Le 1^er août 2019, après trois ans passés au sein de la Direction générale de la gendarmerie nationale, le colonel Mark Evans est affecté à la tête du Groupement de gendarmerie départementale de la Meuse (GGD 55). Il quitte les couloirs feutrés d’Issy-les-Moulineaux, pour échanger, dès les premiers jours, avec un élu descendu de son tracteur pour lui parler. Il fait alors un constat : « Certaines affectations ou mutations sollicitent chez nos personnels des facultés d’adaptation et un esprit de curiosité qui ne s’acquièrent pas en école. »

Ici, c’est la Meuse !

Rapidement, il tente de découvrir ce territoire qu’il connaît mal et qui pâtit malheureusement d’un manque d’attractivité auprès des gendarmes. « Le GGD 55 compte un taux important d’élèves gendarmes sortis d’école et subit un déficit chronique en matière de gradés d’encadrement, il y a donc un manque de transmission», regrette le colonel.

En observant ses personnels, vient en lui une réflexion. « Même si certains de ces jeunes ne voulaient pas être ici au départ, il est primordial qu’ils s’intéressent à ce territoire très spécifique pour nourrir leurs discussions et avoir des contacts de qualité avec la population. » La Meuse est un territoire rural. Il s’agit donc de connaître les difficultés rencontrées par les agriculteurs, la saison des semailles et celle des moissons, etc. C’est également une terre martyre, où la Grande Guerre a véritablement marqué les consciences sur des générations. Mais en dépit d’une forte décroissance économique et démographique, c’est aussi une terre riche par son histoire, sa culture et une industrie locale qui tient bon, avec de nombreuses pépites. « Autant de particularités importantes à avoir en tête lorsqu’on s’adresse à un administré, à un élu, ou à un porte-drapeau lors d’une cérémonie ! »

Apprendre en s’amusant

L’idée d’un support pédagogique mûrit dans la tête du colonel, qui ne souhaite surtout pas imposer « une énième formation académique,mais plutôt quelque chose de ludique, qui puisse être aussi bien utilisée individuellement que de façon collective en salle café ». Faisant toujours appel à son expérience personnelle, il se souvient qu’en se préparant pour le permis de chasser (une activité très présente dans la Meuse !), il avait apprécié une application en ligne proposée par l’office national de la chasse et de la faune sauvage, et comportant notamment des QCM illustrés. Aussi, début 2020, le colonel réunit son groupe commandement pour réfléchir ensemble à différentes questions, qu’ils organisent en six thématiques : Histoire, Économie, en abordant notamment les fleurons industriels de la région, Géographie, Administrations, pour mieux connaître les élus et les partenaires environnants, Culture et loisirs, afin d’apprécier aussi certaines activités en famille, ainsi que M@ Gendarmerie. Ce dernier module permet aux militaires d’appréhender également leur environnement professionnel, qui va bien au-delà des limites de la brigade, en les renseignant sur les unités susceptibles de les renforcer, mais aussi en les testant sur les traditions militaires, pour renforcer l’esprit de corps.

Une appli déclinable à l’infini

Mais il ne suffit pas d’imaginer le contenu, encore faut-il le créer techniquement. Pour cela, le colonel s’adresse à la lieutenante Caroline Arbelot, affectée au Centre de production multimédia de la gendarmerie nationale (CPMGN), qui travaille durant plusieurs mois à partir de ce cahier des charges. Résultat : l’application a pu voir le jour en ce début d’été 2021, un timing parfait pour les nouveaux arrivants !

Accessible en téléchargeant Moodle, sur n’importe quel smartphone, afin que les réservistes puissent aussi l’utiliser, elle reprend les six thématiques et comprend deux modes : l’entraînement, pour apprendre, et le challenge, pour tester ses connaissances.

Au vu des échanges que peut avoir le colonel avec ses personnels et du questionnaire de satisfaction édité par le CPMGN, les premiers retours des gendarmes utilisateurs sont très positifs. « Ils apprécient ce format sans contrainte de temps et trouvent que les QCM aident à retenir plus facilement. »

Fort de cet engouement, le colonel espère que son application inspirera d’autres services de la gendarmerie, voire des partenaires de l’Institution. En attendant, il réfléchit déjà à certains axes d’amélioration : des mises à jour avec des nouvelles questions, une fonction palmarès, pour susciter entre les utilisateurs et les unités une saine émulation, ou encore des fonctionnalités statistiques, évidemment totalement anonymisées, qui permettraient de mieux connaître les besoins des gendarmes, d’identifier les caractéristiques et les espaces géographiques du territoire les mieux maîtrisés et au contraire ceux qui sont moins connus.