Sécurisation des truffières en Touraine

  • Par la capitaine Sophie Bernard
  • Publié le 23 décembre 2019
La tuber melanosporum (truffe noire) peut atteindre 1000 euros le kilo, de quoi attiser les convoitises !
© DGGN SIRPA F.GARCIA

Si la trufficulture est généralement associée au Périgord, cette production a également été développée depuis plus d’un siècle en Touraine, où elle atteint une qualité pouvant largement concurrencer celle du Sud-Ouest. Afin de prévenir les vols de ces champignons de luxe, les gendarmes de la communauté de brigades de Richelieu, en Indre-et-Loire, ont mis en place des services de prévention et de surveillance spécifiques.

Surtout connue pour ses grands crus viticoles, la région de Chinon (37) regorge de bien d’autres trésors. Parmi eux, la truffe tient une place prépondérante. Au début du XXe siècle, la ville de Richelieu en exportait près de 80 tonnes par an. Il s’agissait déjà d’un produit de luxe, puisque le kilo valait l’équivalent de six mois de salaire d’une bonne !

Après la Première Guerre mondiale, bon nombre de trufficulteurs étant morts au combat, l’or noir est tombé en désuétude, avant d’être de nouveau cultivé par les grands propriétaires terriens dans les années 1970. Aujourd’hui, le département d’Indre-et-Loire compte près de 35 exploitants, souvent déjà céréaliers, ayant développé la production de la truffe pour se diversifier.

Un champignon au prix hallucinant

Mets de choix, ce champignon s’exporte très bien à l’étranger et agrémente les plats des restaurants étoilés. À l’image du foie gras ou du champagne, la truffe demeure ainsi un produit de luxe, dont le prix peut facilement atteindre 1 000 euros le kilo.

En réalité, avant d’arriver dans les cuisines des chefs les plus prestigieux, la tuber melanosporum (truffe noire) a nécessité des années de travail. En effet, après la plantation des arbres truffiers, les exploitants doivent patienter entre 10 et 20 ans avant d’espérer une bonne récolte. « Il faut veiller à la taille des arbres et réussir à trouver l’équilibre entre lumière, chaleur et humidité », explique Marion Monnier, productrice locale. Il convient également de bénéficier de conditions météorologiques favorables, avec ce qu’il faut de pluie et de soleil.

Le « cavage » (récolte de la truffe) a lieu entre mi-novembre et mi-mars, au moment des pleines lunes, à l’aide d’un chien truffier, d’un cochon ou de mouches. Les truffes, nichées entre la surface du « brûlais » (cercle entourant l’arbre), jusqu’à 15 cm de profondeur, sont récoltées à l’aide de la « cavette », sorte de tournevis utilisé pour les déloger. « On ne maîtrise pas la culture de la truffe », déclare Jérôme Lespagnol, président de l’association des trufficulteurs de Touraine, exploitant et courtier en la matière. Le coût particulièrement élevé du produit prend alors tout son sens.

Or noir et chiffre noir

L’or noir des truffières n’est pas sans attiser les convoitises. Les exploitants parlent même ici de « braconnage ». Le plus souvent, les voleurs découpent un trou dans le grillage des clôtures et envoient des chiens, dressés par le jeu avec des produits qu’ils apprécient, pour marquer, voire ramener les truffes en faisant fonctionner la leur ! « Ce sont des professionnels », en déduit M. Lespagnol.

De tels faits ont ainsi été constatés ces dernières années dans les départements limitrophes, comme la Vienne et le Maine-et-Loire. Cependant, un problème se pose : en dehors de la dégradation de la clôture, il demeure très difficile de prouver le vol de matière et de déterminer quelle quantité a pu être dérobée, le volume restant aléatoire. « C’est incalculable. Quand on va chercher des truffes, on ne sait pas si on va en trouver 20 ou 500 grammes », explique l’exploitant.

Aussi, les gendarmes savent qu’un chiffre noir demeure. « Peu de trufficulteurs déposent plainte du fait de l’impossibilité de définir le préjudice. Il n’y a donc pas de visibilité sur ce phénomène », déplore le major Stéphane Monsu, commandant la Communauté de brigades (COB) de Richelieu.

