Sécurité des mobilités : s’adapter à la réalité des flux

  • Par Morgane Jardillier
  • Publié le 07 juin 2019
© MAJ. F. Balsamo

Grâce à son ancrage territorial, la gendarmerie joue un rôle majeur dans la surveillance et le contrôle des déplacements. La population, tout comme la délinquance, est devenue beaucoup plus mobile, utilisant divers moyens et voies de communication ainsi que les outils numériques pour se déplacer. Comment la gendarmerie répond-elle à ce nouvel enjeu en termes de sécurité ?

La sécurité des mobilités se caractérise par sa globalité. Elle s’applique d’une part à l’ensemble des voies de communication : route, chemin de fer, bassins hydrographiques, mers, ports, aéroports, à leurs interconnexions et à leurs dimensions numériques. D’autre part, elle concerne à la fois les personnes, les biens et les services. « La sécurité des voies de communication est un enjeu majeur pour notre société : enjeu de compétitivité économique, de performances administratives, de cohésion sociale, d’ouverture sur l’environnement international, explique le colonel Jérôme Bisognin, coordonnateur de la sécurité des mobilités à la direction générale de la gendarmerie nationale.

Cinq finalités

La sécurité des mobilités a plusieurs finalités : la lutte contre le terrorisme, la répression de la délinquance itinérante nationale ou transfrontalière, la protection du patrimoine industriel, scientifique ou technologique, faisant l’objet de convois ou de transports sensibles, la lutte contre l’immigration irrégulière (avec l’idée de contribuer au démantèlement des organisations criminelles se livrant au trafic d’être humains via le contrôle des transports en commun, des trains, des aires de covoiturage, etc.) et la lutte contre l’insécurité routière, incluant notamment la lutte contre la concurrence déloyale d’entreprises de transports étrangères au préjudice d’entreprises françaises en matière de transport routier.

Routes, réseau ferroviaire, gares, voies navigables, espaces maritimes et portuaires, aéroports... La sécurité des mobilités s’applique à toutes les voies de communication. Elle concerne à la fois les personnes, les biens et les services.

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Une structure innovante

La sécurité des mobilités est propice aux expérimentations et innovations. De nouveaux modes opératoires ont été au cœur des réflexions. Dans cet esprit, le Centre national de la sécurité des mobilités (CNSM) a été créé en 2017, afin d’améliorer la sécurité des mobilités sur le territoire, que ce soit dans le domaine du transport de personnes, de fret ou encore de convois sensibles (matières dangereuses, nucléaires, Banque de France, timbres fiscaux, munitions et explosifs, œuvres d’art, etc.) Le CNSM se charge ainsi de répertorier dans une synthèse les itinéraires des transports sensibles (environ 15 par jour), civils ou militaires, privés ou publics, afin de pouvoir anticiper leur sécurisation et être en mesure de répondre, à tout moment, à tout événement. « La planification centrale de ces convois nous permet d’avoir une vision globale en cas d’événement et d’optimiser la réponse opérationnelle avec un appui de niveau central. L’intégration de la géolocalisation des transports sensibles dans le système d’information géographique contribue au suivi optimisé, en lien avec les patrouilles, et facilite ainsi le travail des gendarmes. ». À terme, le CNSM a pour vocation à devenir également un outil de prévention, avec l'intégration d'une analyse de risque offrant une aide supplémentaire aux opérations et permettant donc de mieux sécuriser les transports.

Tous impliqués !

Mais la sécurité des mobilités ne se résume pas au CNSM. Elle concerne toutes les unités de la gendarmerie, du niveau central jusqu’au niveau territorial. La vulnérabilité de l’ensemble des flux circulant sur les circonscriptions est intégrée dans la conception quotidienne du service. L’importance des enjeux de sécurité implique un investissement conséquent auquel la gendarmerie répond par un engagement au quotidien de l’ensemble de ses unités territoriales, mobiles et spécialisées. « La sécurité des mobilités nous a aidés à montrer toute la cohésion qu’il y a entre nos unités du cadre général, nos gendarmeries expertes et spécialisées. »

Les commandants de région organisent régulièrement, parfois de manière conjointe avec la police, la DREAL, les douanes, la PAF, SNCF, des opérations de sécurité des mobilités aux bords des routes, aux péages, dans les gares, les trains, les bateaux, aux arrêts de tramway ou de bus, etc. Leur objectif : contrôler, filtrer et sécuriser l’ensemble des flux de personnes et de marchandises dans tous types de transport, détecter toute menace, dissuader les délinquants et être en mesure d’intervenir rapidement. Des services en autonomie ou conjoints entre la gendarmerie départementale et la sécurité ferroviaire ont également été mis en place afin de renforcer la sécurisation des transports ferroviaires entre les métropoles et leur périphérie. Le but est d’être présent sur l’ensemble des liaisons TER afin d'assurer la couverture la plus large possible. Ces patrouilles, composées de réservistes, rayonnent déjà sur les réseaux ferrés d’île-de-France, d'Auvergne-Rhônes-Alpes et de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et ont vocation à être généralisé au niveau national.

La gendarmerie nationale couvre 95 % du territoire, avec 85 % du réseau routier, 900 000 km de route, 133 péages, 19 % des ports maritimes, 90 % du réseau ferroviaire, représentant 28 000km de voies ferrées, 3 000 gares, dont 54 gares TGV.

