L’« expérience Guyane » : une jungle de missions accomplies

  • Par la rédaction du site Gendinfo
  • Publié le 29 décembre 2021
© GND Alexis

Parmi les nombreux déplacements que sont amenés à vivre les gendarmes mobiles au cours de leur carrière, il existe un outre-mer qui résonne davantage comme un passage obligé et qui demeure un gage de légitimité au sein de « la jaune » : la Guyane. Gendarmes mobiles depuis 2015, Alexis et Alexandre ont déjà eu l’occasion d’y partir trois fois dans le cadre de missions différentes et reviennent sur ces expériences atypiques.

Alexis, en mission Harpie

« Gendarme mobile depuis mai 2015, j’ai exercé au sein de l’escadron de Chaumont, avant de rejoindre celui d’Hirson en juillet 2018. Il s’agit de mon troisième déplacement en Guyane.  J’ai d’abord participé à la mission « Orchidée », en 2015, qui visait à assurer la sécurisation du centre spatial de Kourou, à escorter les satellites entre Cayenne et Kourou, et à participer aux lancements des fusées. Puis, en 2018, je suis parti en Détachement de surveillance et d’intervention (DSI) au profit de la ville de Cayenne, en proie à une forte délinquance.

Depuis le 25 avril 2021, je suis en mission « Harpie » pour environ 100 jours. À mon sens, il s’agit de la mission la plus atypique qu’un gendarme mobile puisse exercer. Elle consiste à lutter contre l’orpaillage illégal sur le territoire guyanais à travers différents leviers : effectuer des missions en forêt, visant à détruire les sites illégaux tenus par les garimperos, rechercher du renseignement, contrôler des pirogues sur le lac de Petit-Saut, ainsi que le long du fleuve Oyapock, lequel constitue la frontière naturelle entre la Guyane et le Brésil. L’interception de flux logistiques visant à alimenter les sites d’orpaillage est aussi un élément important de cette mission. Nous alternons ainsi des missions mobiles et sédentaires.

Pour préparer cette mission, l’escadron a consacré une semaine à l’instruction au mois d’avril, afin d’aborder le secours au combat, l’orientation et la manière d’établir un bivouac en forêt. Nous avons également suivi trois jours de stage dès notre arrivée en Guyane, fin avril, encadrés par l’antenne GIGN de Cayenne. Des rudiments nous ont été inculqués, comme les réflexes sur le plan sanitaire et médical, mais aussi l’utilisation du matériel de téléphonie et de transmission nécessaire en forêt. Nous avons aussi abordé différents cas concrets, comme le bouclage en sécurité d’un site d’orpaillage illégal ou l’interpellation de potentiels garimperos.

La lutte contre l’orpaillage illégal revêt différents enjeux. Sur le plan environnemental, la forêt guyanaise est l’une des plus compactes et denses de la planète. Les dégâts provoqués par l’orpaillage pèsent sur cet écosystème fragile. La déforestation ainsi que l’usage de produits chimiques et de mercure par les garimperos constituent une atteinte à l’environnement local (appauvrissement des sols, pollution des eaux, perte de la biodiversité). Sur le plan sanitaire, les populations locales sont aussi impactées par l’apparition de maladies.

Souhaitant intégrer à terme l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, ce déplacement me conforte dans ce choix, tant les problématiques environnementales seront, dans les années à venir, au cœur des enjeux internationaux et davantage sources d’enrichissement des réseaux criminels. De nombreuses problématiques découlent en réalité de la situation géographique de la Guyane, prise en étau entre le Brésil et le Suriname et comptant plus de 1 130 kilomètres de frontière terrestre. Les flux et trafics provenant de ces deux pays alimentent de manière régulière les sites d’orpaillage. Par ailleurs, il est souvent difficile de judiciariser les faits, compte tenu de la dureté du terrain et du caractère manœuvrier des garimperos.

Les moyens engagés pour la réussite de la mission demeurent impressionnants. Composé de 72 militaires, l’escadron d’Hirson est présent sur une grande partie du territoire guyanais. Deux détachements sont placés le long du fleuve Oyapok, à Saint-Georges et Camopi. Un troisième est situé à Cayenne et un dernier à Kourou. Un autre escadron est également présent pour assurer la mission « Harpie » en Guyane.

© Gendarmerie nationale - GND Alexis

Au cours du mois de juin 2021, et pour une durée de dix jours, les autorités françaises et brésiliennes ont participé à une vaste coopération transfrontalière, intitulée mission Jararaca. Celle-ci reposait sur des contrôles de pirogues le long du fleuve Oyapok, cours d’eau stratégique, dans la mesure où il constitue une frontière naturelle entre le Brésil et la Guyane sur plus de 280 kilomètres, et qu’il est source d’échanges importants entre les deux territoires. L’opération visait à asphyxier les sites d’orpaillage, en interceptant et en dissuadant les garimperos de venir s’installer ou d’alimenter les flux logistiques des sites.

Dans la mesure où le territoire guyanais cristallise de nombreux défis, il constitue pour la gendarmerie mobile un passage nécessaire. La surveillance du centre spatial de Kourou, conjuguée aux problématiques de délinquance dont est victime la Guyane, nécessite le renfort continu de six à sept escadrons de gendarmerie mobile, soit entre 430 et 540 gendarmes mobiles mobilisés en permanence.

