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Les partenariats, l'ADN du GIGN

Auteur : le lieutenant Floriane Hours - publié le
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© Sébastien Richard

Si la majorité des missions du GIGN est réalisée en appui des unités de gendarmerie, de nombreuses opérations sont également conduites conjointement avec des partenaires externes. Pour ce faire, l’unité mise sur l’interopérabilité au sein des ministères de l’Intérieur, des Armées et des Affaires Étrangères, avec les unités européennes du réseau ATLAS, ainsi qu’avec de nombreux groupes de travail internationaux.

« Le GIGN est une unité de sécurité nationale intégrée et intégrable à de multiples structures de gestion de crise, qu’elles soient interarmées, interministérielles ou interalliées. Elle s’adapte constamment pour mieux se coordonner avec les différents acteurs de la sécurité nationale et du contre-terrorisme », présente le colonel David, commandement en second le GIGN.

Loyada, Djibouti, le 3 février 1976 au matin. Alors qu’un car militaire effectue le ramassage scolaire de 31 enfants de militaires des différentes bases françaises, celui-ci est pris en otage par des indépendantistes du Front de libération de la Côte des Somalis. Pour mener l’assaut et secourir les enfants, des gendarmes du GIGN vont être placés sous les ordres d’un commandement interarmées et engagés au côté d’une compagnie de légionnaires parachutistes. Cette manœuvre conjointe aboutira à la neutralisation quasi-simultanée des huit preneurs d’otages. Au-delà de sa dimension humaine et de son succès, cette opération historique marque, deux ans après la création du GIGN, le début d’une coopération singulière entre les armées françaises et l’unité d’élite de la gendarmerie. « Le degré d’interopérabilité qui façonne aujourd’hui les relations interarmées sert de cadre aux autres partenariats du GIGN, nationaux comme internationaux. Au point d’être l’une des grandes forces de l’unité. »

Une parfaite coordination avec les forces intérieures

L’un des premiers cadres d’interopérabilité du GIGN est celui de la coopération essentielle avec les autres forces du ministère de l’Intérieur (RAID et BRI PP). Une coordination qui est l’une des orientations stratégiques du ministère depuis 2009, pour contrer l’émergence de la menace terroriste sur le sol national. Pilotée au sein de l’Unité de coordination des forces d’intervention (UCoFI), la réflexion a été envisagée sous deux angles complémentaires : en riposte immédiate à une attaque terroriste ou en anticipation pour organiser la sécurité de grands événements, comme les sommets de chefs d’État ou les J.O. 2024.

Dans le premier cas, l’emploi des forces d’intervention est régi par le schéma national d’intervention. Signé en 2016, ce document définit les procédures d’urgence à mettre en œuvre pour organiser le commandement et communiquer de manière sécurisée entre unités et précise les conditions d’un appui mutuel. Dans ce cas de figure, observé dès 2015 lors des attentats de Charlie Hebdo, les opérations sont dirigées par un commandant d’unité unique, qui occupe les fonctions de Commandant des opérations d’intervention spécialisée (COIS).

Dans le second cas, mis en œuvre par exemple lors d’événements planifiés, à l’instar de la coupe du Monde de rugby ou des J.O. 2024, le travail est réalisé en amont. « Pour la coupe du Monde de rugby, nous avons d’ores et déjà initié des groupes de travail avec le RAID, d’une part pour se répartir la protection des équipes, d’autre part pour contribuer à la sécurité de plus de 60 sites », précise le colonel David.

Le GIGN est également mobilisé dans la transformation numérique, afin d’anticiper les besoins et les moyens de coordination à venir. Une mission confiée plus largement à la direction numérique du ministère de l’Intérieur, dans laquelle le groupe est pleinement impliqué. « Pour concevoir l’interopérabilité des procédures avec les principaux acteurs de sécurité intérieure à un horizon de 5 à 10 ans, il est impératif de disposer des mêmes outils de partage de l’information et d’aide à la décision. Nous sommes dès à présent engagés dans des projets structurants de transformation numérique. Ce sont des logiciels de gestion de crise adaptés aux situations opérationnelles de demain et aux évolutions technologiques en cours. »

Un lien fraternel avec les armées

Le GIGN entretient également des liens fondamentaux avec le ministère des Armées, avec lequel il partage la même identité et les mêmes formations, et agit conjointement sur certains théâtres d’opérations. De formes multiples, les partenariats militaires sont d’abord incarnés par les liens forts avec le Commandement des opérations spéciales (COS), en France et à l’étranger, sur terre, en mer ou dans les airs. Sur le territoire national, le GIGN bénéficie aussi de l’appui permanent du Groupement interarmées des hélicoptères (GIH). Grâce à ces moyens de projection et de manœuvre, le Groupe honore les contrats opérationnels qui lui sont assignés par les plans gouvernementaux (Piratair-Intrusair, Pirate Mer, Pirate mobilité terrestre, etc.). Le G.I. réalise ainsi chaque année de nombreux exercices conjoints et des opérations d’ampleur, comme la série de traques du printemps 2021 ou le dispositif de sécurisation du référendum en Nouvelle-Calédonie fin 2021, pour lequel le GIH a projeté deux Puma et leurs pilotes.

