Les CNTECH : premiers maillons de la chaîne cyber

  • Par Lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 12 juillet 2022
© Major J.M - DR

Créés en 2010, les C-NTECH sont les premiers maillons de la chaîne cyber. Présents au contact direct de la population, au sein des brigades, ces gendarmes spécialisés ont en charge l’appui aux enquêteurs sur le volet cyber des différentes investigations.

En 2006, le major Jérôme, à l’époque adjudant dans une brigade de Bourgogne, reçoit un individu, venu déposer une plainte pour escroquerie. Après avoir acheté un bien sur un site de revente en ligne au nom bien connu, la victime se rend compte que l’argent a bien été perçu par le vendeur mais qu’aucune marchandise ne lui a été envoyée. Grâce à une demande de réquisition, le militaire découvre que l’escroc n’en est pas à son coup d’essai. Utilisant plusieurs comptes, il met en vente depuis des mois des smartphones ou divers objets, récupère l’argent une fois la vente conclue, mais n’envoie jamais la marchandise. Très rapidement, l’enquêteur identifie de nombreuses victimes. Au total, il en répertoriera 65. Après six mois d’enquête, l’auteur, résidant en Bourgogne, est interpellé et condamné. Pour le major, cette affaire particulièrement marquante et pour laquelle il reçoit une lettre de félicitations, va être le point de départ de son aventure cyber.

En 2015, lorsque la formation des C-NTECH, c’est-à-dire des correspondants en technologies numériques, s’ouvre à toutes les unités (et non plus seulement aux unités de recherches), c’est sans aucune hésitation qu’il se lance et s’inscrit. Après trois jours de formation, durant lesquels il découvre l’exploitation de données téléphoniques, l’investigation numérique et l’identification d’un individu à partir de données informatiques, il devient ainsi C-NTECH.

Premier maillon de la chaîne cyber 

Créés en 2010, les C-NTECH sont les premiers maillons de la chaîne cyber. Présents au contact direct de la population, au sein des brigades, ces gendarmes spécialisés ont en charge l’appui aux enquêteurs sur le volet cyber des différentes investigations. Un travail qui s’ajoute à leurs missions quotidiennes de brigadier ou de commandant de brigade. Sous la casquette de C-NTECH, ces gendarmes peuvent être sollicités pour effectuer des extractions de données téléphoniques, aider à identifier un individu via son URL, son adresse mail, ou son adresse IP, réaliser de la veille ou de la recherche d’informations sur les réseaux ou les différentes plateformes Internet (sites de vente en ligne par exemple). Des missions réalisées dans le cadre d’enquêtes traditionnelles (exploitation de données pour des enquêtes stup’, cambriolages, etc.), mais aussi dans le cadre d'enquêtes 100 % cyber, telles que des escroqueries en ligne ou la détention ou diffusion d’images à caractère délictuel.

Pour les soutenir dans cette mission, les C-NTECH peuvent compter sur l’expertise des gendarmes NTECH (enquêteurs en nouvelles technologies numériques), présents au niveau départemental, mais aussi sur les militaires de la division des opérations du ComCyberGend, le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, dont la création, en 2021, est venue cimenter la communauté cyber-gendarmerie et lui donner une nouvelle impulsion. En plus de ces différents acteurs, les CNTECH peuvent aussi s’appuyer sur un outil intranet, le Cybergend. Un instrument qui met à leur disposition de nombreuses informations (tutoriels, coordonnées des sociétés Internet pour les demandes de réquisition, des fiches sur les escroqueries en cours, etc.).

Escroqueries en hausse

Dans la sphère de la cybercriminalité, un type d’affaire a explosé ces dernières années : les escroqueries en ligne. Depuis la pandémie de Covid, elles auraient été multipliées par deux. Un fléau qui touche principalement les personnes âgées et, de façon plus surprenante, les jeunes, parfois peu conscients de l’impact de leurs publications sur les réseaux sociaux. « Il y a les escroqueries dites à l’amour, où les escrocs utilisent les réseaux sociaux pour séduire leurs victimes et les délester de fortes sommes d’argent, ou encore celles du proche dans le besoin, le plus souvent à l’étranger. On a aussi les arnaques aux « tickets PSC » (coupons fonctionnant comme des cartes de paiement prépayées, NDLR), que ce soit sur des sites de vente en ligne ou via l’usurpation de la qualité d’agent de l’état, des ordinateurs bloqués avec demande de rançon pour le débloquer, des faux mails du DGGN ou du DGPN pour des consultations de type pédopornographie, etc. », détaille le C-NTECH.

Dans la lutte contre ces phénomènes, les C-NTECH rencontrent de nombreuses difficultés. « D’abord, les gens à qui on a à faire sont beaucoup plus calés que nous dans ce domaine. Il y a plein de petites choses qui peuvent faire qu'on ne parvienne pas à les trouver. Ils passent par des VPN, qui transitent en Amérique par exemple, puis par l’Europe, poursuit le sous-officier. L’autre difficulté, c’est qu’on a beaucoup d’escrocs qui se trouvent dans des pays qui ne font pas partie de l’Union européenne et avec lesquels la France n’a pas d’accords. Dans ces cas-là, on se retrouve bloqué parce qu’on ne peut pas poursuivre. Enfin, on rencontre aussi des problèmes de matériels, qui ne sont pas supportés par certaines de nos machines. »

Pour faire face à ce fléau, les gendarmes réalisent des campagnes de prévention. Régulièrement, ils se rendent au sein des établissements scolaires, dans les classes de 4e et de 3e, pour sensibiliser les élèves aux risques cyber. Ils distribuent des flyers auprès de la population et informent les habitants des bons réflexes à avoir. « Le problème, c'est qu’une fois que les victimes ont payé, c’est presque trop tard. D’où l’intérêt de la prévention », précise le major.

« Tous les gendarmes font partie de la chaîne cyber »

Travailler sur les questions de cybercriminalité est, pour le major, la juste continuité des choses. « J’ai passé cette formation de C-NTECH parce qu’on se rend compte que le temps passant et les technologies progressant, il est important de pouvoir travailler dans le numérique et de pouvoir utiliser des moyens qui nous permettent d’enquêter et de résoudre des affaires par d’autres biais que ceux traditionnels, notamment en analysant des téléphones, des ordinateurs, des adresses mails, des mails, etc. Quand on voit l’évolution des escroqueries, notamment sur Internet, on se rend compte que c’est l’avenir, et qu’en travaillant sur le cyber, on arrive à résoudre pas mal d'affaires. »

Un futur désormais à la portée de tous. En gendarmerie, en plus des spécialistes du ComCyberGend, des NTECH et des C-NTECH, de nombreux gendarmes se forment en effet via les enseignements à distance mis à disposition. Des formations qui, au vu de l’augmentation considérable de la cybercriminalité, deviennent incontournables. « Tout le monde, dans sa carrière, aura mené une affaire d’escroquerie », indique ainsi le major Jérôme, avant de conclure : « En fait, tous les gendarmes de France font partie de la chaîne Cyber. »

Pour mettre en avant son engagement, et à travers lui, l’engagement de tous ces gendarmes de brigade investis dans ce domaine, le major défilera le 14 juillet 2022, sur les Champs-Élysées, au sein du bloc cyber. Une fierté pour ce militaire, entré en gendarmerie en 1996.

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