Ces missions atypiques sont souvent ponctuées de moments marquants pour les militaires. Lors du stage avec l’antenne GIGN de Cayenne, je me suis retrouvé à quelques centimètres de deux serpents grages, parmi les plus dangereux de Guyane. Les paysages sont également impressionnants : la superficie du lac artificiel de Petit-Saut représente trois fois la superficie de Paris et la frontière franco-brésilienne, délimitée par le fleuve Oyapock, est la première de France, avec 730 kilomètres de longueur. »

 

Alexandre, en renfort à Saint-Laurent-du-Maroni

« Entré en tant que gendarme adjoint volontaire en 2012, j’ai passé le concours de sous-officier en 2015. À l’issue de ma scolarité à Châteaulin, j’ai intégré l’escadron de gendarmerie mobile de Luçon, avec lequel j’ai effectué deux déplacements en Guyane, l’un pour la mission Harpie et l’autre en DSI à Cayenne. Après avoir obtenu le diplôme d’arme l’année dernière, j’ai rejoint l’escadron de Saint-Amand-Montrond, avec lequel je suis reparti cette année en Guyane, pour renforcer la zone de sécurité prioritaire de Saint-Laurent-du-Maroni (SLM).

© Gendarmerie nationale - GND Alexandre

Chacune de ces missions en Guyane aura été très différente à mon sens. La lutte contre l’orpaillage illégal est celle que j’ai le plus appréciée : nous dormions souvent sur le terrain, dans la jungle, pendant parfois 5 à 10 jours, ce qui est très spécial, mais nous amène à créer des liens forts entre nous.

Le DSI de Cayenne pouvait s’apparenter à nos renforts brigade en métropole, avec un climat plus difficile à supporter (la ville sous 40 °C) et une forte délinquance. Nous intervenions ainsi régulièrement sur des rixes liées aux trafics de stupéfiants, où l’utilisation d’armes blanches et d’armes à feu était monnaie courante.

Pour la mission Harpie, nous avions suivi un stage forêt en amont. Une préparation indispensable, puisque même si nous apprenons le combat en école, nous devons garder en tête certains actes réflexes, car nous pouvons facilement être pris à partie en pleine jungle.

S’agissant du DSI de Cayenne et du renfort ZSP à SLM, nous n’avons pas eu de préparation particulière, seulement une prise de contact avec les unités locales, pour connaître les enjeux et les difficultés sur leur territoire. Cette troisième mission à SLM conjugue certains aspects des deux précédentes. C’est à la fois très sauvage, avec seulement un fleuve qui nous sépare du Suriname, et en même temps, les nombreux flux observés sur cette frontière fluviale génèrent une délinquance très importante. Ce qui fait vraiment la spécificité de cette mission, c’est le partenariat avec les autres services de l’État. Des patrouilles sont organisées quotidiennement en pirogue avec la police nationale, la police aux frontières et la douane. Trois à quatre fois par semaine, nous participions également à des opérations anti-délinquance avec eux et contrôlions les pirogues, pour lutter notamment contre les trafics de stupéfiants et l’immigration irrégulière. L’engagement des différents services sur l’eau apparaît indispensable : déjà, malgré la crise sanitaire et la fermeture des frontières, les flux étaient intenses et il était compliqué de contrôler toutes les embarcations.

Mais la mission ZSP à SLM va plus loin, puisqu’elle comporte aussi l’appui aux brigades, à travers le DSI ; celles-ci ayant besoin de renforts pour faire appliquer la loi et effectuer les transfèrements. En effet, en l’absence de tribunal à SLM, les défèrements ont lieu à Cayenne, à plus de trois heures de route. La brigade ne peut pas se permettre de perdre des personnels en journée pour accomplir cette tâche, d’autant qu’il n’y a qu’une seule route, qui n’est pas toujours praticable. C’est donc notre escadron qui se chargeait du transport.

© Gendarmerie nationale - GND Alexandre

En cela, la Guyane demeure un déplacement vraiment atypique. L’environnement est à la fois impressionnant et hostile, que ce soit au regard du climat (très chaud et sec ou accompagné de pluies selon la saison), mais aussi de la faune présente dans la jungle comme en ville (serpents, araignées, etc.). Les conditions de vie sont parfois spartiates, notamment lors de ce séjour, où nous étions en cantonnement en chambrées de quatre. Mais tout le monde participe aux tâches du quotidien et cela génère un vrai esprit de cohésion.

Et puis, nous rentrons toujours avec des souvenirs marquants ! En mission Harpie, j’ai dû chercher dans le fleuve des corps qui avaient été mangés par des piranhas. Durant le DSI à Cayenne, j’ai dû intervenir dans une rixe, où un homme avait un tesson de bouteille planté dans le dos et tentait de se défendre avec un sabre. Enfin, lorsque nous avons dû rejoindre l’aéroport de Cayenne pour rentrer en France, une partie de la route s’est effondrée et nous avons finalement dû être transportés par un avion de l’armée de l’Air. »

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