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Opération « truffes »

Afin d’aider les producteurs à se prémunir contre les vols de truffes, la COB de Richelieu, en lien avec la compagnie de Chinon, a mis en place cette année des services spécifiques durant la période de récolte.

Ainsi, après avoir fait un tour de reconnaissance de toutes les truffières locales, les gendarmes locaux ont déployé un dispositif de prévention et de surveillance. Quotidiennement, de jour comme de nuit, des patrouilles, armées de gendarmes d’active et de réservistes, sont dédiées à cette problématique. D’une part, elles assurent une présence visible auprès des truffières, de nature à dissuader les potentiels voleurs. D’autre part, s’inscrivant dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, elles viennent au contact des trufficulteurs et autres employés agricoles afin d’échanger et de recueillir du renseignement. C’est notamment l’occasion de les conseiller sur les bons réflexes à adopter, comme le fait de prévenir la gendarmerie face à un comportement suspect aux abords d’une parcelle. Cela permet ensuite aux militaires d’intervenir immédiatement et d’appeler les autres producteurs à faire preuve de vigilance via « Alerte agri », un système d’alerte par SMS lancé dans le département depuis 2014. Monsieur Lespagnol se félicite de ce dispositif particulièrement efficace : « Les patrouilles nous rassurent. La dernière fois, les gendarmes m’ont appelé pour me signaler un trou dans ma clôture… C’est moi qu’il l’avait fait ! On a la chance d’être une région encore peu connue pour la trufficulture. Autant dire “stop” aux voleurs dès maintenant. »

Attention terrain miné !

Grâce aux conseils de la gendarmerie, mais aussi de la Chambre d’agriculture, les trufficulteurs sont ainsi sensibilisés. Ils tentent même parfois de mettre en place à leur niveau différents moyens pour lutter contre les vols.

« Certains ont placé des pièges avec des cages enterrées, d’autres ont installé des caméras et des panneaux sur les clôtures, indiquant que la parcelle est sous vidéosurveillance, même si bien souvent la surface est trop importante à couvrir. J’en connais aussi qui investissent dans des coffres pour faire face au risque de cambriolage après la récolte », reconnaît Jérôme Lespagnol.

Marion Monnier, quant à elle, a sa propre méthode : « Je passe tous les jours dans mes truffières et avec mon chapeau rose on me repère de loin ! Cela fait une présence et c’est moins intéressant pour un braconnier de venir si mon chien est passé avant, parce que le sien sera dérangé par l’odeur du mien. Il ne cherchera plus les truffes mais voudra juste marquer son territoire. »

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Aux bons marchés

Pour les producteurs, la période de récolte signifie également la vente sur l’un des dix marchés labellisés Fédération française des trufficulteurs (FFT) en Touraine. Ces derniers ont lieu à trois moments de l’année se situant fin décembre, ainsi que début janvier et février. Ils obéissent à des règles précises. En effet, alors que dans le Sud Ouest, la vente s’effectue traditionnellement « sous le manteau », avec un tarif déterminé entre le vendeur et le client, le marché est ici régulé. Une fourchette de prix est ainsi imposée dès l’ouverture par un courtier et vérifiée ensuite par « une brigade de contrôleurs ».

Les exploitants ont alors un stock important à disposition du public et il n’est pas rare qu’au cours d’une présentation du produit des truffes disparaissent.

Le transport présente également certains dangers. « J’ai peur pour ceux qui repartent du marché avec leur chargement et le liquide. Je leur dis : “ne t’arrête pas en route, ne prend personne en stop !” », explique Pascal Belliard, un passionné, contrôleur sur les marchés.

Les gendarmes sont donc également présents à ces rendez-vous afin de prévenir les vols sur les étals et conseiller les producteurs en termes de sécurité concernant le transport et le stockage.

« J’aime bien voir les gendarmes sur nos marchés, ça nous rassure », reconnaît Pascal Belliard.

Face à son succès, le dispositif mis en place par la gendarmerie devrait être reconduit l’année prochaine.

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