Quel dispositif pour une disparition inquiétante ?

  • Par la capitaine Gaëlle Pupin
  • Publié le 26 février 2018
Dès qu'une disparition inquiétante est signalée, la gendarmerie déploie un dispositif de recherche mobilisant les personnels immédiatement disponibles. (photo d'illustration)
© Major F. Balsamo

Près de 11 000 disparitions sont qualifiées d’inquiétantes chaque année et font l’objet d’un dispositif de recherche adapté aux conditions entourant la disparition et à la vulnérabilité de la personne.

Fin 2017, près de Caen. Il est 10 h 30 lorsqu’une mère de famille se rend dans une brigade territoriale afin de signaler la disparition de sa fille de 16 ans. Le sac de cette dernière a été retrouvé près d’un arrêt de bus. Le lycée ne l’a pas vue de la matinée et elle reste injoignable.

« Face à de tels renseignements, l’enquêteur qui reçoit la déclaration doit prendre la mesure des faits portés à sa connaissance, explique le chef d’escadron (CEN) Michael Sorre, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Caen. En l’espèce, le recueil d’éléments circonstanciés a permis de définir qu’il s’agissait d’une disparition inquiétante et d’orienter les investigations ainsi que l’engagement des moyens nécessaires. »

Une analyse déterminante de la situation

« La manière de diligenter l’enquête dès le départ est le point clé, explique le colonel Frédéric Aubanel, commandant la région de gendarmerie de Basse-Normandie et le groupement de gendarmerie départementale du Calvados. Le dispositif ne sera pas le même selon qu’il s’agit d’une fugue, d’une disparition inquiétante ou d’un enlèvement. »

La qualification d’une disparition relève du statut de la personne disparue ou des circonstances de sa disparition. Ainsi, la disparition est présumée inquiétante dès lors qu’elle concerne un mineur ou un majeur protégé (personne placée sous tutelle, curatelle ou sous sauvegarde de justice).

Lorsqu’il s’agit d’un majeur ne souffrant d’aucune altération de ses facultés personnelles, le législateur impose une condition supplémentaire : la disparition doit présenter un caractère inquiétant au regard des circonstances, de l’âge ou de l’état de santé de la personne. C’est au procureur de la République d’apprécier le caractère inquiétant ou non. Le colonel Didier Berger, commandant le bureau des affaires criminelles à la DGGN précise :

« Les enquêteurs ne doivent jamais sous-estimer la situation à laquelle ils sont confrontés. C’est pourquoi, ils doivent prévenir leur hiérarchie et informer le Parquet dans les plus brefs délais afin de mettre en œuvre les moyens juridiques, humains et matériels indispensables à la réussite de la recherche »

Concernant l’affaire en question, une équipe est rapidement envoyée sur les lieux de la disparition présumée : l’arrêt de bus. Une chaussure et un portable y sont retrouvés. La jeune fille est immédiatement inscrite au Fichier des personnes recherchées (FPR). La hiérarchie et le Parquet sont alertés, un dispositif se met rapidement en place.

Déclenchement immédiat des mesures opérationnelles

« Dans le cadre d’une disparition inquiétante, nous sommes face à deux adversaires : les auteurs potentiels et le temps. » Le CEN Sorre est formel : « Il faut mettre en œuvre l’ensemble des moyens à disposition. » Aux effectifs de la brigade concernée vont s’ajouter ceux des unités voisines, du Psig (Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie) et éventuellement de gendarmes mobiles ou de réserve. Sans oublier les moyens spéciaux : équipes cynophiles, plongeurs, moyens aériens, etc.

