L’analyse criminelle, un outil précieux au service de l'enquête

  • Par capitaine Marine Rabasté
  • Publié le 31 mai 2021
© GND F.Garcia

Développée aux États-Unis dans les années 1970, face à l'émergence de la criminalité organisée, l'analyse criminelle a pris place au sein des enquêtes judiciaires françaises une vingtaine d'années plus tard. Définie par Europol comme « la recherche et la mise en évidence méthodique de relations, d’une part, entre les données de criminalité elles-mêmes et, d’autre part, entre des données de criminalité et d’autres données significatives possibles, à des fins de pratiques judiciaires et policières », elle constitue depuis un outil précieux au service de la direction d'enquête. Pour établir des liens, pas de grands tableaux en liège avec des photos reliées entre elles par des ficelles rouges, mais une tout autre méthode de structuration de la donnée, sous forme d’entités et de relations, plus moderne et correspondant au volume réel de données à analyser.

Un appui aux enquêteurs

Une des problématiques majeures rencontrées par les enquêteurs au cours de leur procédure est la masse de données qui s'y accumule. Noms, lieux, dates, téléphonie ou encore données bancaires, en provenance de sources diverses et enregistrés sous différentes formes, sont autant d'éléments à analyser pour parvenir à la manifestation de la vérité. Mais malgré l'importance revêtue par l’obtention d'une vision globale, l'enquêteur ne peut pas, en un temps réduit, intégrer toutes ces données. C'est là que l'analyste criminel entre en jeu, en appui des enquêteurs chargés du dossier. Saisi par un soit-transmis du magistrat ou une commission rogatoire, il va proposer au directeur d'enquête de nouvelles hypothèses de travail ou orientations d'enquête, grâce à une méthode consistant à organiser des liens entre les différentes données. Sa tâche est unique, mais son rôle est essentiel. En étudiant l'ensemble du dossier, l'analyste criminel va tenter de comprendre le déroulé précis de l'infraction. Quelles sont les actions de chaque protagoniste ? Quand et où ont-elles été commises et existe-t-il un lien entre elles ? Toute la procédure va être relue par l’analyste, afin de pouvoir identifier les informations pertinentes, qui permettront de faire avancer l’enquête.

Un réseau d'experts structuré

En France, environ 300 spécialistes, formés par le Centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ), se partagent le domaine de l'analyse criminelle. Au niveau local, les analystes criminels sont affectés au sein des Sections de recherches (S.R.), des Sections d'appui judiciaire (SAJ), des gendarmeries spécialisées et des offices centraux. Mais pour les affaires les plus sensibles médiatiquement ou politiquement, ce sont les analystes du Département science de l'analyse criminelle (DSAC), au sein du Service central du renseignement criminel (SCRC), qui sont saisis par les magistrats. C’est notamment le cas dans le cadre de certains « cold cases », comme l’affaire Grégory, ou pour les enquêtes d’ampleur en cours relatives à la criminalité organisée, les trafics de stupéfiants ou encore les disparitions de personne. Qu’ils se déplacent sur site ou travaillent depuis leurs locaux, les analystes ne sont cependant jamais en contact avec les individus impliqués dans l’enquête. Il ne s’agit en effet pas d’enquêteurs en mesure de procéder à des auditions.

La diversité des analyses réalisées

L'étude réalisée par l'analyste saisi est pleinement liée à l'enquête déjà effectuée. « Nos capacités d'action sont entièrement dépendantes des données contenues dans les dossiers, de leur quantité et de leur qualité », explique le chef d'escadron Léa, chef du DSAC. Plusieurs possibilités s'offrent à l'analyste. Il peut effectuer une « étude de cas », en reconstituant la genèse de l'infraction pour déterminer l'enchaînement des événements. Un schéma événementiel va alors être réalisé afin de repositionner tout ce qui a été vécu par les protagonistes. L'expert peut également procéder à une « analyse de groupe d'auteurs  », visant à étudier la structure d'un groupe criminel, pour tenter d'établir une hiérarchisation dans le réseau et d’en comprendre le fonctionnement pour réaliser ensuite un schéma relationnel. Les deux méthodes peuvent également être cumulées, afin de composer une «  analyse mixte  », avec un même schéma mettant en évidence l'ensemble des données. Une autre possibilité est de procéder à une « analyse comparative de cas », au sein de laquelle différentes infractions sont comparées, dans le but d’identifier un même groupe d'auteurs. Dans ce cas, pas de schéma, mais la rédaction d'un procès-verbal contenant les éléments mis en exergue. Enfin, une «  analyse cartographique  » est également envisageable, afin de repositionner dans l'espace les différentes données conte[1]nues dans la procédure.

L'humain au cœur de l'analyse criminelle

Pour effectuer ses études de données, l'analyste criminel peut s'appuyer sur différents outils, notamment sur le logiciel Analyst Notebook, permettant de réaliser des représentations de données et de matérialiser leurs relations. Mais aucun moyen ne permet de se passer des actions effectuées par les analystes eux-mêmes. « L'humain est essentiel dans l'analyse criminelle. Certes, les logiciels nous aident à mettre en perspective les données collectées, mais avant cela, il y a toute une analyse et une étude faites par l'analyste. L'enjeu est trop important pour pouvoir se passer de l'intervention humaine », insiste le chef d'escadron Léa. L'ensemble de la procédure doit être minutieusement lu par l'analyste, afin d'y repérer les noms, les lieux, les dates… C'est à l’expert d’identifier la nature des entités qu’il estime nécessaire d’inclure dans son étude. Le travail de fourmi effectué par les analystes n’est donc pas près de disparaître !

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