Un parfum d’Erasmus entre gendarmerie et Polizei

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 24 septembre 2020
Pauline la gendarme française, Franziska la policière allemande, et les montagnes pyrénéennes.

C’est une grande première dans le cadre de la coopération franco-allemande. Pauline, élève à l’école de gendarmerie de Tulle, s’est rendue dans une école de police allemande en début d’année. Du 4 au 11 septembre, sa correspondante Franziska a découvert en retour une brigade de gendarmerie. Récit.

Dans la vie, il faut parfois éviter de se poser trop de questions et savoir saisir les occasions. Le jour où fut demandé aux élèves de l’école de gendarmerie de Tulle qui possédait des bases en allemand, Pauline a levé la main, machinalement, « sans savoir de quoi il s’agissait ». Convoquée dans le bureau du colonel Jean-Michel Blaudez, chef de la division de l'appui à la formation, elle se présente, légèrement intimidée et plutôt intriguée. « Le colonel s’est mis à parler en allemand pour évoquer un projet d’échange avec une école de police en Allemagne. J’ai tout de suite dit oui ! » Ou plutôt ja !

Les bonnes personnes au bon endroit, au bon moment

« Il y avait déjà de très beaux acquis dans la coopération entre la gendarmerie nationale et la police allemande, note le colonel Blaudez. Comme la compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande, la participation active aux « brigades européennes » ou, l’an dernier, la création de l’Unité opérationnelle franco-allemande (UOFA). Mais cette coopération concernait principalement la région Grand Est et les Länder situés de l’autre côté de la frontière. Or, le traité d’Aix-la-Chapelle, signé le 22 janvier 2019, appelait à élargir cette coopération au-delà des territoires frontaliers. »

Autre constat : des échanges peu développés entre les écoles de policiers allemands et de gendarmes français. Des civils d’un côté, des militaires de l’autre. D’un côté un État décentralisé, avec 16 Länder et trois villes-États (Berlin, Brême, Hambourg) souverains sur les questions de police, de l’autre un État centralisé avec une force nationale. Malgré ces différences, un jumelage entre une élève gendarme et une jeune policière allemande est envisagé. Et c’est donc à Tulle, en Corrèze, qu’il a vu le jour et a pris corps. Pourquoi Tulle ? Par simple concours de circonstances. « Les bonnes personnes au bon endroit, au bon moment », résume le colonel Blaudez.

Un vrai choc des cultures !

Si une fée s’est penchée sur le berceau de ce projet, c’est peut-être Pascale Trimbach, l’actuelle préfète de la Meuse. Cette réserviste de l’arme connaît très bien la gendarmerie. Affectée en 2017 en Allemagne, en qualité de consule générale de France à Francfort, elle noue rapidement d’excellents contacts avec la police de la Hesse, et travaille régulièrement avec le consul honoraire de France à Mannheim, Folker R. Zöller. « Il se trouve qu’il dispose d’une résidence secondaire en Corrèze, rapporte Pascale Trimbach. Nous avons évoqué ensemble la possibilité d’un échange culturel entre la gendarmerie française et la police allemande, sur la base du volontariat, dès la formation initiale. C’est fondamental et novateur. Nous avons traditionnellement des échanges de ce type avec l’Italie et l’Espagne, hérités de l’époque napoléonienne, mais avec l’Allemagne, c’est un vrai choc des cultures ! »

En octobre 2019, Folker R. Zöller est reçu à sa demande à l’école de gendarmerie de Tulle, afin de proposer son aide dans le cadre d’un échange avec l’une des écoles allemandes de la région rhénane. « Ayant moi-même une partie de ma famille en Allemagne, où j’ai vécu de nombreuses années, j’étais en terrain connu, sourit Jean-Michel Blaudez. Nous avons reçu le soutien du général de corps d’armée Thibault Morterol, commandant les écoles de gendarmerie nationale, qui a encouragé l’initiative et nous a accordé sa confiance. »

Pauline entourée des élèves de la Polizei dont sa jumelle Franziska à sa gauche.

Pauline entourée des élèves de la Polizei dont sa jumelle Franziska à sa gauche.

