 45, et de renforcer la cohérence et l’efficacité dans le domaine judiciaire. Un Groupe d’observation et de surveillance (GOS) et une Cellule d’identification criminelle et numérique aéronautique (CICNA), composée de cinq techniciens (TIC) et d’un N’Tech spécialisés dans le domaine aérien, ont été créés.

« Mais je dois m’assurer de ne pas avoir sous mes ordres deux unités distinctes qui travaillent séparément, parce qu’en cas de crash aérien important, tous les militaires vont se consacrer à ce seul dossier, complète le colonel Laurent Chartier, commandant la SRTA. J’ai donc besoin qu’ils se connaissent. Il est par ailleurs nécessaire de prendre en compte chaque information, pour éviter de perdre une source. C’est pourquoi j’ai décidé la création de la Division des appuis spécialisés (DAS), qui filtre toute information entrante, soit pour la traiter elle-même en urgence, avec l’appui éventuel des OPJ de la DCO ou de la DIA, soit pour la confier à la DCO pour un travail à plus long terme. »

Objectif mules

Dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, qui constitue une part importante de ce travail d’enquête, la SRTA traite principalement deux types de dossiers. Le premier concerne les trafics de grande ampleur qui passent par les cargaisons des avions. La drogue voyage en soute et est récupérée par des personnes compromises sur la piste. Les gendarmes exploitent pour cela soit des renseignements de leurs indicateurs, soit des informations de l’Office anti-stupéfiant (OFAST). « Suivant les cas, il y a co-saisine ou non, et nous pouvons prendre la direction d’enquête », précise le chef de la SRTA. L’an dernier, son unité, co-saisie avec le pôle investigation de l’OFAST, a ainsi saisi 52 kg de cocaïne dissimulés dans du fret alimentaire.

L’autre type de trafic, ce sont les mules. Ces passagers qui transportent la drogue, soit dans leur bagage, soit in corpore. « Depuis 2020, nous nous intéressons de plus en plus aux mules, confirme le colonel Chartier. Nous utilisons le fichier PNR (Passenger Name Record), qui contient toutes les informations transmises par les compagnies aériennes. C’est un fichier intéressant, qui recense tous les passagers qui entrent et sortent de l’espace européen, ce qui nous permet d’en cibler certains selon une série de critères. » Six militaires ont été formés au sein de la SRTA pour exploiter cette source.

Mais la lutte contre ce mode de trafic s’avère complexe, pour différentes raisons. D’abord parce que les organisations criminelles placent plusieurs mules sur les vols, notamment ceux en provenance de Cayenne, en acceptant le risque d’une perte partielle de la marchandise. « Une dizaine de mules transportant chacune un kilo de cocaïne, c’est moins risqué que de faire passer 10 kg dans une valise. Il y en aura toujours plusieurs qui arriveront à destination », souligne l’officier de gendarmerie. Il est à noter qu’aux Pays-Bas, des scanners corporels, contrôlant l’intérieur du corps des individus, ont permis de réduire considérablement le trafic, mais ce type d’installation ne semble pas à l’ordre du jour en France, pour le moment.

Deuxième problème : les mules, lorsqu’elles transportent la drogue in corpore, doivent être prises en compte à l’antenne médicalisée Cusco de l’Hôtel-Dieu, où elles demeurent jusqu’à la constatation d’une selle propre par un médecin. « Nous faisons une première radio à l’aéroport pour étayer les soupçons, puis une autre de confirmation à l’Hôtel-Dieu, où commence la garde à vue de 96 heures. Or, il n’y a que cinq chambres à l’Hôtel-Dieu. Au maximum, nous ne pouvons donc mener que cinq gardes à vue simultanément. Il faudrait beaucoup plus de chambres, et les trafiquants le savent. »

Une coopération internationale

Pour les enquêteurs de la GTA, interpeller et interroger ces mules n’est qu’une première étape. « L’exploitation des téléphones par le N’Tech permet de collecter les numéros des donneurs d’ordre à l’étranger et de ceux qui prennent le relais à l’arrivée sur le sol français, poursuit le colonel Chartier. Il arrive même que nous trouvions des photos géolocalisées apportant de précieux indices sur l’endroit où la drogue a pu être ingurgitée. Ces informations sont bien sûr partagées avec d’autres enquêteurs, notamment dans le cadre de la coopération internationale. C’est aussi ce qui permet d’en obtenir en retour. Nous entretenons ainsi d’excellentes relations avec les Attachés de sécurité intérieure (ASI) du Brésil, du Canada et des États-Unis affectés à Paris. »

Une autre difficulté porte sur la provenance des vols. Les gendarmes surveillent bien sûr en priorité ceux qui décollent d’Amérique du Sud, et principalement de Bogota, en Colombie. « Mais j’ai demandé à la DAS de suivre d’autres routes, notamment celles de l’héroïne qui viennent du Pakistan et d’Afghanistan, et aussi de surveiller la cocaïne qui vient de Colombie, mais transite par l’Afrique pour tromper les enquêteurs. Ces nouveaux plans de vol nous compliquent la tâche, surtout s’il y a changement d’avion. » La SRTA collabore donc régulièrement avec les services de police en Afrique, afin d’échanger des informations, notamment dans le cadre du programme Air Cop, sous mandat de l’ONU.

Enfin, autre défi de taille pour les gendarmes des transports aériens : le réseau de 10 000 aéroports secondaires. « Il faut être lucide, il y a aussi du trafic qui passe par ces aérodromes, sur lesquels nous manquons de visibilité, estime Laurent Chartier. Nous travaillons activement sur cette problématique. »

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