Épidémie de fraudes à l’horizon ?

  • Par Morgane Jardillier
  • Publié le 13 juillet 2020
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© Pixabay

Afin de soutenir le financement des entreprises en difficulté de trésorerie en raison du confinement provoqué par la crise de la Covid-19, l’État a mis en place des dispositifs exceptionnels s’adressant quasiment à toutes les sociétés. Ces dispositifs, comme d’autres mesures d’accompagnement, sont toutefois susceptibles d’être détournés au profit d’une forme de criminalité particulièrement réactive et opportuniste.

Une réglementation plus souple et des dispositifs inédits pour protéger les Français et soutenir l’économie et l’emploi : tel est le credo de l’État pour tenter de faire face au choc économique lié à l’épidémie de coronavirus.

La crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales ont conduit le gouvernement à prendre des mesures financières d’urgence pour permettre aux entreprises de surmonter la forte perturbation d’activité et les difficultés de trésorerie. Parmi elles : la prise en charge à 100 % par l’État, des salaires versés par les entreprises en cas de chômage partiel, le report de paiement des charges sociales et fiscales ou encore l’extension des Prêts garantis par l’État (PGE). De quoi donner aux acteurs économiques une bouffée d’oxygène, dans une période très difficile pour leur activité, mais susciter aussi des idées malveillantes à certains dirigeants d’entreprise peu scrupuleux ou aux criminels opportunistes.

Un contexte favorable aux fraudes

À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels ! Ainsi, lors de son allocution du 16 mars 2020, le président de la République a notamment annoncé la mise en place d’un dispositif permettant à l’État de garantir jusqu’à 300 milliards d’euros de prêts bancaires.

Toutes les sociétés, les commerçants, les artisans, les exploitants agricoles, les professions libérales, les autoentrepreneurs, les associations et fondations ayant une activité économique (même si elles sont placées sous le régime de l’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement) peuvent ainsi bénéficier d’un prêt bancaire, avec la particularité d’avoir comme garant l’État et de ne rembourser les premières mensualités qu’à partir de l’année prochaine.

Dans un contexte où l’urgence est à la sauvegarde des acteurs économiques et à la protection des citoyens, par la rapidité du versement des aides, les procédures ont été simplifiées et peu contrôlées. Conjuguées à un fonctionnement dégradé des administrations en charge de la mise en place de ces nouveaux process, ces mesures vont donc très probablement favoriser le risque de fraudes aux finances publiques. Si, pour l’instant, il est encore trop tôt pour déplorer des failles, l’OCLTI (Office Central de Lutte contre le Travail Illégal) joue son rôle d’acteur majeur dans la lutte contre les fraudes sociales, en apportant un appui stratégique et opérationnel aux unités.

L’OCLTI à l’épreuve de la crise de la Covid-19

Dans le cadre de la crise sanitaire, puis économique, l’Office a mobilisé toutes ses ressources disponibles pour maintenir sa capacité d’appui et de concours aux unités, confrontées tant à des situations de fraudes potentielles aux dispositifs financiers de soutien à l’économie qu’à des suspicions de conditions de travail et sanitaires contraires à la dignité humaine et/ou susceptibles de constituer des foyers de contamination de Covid-19.

Elle a ainsi assuré des missions stratégiques (suivi, analyse et explications des textes normatifs successifs assouplissant et adaptant les règles du droit du travail, fiches d’alerte précisant les dispositifs mis en place et les fragilités détectées) et des missions opérationnelles (contrôles, vérifications de renseignements) au profit et au service des unités de gendarmerie et de police.

Des fraudes déjà identifiées

Certains comportements frauduleux ont déjà été dénoncés dans la presse, notamment en ce qui concerne le dispositif exceptionnel d’activité partielle. Pour rappel, dès le début du confinement, le gouvernement avait mis en place un régime exceptionnel de chômage partiel, afin d’éviter les licenciements. Il permettait ainsi à l’employeur en difficulté de faire prendre en charge par l’État tout ou partie du coût de la rémunération de ses salariés. Or, il s’avère qu’un certain nombre d’employeurs n’auraient pas hésité à demander à leurs salariés de télétravailler, alors qu’ils étaient placés en activité partielle. L’État s’est probablement retrouvé à assurer directement une grande partie de la rémunération des salariés pour des heures indues, durant lesquelles ces derniers ont potentiellement été en situation de travail.

La pandémie a également créé des conditions propices au développement d’escroqueries spécifiques, relatives à des ventes de matériels sanitaires. La gendarmerie a déjà diligenté des enquêtes relatives à des vols ou des ventes illégales de masques, de gel hydroalcoolique et d'appareils respiratoires ou concernant encore le trafic de médicaments.

De nouvelles opportunités pour les fraudeurs

En Allemagne, une campagne de phishing associée à de fausses pages Internet a permis d’usurper l’identité d’entreprises et de détourner les aides qui leur étaient destinées. Des individus ont également perçu illégalement des fonds grâce à des sociétés fictives dans certains Länder. Si le système français est différent, ces exemples démontrent les capacités d’adaptation des individus et groupes malintentionnés aux nouveaux dispositifs d’aides liés à la crise.

Campagnes de phishing, faux sites de télédéclaration, usurpation d’identité des institutions publiques, vols de données… les modes d’action sont multiples pour détourner des informations, permettant, à terme, de mettre en place des escroqueries nécessitant des techniques de « social engineering » (faux ordres de virement).

Des groupes criminels spécialisés dans les escroqueries, nationaux et internationaux, peuvent également profiter des opportunités offertes par la crise pour usurper l’identité d’entreprises et détourner ainsi les fonds publics.

Le plus grand nombre de fraudes pourraient toutefois être réalisées par des professionnels ou des particuliers, en sous-évaluant, par exemple, leurs revenus ou leur activité, afin d’être éligibles à certains dispositifs d’aides. Certaines sociétés essayeraient également de bénéficier indûment du PAGE, malgré une situation économique et financière stable ou ne les rendant pas éligibles au dispositif. Des sociétés « dormantes » (sans activité) peuvent se voir ainsi réactivées à cette occasion et des sociétés éphémères (utilisées pour frauder les impôts et taxes, monter des escroqueries ou faire du blanchiment) pourraient également être utilisées pour bénéficier du PAGE et disparaître avant le premier remboursement.

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