Comme si je rencontrais ma meilleure amie

Et c’est ainsi que par un frais matin de janvier 2020, Pauline, élève gendarme à l’école de Tulle,  posa ses valises au sein de l’université de police de Mülheim. Elle y fut accueillie par sa jumelle, la kommissaarantwärterin Franziska. « La meilleure élève de l’école ! On a tout de suite accroché toutes les deux. On a le même âge, les mêmes passions. C’était comme si je rencontrais ma meilleure amie. »

Pendant quelques jours, Pauline va découvrir le quotidien d’une étudiante de la Polizei en participant à toutes les activités : cours de droit administratif et de droit pénal, parcours de tir avec munitions marquantes, tir au pistolet-mitrailleur, contrôles de personnes et de véhicules, perquisitions, criminalistique, sport… « Les cours sont très différents, note Pauline. Ils font beaucoup de théorie, j’avais parfois l’impression d’être de retour au lycée. Ils connaissent leur code pénal sur le bout des doigts ! »

« Cette coopération n’a pas de débouché opérationnel immédiat, considère le colonel Blaudez, même si la connaissance mutuelle et la pratique linguistique y contribuent toujours d’une façon ou d’une autre. Il y a surtout un bénéfice humain pour les élèves qui vont à l’étranger, découvrent d’autres cultures, d’autres façons de penser. Ça ouvre l’esprit et c’est donc utile pour la gendarmerie ! Nous savons que tous les jeunes n’intégreront pas des unités internationales, ou qu’ils ne seront pas forcément affectés dans des zones transfrontalières, mais, quel que soit leur lieu d’affectation, cela améliore leur aptitude au contact avec leurs propres ressortissants. Et cela peut aussi permettre de constituer un vivier de gendarmes à qui on aura inoculé l’envie de s’orienter, plus tard, vers un poste international. »

Pauline et Franziska à bord du Choucas 65 en survol des Pyrénées.

Pauline et Franziska à bord du Choucas 65 en survol des Pyrénées.

Tour de France et tour d’hélicoptère

Franziska devait se rendre à son tour à l’école de Tulle au printemps dernier (c’est le principe d’un échange). Mais, confinement oblige, les retrouvailles entre les deux jeunes femmes ont été différées. C’est finalement du 4 au 11 septembre que la policière allemande a pu être accueillie pendant sept jours par sa correspondante, à la brigade de proximité d’Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées), la première affectation de Pauline.

« Dès le lendemain de son arrivée, nous sommes parties en patrouille, raconte Pauline, et nous avons fait une perquisition pour un vol de téléphone. Puis, le deuxième jour, nous avons participé à une interpellation à la suite d’un cambriolage. » Franziska et Pauline ont également été associées au dispositif de sécurité de la 8ème étape du Tour de France à Loudenvielle. Les deux Freundinnen ont ensuite visité le cirque de Garvanie avec le Peloton de gendarmerie de haute-montagne (PGHM) de Pierrefitte-Nestalas, avant, pour leur dernier jour, de survoler les Pyrénées à bord d’un Choucas 65. « Une grande première pour toutes les deux ! On était sans voix… Nous avons vraiment vécu des moments inoubliables. Franziska sait que ma porte lui sera toujours ouverte. »

L’objectif désormais est de pérenniser ces échanges. « Ce projet prometteur pourrait inaugurer une nouvelle phase de notre coopération, résolument tournée vers la jeunesse et donc vers l’avenir », estime le colonel Blaudez. Pascale Trimbach ajoute : « Je me suis assurée du soutien politique du ministre de l’Intérieur allemand et du chef de la police de Francfort, qui a repris le dossier, en liaison avec le général de corps d’armée Bruno Jockers, major général de la gendarmerie nationale, le général de corps d'armée Stéphane Ottavi, commandant de la région de gendarmerie de Lorraine, et la générale de division Anne Fougerat, commandante en second. Au-delà des opérations de prestige qui marquent régulièrement la coopération franco-allemande, il faut des actions concrètes, de terrain, qui s’inscrivent dans la durée. Celle-ci peut en être une. »

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