Remettre le contact

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 15 juin 2020
© MAJ F. Balsamo

C’est en étant sur le terrain, au plus proche de la population, que le gendarme peut efficacement mener à bien sa mission. Une dimension contact désormais omniprésente dans la formation et qui doit être renforcée au quotidien pour offrir une réponse sur mesure dans chaque territoire.

La crise des « Gilets jaunes » a mis en lumière une problématique déjà ancienne : une disparité des services publics sur le territoire national et le sentiment d’éloignement, voire d’abandon, qui en résulte pour certaines populations, notamment dans le monde rural et en périphérie des métropoles. Un contexte dans lequel la gendarmerie est en mesure d’apporter des réponses concrètes, en renforçant sa présence et sa disponibilité.

Cette période de haute tension a, d’une certaine manière, validé les choix initiés en 2017 avec la mise en place des Brigades territoriales de contact (BTC) et poursuivis, en 2018, avec la Police de sécurité du quotidien (PSQ). «  Au moment de l’occupation des ronds-points, là où les moyens de maintien de l’ordre étaient faibles, car essentiellement concentrés dans les grandes villes, le gendarme de brigade a eu un rôle important pour dialoguer avec les citoyens et tenter de négocier des retraits de barrages, estime le colonel Jean-François Morel, chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l’emploi. La dimension contact du métier a pris tout son sens dans ce climat si particulier. Il fallait aller vers ces citoyens en tension avec un État, dont les gendarmes sont des symboles et, parfois, les seuls représentants. Cela nous a permis de constater que la démarche amorcée en amont était la bonne, qu’elle permettait d’obtenir des résultats, à condition de donner à nos gendarmes les bonnes clés de lecture et de compréhension des spécificités socio-professionnelles d’un territoire. C’est l’ambition de nos formations. »

Par le gendarme…

La réappropriation du contact infuse désormais toutes les strates de formation de la gendarmerie : la formation initiale des sous-officiers comme des officiers, les cycles de formation continue des gradés ou la formation dédiée aux gendarmes APJ (Agents de Police Judiciaire). Cette dernière est essentielle, car elle concerne les gendarmes de brigade, qui sont en contact direct avec la population mais ne sont pas entrés dans des parcours de progression de grade ou de formations diplômantes.

« Ces gendarmes patrouilleurs, qui ont de l’expérience et une bonne connaissance de leur territoire, étaient formés à leur entrée en gendarmerie mais, par la suite, peu ou pas accompagnés jusqu’à leur retraite, explique le colonel Morel. Nous avons donc décidé, en 2018, de les replacer dans des parcours de remise à niveau. Cette semaine de formation obligatoire à Dijon, qui a concerné 3 000 gendarmes en 2019, leur permet d’acquérir des outils pédagogiques et des méthodes de relation à l’usager modernisés, dont les mots clés sont : se réapproprier le territoire, renseigner, réassurer. »

Ces formations, initiales ou continues, se veulent les plus concrètes possible, mais ont aussi pour vocation de redonner du sens à cette dimension contact, afin qu’elle reprenne toute sa place aux côtés des trois autres piliers du métier : l’investigation, la prévention et l’intervention.

«  Le gendarme veut souvent avant tout investiguer et interpeller. Il peut avoir le sentiment que sa simple présence ne produit pas de résultats. Il est en effet difficile d’en mesurer les effets positifs. Or, le contact est la porte d’entrée de tout. Si on veut lutter contre la radicalisation et détecter les signaux faibles, il faut du contact. Si on veut protéger les entreprises, il faut être en contact avec les dirigeants. Et on pourrait multiplier les exemples. L’efficacité dans notre métier, ce n’est pas de constater des faits de délinquance. C’est en amont que tout se joue. Être présents et visibles sur un marché, dans les transports publics, à l’occasion d’une rencontre sportive, c’est le cœur de nos missions de prévention et de protection. Il faut parfois rappeler aux gendarmes de brigade de descendre de leur véhicule pour aller vers l’autre, parce que c’est utile et efficace ! »