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Depuis juillet 2018, des militaires de pelotons d’intervention de la garde républicaine, formés par le GIGN et par la direction de la sûreté de la SNCF, à l’écosystème ferroviaire, voyagent par ailleurs en toute discrétion, en tenue civile, dans les trains grande ligne, prêts à intervenir en cas d’attaque meurtrière ou d’acte terroriste. Baptisé « train marshall », le dispositif, fruit d’une convention entre la gendarmerie et la SNCF, s’inspire de celui déjà en place dans les avions et sur les navires. « La nature de la menace nous a incités à déployer les train marshalls afin d’apporter une autre réponse organisationnelle à la problématique de la sécurité des mobilités. Près de 800 missions de ce type ont déjà été réalisées. » Sont également susceptibles de participer au dispositif train marshall, les militaires du GIGN et des antennes GIGN, qui sont systématiquement engagés en cas de menace avérée. Certaines missions se font de façon conjointe avec la surveillance générale de la SNCF.

Au niveau des territoires, des actions sont également menées sur les lignes de bus interurbaines. Brigade d’appui aux mobilités à Saint-Étienne, brigade de sécurité des transports à Toulon et à Lyon, pôle mobilité à Bourges… Qu’importe leur appellation, ces dispositifs poursuivent la même mission : assurer la sécurité et surtout renouer le contact avec les usagers. « Pour mettre en œuvre cette action, les commandants de région s’appuient sur des officiers chargés des problématiques de métropole et de sécurité des mobilités. Ces derniers facilitent la conception et la mise en œuvre de nos actions de sécurité au contact des partenaires. »

Généraliser les partenariats

« La sécurité des mobilités ne peut être envisageable et déployée que s’il y a des partenariats. » Qui sont ces partenaires ? Les collectivités territoriales (autorités organisatrices des mobilités régionales), les exploitants de transports de marchandises ou de voyageurs ou leurs représentants dans le cadre de fédérations de professionnelles, ainsi que les prescripteurs de convois et de transports sensibles. « Il est important que les contacts que nous avons commencé à déployer se développent davantage. La généralisation des autorités organisatrices des mobilités, prévue par le projet de loi d’orientation des mobilités, doit permettre de créer des partenariats nouveaux, pouvant donner lieu à une formalisation sous forme de convention. » Plusieurs ont d’ores et déjà été signées afin d’améliorer les échanges d’informations, de suivre les transports dans les différents domaines, d’organiser des exercices et de partager les expériences respectives. Cela s'est traduit par la signature d'une convention entre la DGGN et les différents partenaires, permettant d’avoir une « feuille de route partagée » favorisant la mise en place de « dispositifs de type chaîne d’alerte », « de services conjoints » ou encore de « formations communes ».

Préparer l’avenir

Aujourd’hui, les flux ne sont plus seulement physiques, il faut désormais appréhender la dimension numérique des mobilités. « Il faut absolument avoir cette approche liée à la transformation numérique. Les mobilités génèrent de la donnée, via, par exemple, les réservations et les modes de paiement en ligne, qu’il faut absolument intégrer dans nos actions spécifiques. »

La gendarmerie s’inscrit également dans une dynamique d’anticipation et de préparation de l’avenir, notamment à travers les véhicules autonomes et connectés. « C’est un sujet que nous prenons très sérieusement en compte. D’ailleurs, nous avons créé une structure spécialement dédiée : l’Observatoire central des systèmes de transports intelligents. » La gendarmerie doit être en mesure d’intervenir sur ces véhicules en cas d’accident, ce qui implique de maîtriser la technologie et donc de pouvoir accéder à un certain nombre de données. « Nous mettrons en œuvre ces véhicules autonomes connectés en tant que système d’armes. Il faudra donc se les approprier pour continuer d'accomplir nos missions avec efficacité et préparer la patrouille de demain ! »

L’énergie fait également partie des sujets d’avenir de la sécurité des mobilités. Et le colonel Bisognin d’avancer en conclusion : « Il y a les mobilités à proprement parler et il y a ce qui les génère, notamment au plan de l’énergie, comme les plates-formes d’énergie renouvelable en mer territoriale. Elles auront leurs propres enjeux de protection, de sûreté, d’ordre public. Il faudra être en mesure de s’adapter aux nouveaux enjeux de ces mobilités. Par cette approche globale et partenariale, la gendarmerie se positionne comme l opérateur national de la sécurité des mobilités.»

Autre sujet d’avenir : le positionnement européen pour la gestion de la sécurité et de la sûreté des flux fluviaux et des ports fluviaux, notamment dans le cadre d’Aquapol. Ce réseau constitué de quatorze États membres de l’Union européenne permet un croisement d’informations de la police de navigation, un suivi et une orientation lors de recherches. « La prochaine présidence, assurée par la gendarmerie, va nous permettre de valoriser nos capacités d’action sur ce milieu très spécifique, qui a ses propres enjeux de sûreté, ses propres menaces et ses propres risques. » Il est notamment nécessaire d’avoir des capacités de contrôle adaptées, afin de faire face à de nouvelles formes de délinquance de type slow fast sur les voies d’eau. À ce titre, la loi d’orientation des mobilités va donner une capacité de contrôle systématique d’alcoolémie et de produits stupéfiants.

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