Détachement de l’OCLAESP en Guyane : découverte d’un premier cas d’empoisonnement à la phosphine

  • Par lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 05 octobre 2021
Photo d'illustration.
© MI DICOM - J. Rocha

C’est une première en France. Après 6 mois d’enquête, un lien vient pour la première fois d’être établi entre le décès d’une personne et l’utilisation de phosphine, un puissant insecticide. Une découverte qui fait suite à des investigations menées conjointement par la compagnie de gendarmerie de Kourou et le détachement de Cayenne de l’OCLAESP (Office Central de Lutte contre les Atteintes à l’Environnement et à la Santé Publique).

Tout débute le 20 janvier 2021 en Guyane, lorsqu’une jeune femme de 21 ans est admise au centre hospitalier de Kourou. Elle souffre de vomissements et de détresse respiratoire. Le 21 janvier 2021, soit le lendemain, elle décède sans qu’aucune cause concrète n’ait pu être déterminée. Le soir même, son fils, âgé de trois ans, présentant les mêmes symptômes, est à son tour hospitalisé en pédiatrie à Kourou, avant d’être transféré en Martinique, où il est pris en charge durant une dizaine de jours à l’hôpital de Fort-de-France. En Guyane, une enquête est très rapidement ouverte pour déterminer les causes du décès de la jeune femme. Le détachement de l’OCLAESP à Cayenne et la compagnie de gendarmerie de Kourou sont co-saisis.

Un produit extrêmement toxique

Dès le début des investigations, les enquêteurs découvrent que le domicile de la défunte et de son fils jouxte un local destiné à entreposer du riz. Un lieu appartenant à la société d’export de céréales, mitoyenne de l’habitation. Lors de leurs recherches, les gendarmes découvrent que l’exploitant de cet entrepôt a utilisé de l’aminium de phosphine comme insecticide pour préserver ses stocks. Rapidement, ils font le lien, et lorsque les militaires de la cellule scientifique constatent des fissures dans le mur du hangar, les raisons du décès de la jeune femme se dessinent : il s’agirait bien d’une intoxication mortelle par inhalation de phosphine. Une conclusion également partagée par le laboratoire en charge de l’analyse des prélèvements réalisés sur la défunte, ainsi que par le centre anti-poison de Paris et la Brigade nationale des enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) de Rungis, qui confirment tous deux la très haute toxicité de ce produit, pouvant avoir des conséquences mortelles en cas de non-respect des conditions d’emploi.

L’exploitant mis en examen

Que ce soit sur le territoire métropolitain ou en outre-mer, c’est la première fois, en France, qu’un lien direct est établi entre l’aminium de phosphine et le décès d’une personne. Pour faire la lumière sur cette affaire, le 10 mars 2021, le parquet de Cayenne requiert l’ouverture d’une information judiciaire pour homicide involontaire, utilisation de produits phytopharmaceutiques sans respect des conditions d’utilisation déterminées par l’autorité administrative, détention de produit phytopharmaceutique ne bénéficiant pas d’une autorisation ou d’un permis de commerce parallèle et utilisation non appropriée de produits phytopharmaceutiques.

Le 22 septembre dernier, l’exploitant de la société d’export de céréales est mis en examen. Devant les enquêteurs, il reconnaît l’utilisation non conforme à la réglementation de la phosphine. Placé sous contrôle judiciaire, il a l’interdiction de se livrer à toute activité professionnelle en lien avec la vente ou le stockage de denrées alimentaires.

Au-delà de cette enquête, le parquet de Cayenne tient à rappeler la dangerosité de ce produit, qui nécessite une extrême vigilance et un respect strict des conditions réglementaires d’utilisation lors de sa manipulation.

À noter :

la phosphine est une substance chimique utilisée généralement comme antiparasitaire. En outre-mer, elle est particulièrement employée pour le traitement des céréales et fait régulièrement l’objet d’importation illégale. Selon les recommandations faites par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), la phosphine est un gaz extrêmement inflammable, pouvant provoquer de graves brûlures de la peau et des lésions oculaires. En cas d’inhalation, ce produit est mortel. Pour pouvoir l'utiliser, il est nécessaire d’être formé et de recevoir un agrément de l’État. Il est également obligatoire de déclarer au préalable toutes les actions de fumigation. Le non-respect de ce cadre réglementaire peut constituer des infractions pénales, telles que celles visées au réquisitoire introductif du 10 mars 2021.

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