La réappropriation du contact passe également par la formation à la compréhension du territoire et de ses acteurs. Le métier de gendarme n’est en effet pas le même selon qu’on l’exerce dans une région viticole, un ancien bassin minier, en zone frontalière… « C’est essentiel pour un gendarme qui arrive dans une unité, surtout s’il n’est pas muté dans sa région d’origine. L’une de nos ambitions est de généraliser ces formations locales de type « immersion découverte » ou de tutorat, destinées à faciliter l’adaptation. »

... Pour la population

« La logique derrière cette compréhension du territoire, c’est bien de faire du sur-mesure, poursuit le colonel Morel. On ne peut pas dupliquer la même réponse sur tous les terrains. Il faut tenir compte des rythmes de vie, des respirations du terroir, des mobilités, pour répondre aux besoins de la population en fonction de problématiques qui peuvent être conjoncturelles et non structurelles. » Dans cette optique, la gendarmerie travaille désormais sur la base de contrats opérationnels, présentés chaque semestre aux élus et à la population, au niveau de l’arrondissement. « C’est une nouveauté, qui permet de moduler nos actions sur le terrain, de déplacer tel ou tel curseur, en fonction des situations. »

Le contact est aussi facilité par un certain nombre d’outils, à commencer par ceux numériques, particulièrement utiles pour toucher certaines populations. Faire du contact… sans contact. « Mais ces outils ne doivent pas nous éloigner de la population. Ils doivent au contraire permettre de se concentrer sur le contact humain, de dégager du temps pour l’échange et la prévention. D’autres solutions, adaptées aux territoires, ont été mises en place, comme des rondes en VTT ou des maraudes en porte-à-porte, pour forcer un peu le contact et recréer de la confiance. »

Pour mieux occuper le terrain, la gendarmerie s’appuie aussi sur des réseaux, comme celui de la participation citoyenne ou ses 30 000 réservistes. Une réflexion est également menée sur le fait de solliciter plus encore, demain, les réservistes retraités, afin qu’ils jouent éventuellement le rôle de primo-intervenants et assurent une transition avant l’arrivée d’une patrouille, voire qu’ils gèrent eux-mêmes la situation en cas de signaux faibles.

Accueil et écoute

La réappropriation du contact par le gendarme suppose non seulement d’aller vers l’autre, mais également de recevoir et d’accompagner les victimes.

«  Nous poursuivons l’amélioration de l’accueil dans les brigades, en sortant des horaires standards d’ouverture, notamment dans les banlieues des métropoles, pour proposer des horaires plus adaptés aux rythmes de vie, décrit l’officier. Il s’agit aussi de faciliter le signalement des faits de basse intensité. C’est le sens du déploiement de la main courante gendarmerie depuis le 1er  avril 2018. Nous voulons aussi améliorer la qualité de notre réponse, en accompagnant davantage la victime, avec un interlocuteur unique qui puisse la renseigner sur l’évolution de la procédure, du dépôt de plainte à la transmission des actes au parquet. Mais la dimension contact dépasse largement la relation traditionnelle entre le gendarme et la victime. Elle concerne toutes les populations : l’usager qui a besoin d’un renseignement ou d’une présence visible, le requérant qui signale un fait ou demande une intervention, et même l’auteur de l’acte lui-même. »

Et s’il est un point qui fait l’unanimité au sein de la gendarmerie, c’est que le contact et la présence sur le terrain demandent du temps. Un temps qu’il faut dégager par tous les chemins possibles, notamment ceux qui mènent à la simplification. « La mise en place de la PSQ devait s’accompagner de chantiers transverses de long terme, comme la simplification et la dématérialisation de la procédure pénale, conclut le colonel Morel. Force est de constater que ces chantiers ne sont pas encore finalisés. »

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