Trafic de médicaments : une lutte toujours plus intense

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 09 mars 2020
Oclaesp
© Gendarmerie/LPC/ O. Pezeyre

L’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) pilote depuis trois ans une opération européenne visant à démanteler les trafics de médicaments. Les résultats des enquêtes menées en 2019 confirment un business en expansion.

Si vous avez déjà terminé la nouvelle saison de « Narcos : Mexico », (sortie le 13 février sur Netflix, Ndlr), une autre série, moins connue du grand public, fait planer le vieux continent. Baptisée MISMED, elle en est à sa troisième année de diffusion. Et l’originalité de ce programme est double. D’abord, un casting de choix : tous les acteurs sont membres de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Leur mission : lutter, entre autres, contre les trafics de médicaments. Ensuite, et surtout, cette série n’a rien d’une fiction.

Un trafic en constante augmentation

Depuis plusieurs années, le trafic de médicaments, à des fins psychotropes, festives ou dopantes, est en constante augmentation en Europe. Il existe plusieurs raisons à cela : d’abord, une demande très forte. « Ce sont monsieur et madame tout le monde qui consomment ces produits », explique simplement le major Alain Lemangnen, de la cellule « Projets Européens » de l’OCLAESP. « Le panel de consommateurs s’étend des étudiants en recherche de résilience à la fatigue aux personnes ayant des problèmes de santé en raison de la consommation de produits dopants, en passant par celles et ceux dont le travail, très exigeant, entraîne la consommation de psychotropes. » La loi de l’offre et de la demande en somme.

Cette très forte demande est ainsi à l'origine d'un business très juteux. Selon l’OCLAESP, le trafic de médicaments rapporterait nettement plus que celui de stupéfiants. Ce marché serait même dix à vingt fois plus lucratif que celui de l’héroïne, d’après Interpol.

Enfin, dernière raison, en fonction des pays, les sanctions ne sont pas homogènes, comme le confirme le sous-officier : « Certains états ne considèrent pas ce trafic comme une infraction. » L’OMS estime que 30 % des pays disposent d’une réglementation faible, voire inexistante sur le sujet. Un vide juridique qui a poussé la criminalité organisée à s’y engouffrer et donc à investir en masse dans ce commerce.

MISMED : des chiffres vertigineux

Pour lutter contre cette croissance exponentielle de la délinquance pharmaceutique, l’OCLAESP a décidé de mettre en place des contre-mesures. Depuis trois ans, les gendarmes pilotent, avec le concours de la douane et en association avec la douane finlandaise, une opération européenne visant à démanteler les réseaux criminels impliqués dans ces trafics : MISMED. Elle regroupe aujourd’hui 18 pays, EUROJUST, EUROPOL ainsi que l’agence européenne de lutte contre la fraude (OLAF).

Les saisies liées au trafic de médicaments sont très irrégulières d’une année à l’autre, car « tous les pays ne renseignent pas les données de la même manière », précise le major Lemangnen. Mais les chiffres restent tout de même très impressionnants, compte tenu de la durée de l’opération (juillet à octobre). Si le nombre d’arrestations en Europe a diminué en 2019 par rapport à 2018 (165 contre 435), la saisie de médicaments a, elle, augmenté de manière considérable : 36 millions de cachets, soit le triple de la quantité confisquée l’année précédente.

Ces saisies portent essentiellement sur les médicaments vasoconstricteurs (pseudo-éphédrine), psychotropes (antidépresseurs, neuroleptiques, anxiolytiques et hypnotiques), les traitements du dysfonctionnement érectile, les anti-œstrogènes et les agents anaboliques. « On observe en outre une sérieuse et inquiétante augmentation du trafic de médicaments oncologiques (anti-cancéreux) et d’hormones de croissance. »

En France, outre le démantèlement de cinq groupes criminels pendant la durée de l’opération en 2019, c’est la prise d’avoirs criminels qui a explosé. La gendarmerie a tout simplement multiplié ses saisies par huit, passant de 185 000 à 1,5 million d’euros. « La meilleure manière de neutraliser un réseau est la confiscation des biens acquis au moyen des subsides du trafic. »

Mais pour vraiment se rendre compte de l’ampleur du phénomène, il faut regarder le bilan de MISMED depuis sa création. En trois ans, les pays engagés dans l’opération ont saisi 123 millions d’unités médicamenteuses et de produits dopants, d’une valeur estimée à près de 500 millions d’euros. 600 suspects ont été arrêtés et 49 groupes criminels démantelés.

Opération d'ampleur en 2020

En 2020, les opérations MISMED et VIRIBUS (action italo-grecque contre le dopage) prennent la forme d’une opération d’ampleur, regroupant 33 États, trois organisations internationales et de nombreux partenaires du secteur privé.

Dirigée par un consortium réunissant la France, l’Italie, la Finlande, la Grèce et Europol, cette opération cible la criminalité pharmaceutique dans son ensemble, à savoir les trafics de médicaments (détournés d’usage, de la chaîne légale, falsifiés), de produits dopants et de dispositifs médicaux.

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