Le contre-terrorisme maritime est l’une des coopérations historiques avec le COS. Le Groupe entretient ainsi des expertises communes avec les commandos marine de la FORFUSCO, à travers des entraînements type prise d’otages sur un ferry. Des exercices qui sont parfois rattrapés par la réalité. En avril 2008, des membres du G.I. sont par exemple intervenus au côté des commandos Hubert au large de la Somalie, pour libérer 22 Français pris en otage à bord d’un voilier de croisière de luxe, le Ponant.

C’est aussi sur les théâtres d’opérations extérieures que la coopération opérationnelle prend sa dimension. « Nous déployons actuellement quinze détachements de protection d’autorités. Parfois, ces théâtres coïncident avec des zones d’engagement des forces spéciales et requièrent une coordination étroite lors d’opérations conjointes. » L’action du GIGN y est souvent conditionnée par le soutien des armées, en matière de projection, de communication ou de logistique (mobilité, matériel…).

Les liens opérationnels se doublent de liens humains indéfectibles avec les forces spéciales, initiés dès la formation initiale des gendarmes du GIGN. « La fraternité d’armes prend racine dans les centres de formation des armées : l’école des troupes aéroportées de Pau, le centre national des entraînements commando, le cours des nageurs de combat et d’autres structures spécialisées », explique le colonel David, avant de poursuivre : « Les formations de l’armée de Terre façonnent nos expertises les plus techniques, comme les cellules dépiégeage d’assaut ou aéromobilité, pour lesquelles les savoir-faire militaires et les retours d’expérience sont capitaux. »

En matière de recherche et développement et en qualité d’unité militaire, le GIGN bénéficie aussi du soutien de l’agence de l’innovation de défense et de la direction générale de l’Armement. « Nous mutualisons nos efforts avec d’autres acteurs pour identifier des solutions innovantes à des problématiques communes. Par exemple, grâce à une technologie conçue et pensée par les opérateurs des forces spéciales, l’exosquelette permet de soulager 70 % du poids des combattants. Les défis technologiques requièrent une approche collective, pour repenser progressivement nos métiers et nos manières d’opérer, dans le domaine de l’acquisition du renseignement, des systèmes de communication... »

Des partenariats ouverts sur le monde

À l’étranger, le GIGN agit principalement au profit du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères (MEAE), en charge des intérêts français en dehors du territoire. Nombreux et variés, ces concours traitent en premier lieu de la protection des diplomates, confiée à la FSP dans les pays en crise, telle l’Ukraine, tout comme les missions d’évacuation de ressortissants. Ils portent aussi sur les enlèvements de Français. « La Direction de la sécurité diplomatique (DSD), qui fixe les missions de protection des diplomates, est notre principal employeur à l’étranger. Nous évaluons ensemble le niveau d’engagement et nous adaptons le dispositif de protection au juste besoin. » Sur les deux autres volets, le GIGN répond à la demande du Centre de crise et de soutien (CDCS) du MEAE. Enfin, sur les plans préventif et dissuasif, le GIGN réalise des audits de sécurité et de conseil, qui contribuent à la sécurité des Français à l’étranger.

À l’échelle européenne, le traité de Prüm, signé en mai  2005, définit les modalités de la coopération policière et judiciaire. Les partenariats opérationnels se sont par ailleurs densifiés depuis 2015, sous l’impulsion du réseau Atlas, rattaché à Europol, instaurant une coopération régionale réaliste, dans un cadre transfrontalier ou sous forme d’assistance technique, par exemple en cas d’attaques multiples.

À l’échelle mondiale, le GIGN est associé à de nombreux groupes de travail liés aux différents métiers de l’unité, mais aussi à des expertises ciblées, comme la négociation, l’effraction, la sûreté aérienne, etc. Les partenariats tissés entre le GIGN et ses unités « sœurs » sont également nombreux. Les partages d’expérience, permettant d’actualiser constamment la connaissance de la menace, confirment leur pertinence face à la dimension internationale du risque terroriste et de la criminalité organisée.