Les missions sont réparties : ratisser le secteur assigné, recueillir tout élément, témoignage ou indice se rapportant à la personne disparue. « Le D.O. (Directeur des Opérations) doit avoir rapidement des moyens efficaces et visibles à sa disposition, ajoute le colonel Aubanel. Dans l’hypothèse d’un enlèvement notamment, nous avons tout intérêt à mettre la pression sur l’auteur par une profusion de moyens terrestres et aériens. »

Le dispositif s’articule autour du D.O. et du D.E. (Directeur d’Enquête). « Le temps est un facteur déterminant. C’est pourquoi les moyens dédiés à l’enquête judiciaire, complémentaires du dispositif de recherches opérationnelles, doivent être projetés en parallèle dès le début des opérations,  rappelle le colonel Berger. La synergie et les échanges d’informations entre ces deux volets sont déterminants pour retrouver la personne disparue. Rapidement, un P.C. opérationnel et un P.C. judiciaire doivent être mis en place. »

Engagement simultané des moyens judiciaires

« La projection d’une équipe d’enquêteurs de B.R. dès la connaissance d’une disparition inquiétante permet au commandant de compagnie de mieux apprécier la sensibilité d’une situation », explique le colonel Berger. Auditions immédiates des témoins, constatations en police technique et scientifique, environnement social et numérique de la personne disparue, exploitation des vidéo-surveillances… autant d’actes essentiels pour la suite de l’enquête permettant de définir des hypothèses de travail.

« Les premières constatations ont apporté quelques éléments d’inquiétude qui ne me permettaient pas de conclure avec certitude à un enlèvement avéré, mais de fortement le supposer, précise Carole Étienne, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Caen, chargée de ce dossier. Dès lors, les investigations devaient être conduites rapidement pour confirmer ou infirmer l’hypothèse de l’enlèvement. »

Dans le cadre d’une disparition inquiétante, les effectifs de la brigade concernée sont renforcés par ceux des unités voisines, du Psig et éventuellement de gendarmes mobiles ou de réservistes. (photo d'illustration)

© Major F. Balsamo

Dans ce cas précis, la Section de recherches (S.R.) de Caen est immédiatement venue appuyer les enquêteurs de la B.R., afin de répondre à cette logique de rapidité de l’enquête. « L’environnement de la victime doit être réalisé sans désemparer, ajoute le lieutenant-colonel Laurent Lachâtre, commandant la S.R. de Caen. Audition des membres de la famille, des amis, perquisition à son domicile à la recherche d’indices physiques ou numériques, saisie d’effets personnels pour disposer de son ADN pour d’éventuelles comparaisons ultérieures…

Ces éléments permettent d’orienter les recherches et de diffuser un signalement aussi précis que possible (photo, tenue vestimentaire). » Dans cette affaire, la perquisition au domicile a ainsi mis à jour la disparition d’effets personnels (trousse de toilette, chaussures, etc.), permettant d’envisager l’hypothèse d’une disparition volontaire. Le volet cyber s’est avéré déterminant. L’exploitation de la téléphonie et des réseaux sociaux a, en effet, mis en avant des contacts réguliers avec un jeune homme des Bouches-du-Rhône.

Prise en compte optimisée de la famille et des médias

Après avoir recueilli les déclarations de la famille, un référent reste en contact permanent avec elle. Un lien de confiance s’instaure et permet de lui expliquer le dispositif de recherche, de la rassurer, d’éviter les faux espoirs et de rationaliser les faits énoncés dans les médias, qui s’emparent rapidement de l’affaire une fois l’information d’une disparition diffusée.

« Le nombre de disparitions en France est élevé et la création des chaînes d’information continue génère une pression plus importante sur les enquêteurs et la justice à l’égard des moyens mis en œuvre dans le cadre des disparitions inquiétantes », explique le colonel Berger.

La communication auprès des médias reste du ressort du procureur de la République. « Une disparition est toujours une affaire sensible à laquelle les journalistes s’intéressent très vite », reconnaît Carole Étienne. Il faut communiquer efficacement afin de ne pas subir leur timing et leur distiller des informations à dose homéopathique de façon à préserver la bonne évolution de l’enquête.

Parallèlement, plusieurs décisions doivent être prises, notamment sur l’opportunité de diffuser un appel à témoin.

« Ce ne fut pas le cas dans cette affaire, car plusieurs pistes étaient déjà en cours d’étude. Se pose aussi la question du déclenchement de l’alerte enlèvement. Sérieusement envisagée, seule l’évolution rapide de l’enquête a permis d’écarter cette option. »

Le soir même, la jeune fille était localisée avec certitude dans les Bouches-du-Rhône. La pression est retombée et le dispositif a été allégé. Restait à connaître les circonstances de cette disparition volontaire…

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