Comment le virus a-t-il impacté le travail des techniciens en identification criminelle

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 19 mai 2020
© Florian Garcia

L’épidémie de COVID-19 a bousculé le quotidien des gendarmes. Qu’ils soient membres d’un Peloton spécialisé de protection (PSPG), des Forces aériennes (FAG) ou bien encore d’une Section de recherches (S.R.), tous ont été impactés par le virus. Une crise sanitaire qui touche également les Techniciens en identification criminelle (TIC), chargés de l’aspect criminalistique des investigations conduites par les enquêteurs. Focus sur ces spécialistes en blouse blanche qui, ont eux, aussi dû s’adapter.

En 15 ans de carrière en tant que Technicien en identification criminelle (TIC), l’adjudant-chef Rémy a presque tout vu : de l’évolution des techniques scientifiques d’investigation aux scènes de crime les plus morbides. Chargé de l’aspect criminalistique des investigations conduites par les enquêteurs, il a notamment travaillé sur l’affaire Marie-Christine Hodeau, une joggeuse enlevée, violée, puis assassinée à Oncy-sur-École (91) en 2009. Mais pour cet expérimenté chef de la cellule identification criminelle du Groupement de gendarmerie départementale de l’Essonne (GGD 91), l’épidémie de COVID-19 a chamboulé comme jamais son quotidien professionnel.

Quel a été l’impact de l’épidémie de COVID-19 sur votre travail ?

Elle a d’abord fait évoluer nos états d’esprit. Depuis plusieurs semaines, lorsque mes collègues et moi-même partons en intervention, si nous restons très attentifs aux éventuels indices, nous sommes aussi très vigilants quant au risque de contamination, notamment lors de la découverte d’un cadavre. Un corps, même sans vie, peut être potentiellement infecté. Sur ce type de scène de crime, notre métier exige de manipuler le défunt pour vérifier certaines choses, comme la présence de traces de coups, de contusions, etc. Cette proximité avec la dépouille est devenue dangereuse, car, par principe, le risque de contamination est le même chez une victime décédée que chez un malade vivant. Il faut donc se protéger de l’exposition au sang (piqûre ou coupure), aux liquides organiques et à la diffusion de particules sous forme d’aérosols (notamment lors de la manipulation des tissus).

« Un corps, même sans vie, peut être potentiellement infecté »

Quels sont les moyens de protection dont vous disposez ?

D’abord, le bon sens. En voyant l’ampleur que prenait l’épidémie, j’ai indiqué à toute mon équipe qu’il fallait se renseigner un maximum avant tout type d’intervention. Il faut être capable de savoir si la victime est contaminée ou non.

Il faut ensuite se protéger physiquement, grâce à des tenues spécifiques : les Équipements de protection individuelle (EPI), dont nous nous servons sur les interventions de type découverte de corps. Cette tenue est constituée d’une combinaison intégrale, de lunettes de protection, d’un masque (chirurgical ou FFP2), de gants et d’une paire de sur-chaussures. Si on ne dispose pas de cet équipement, toute manipulation de corps est proscrite. Mais tout cela, nous le faisions déjà avant l’épidémie.

Qu’est-ce qui a changé alors avec l’arrivée de cette épidémie ?

L’augmentation du niveau de vigilance sur absolument tout. Je parlais à l’instant des EPI. Il faut savoir que ces tenues ne durent pas dans le temps et il faut donc en changer régulièrement. Aussi, ce sont beaucoup de nos gestes quotidiens, ceux que l’on fait presque inconsciemment, qui ont été modifiés. Il faut désormais tout désinfecter dès qu’un objet a été utilisé, de la housse mortuaire aux petits supports du quotidien, comme le volant, le levier de vitesse, les poignées de porte. Nous sommes devenus hyper-vigilants.

Toujours concernant la tenue, un protocole bien précis d’habillage en EPI a été édicté par la direction générale. De notre côté, nous continuons de partir en intervention en binôme, car dans ce genre de situation, nous pouvons avoir des gestes parasites, comme se toucher le visage. Si l’un d’entre nous fait un geste qu’il ne faut pas ou un oubli, le camarade pourra alors le rappeler à l’ordre.

« Néanmoins, même si nous côtoyons la mort presque tous les jours, nous sommes beaucoup plus attentifs et vigilants à cause du virus »

Étiez-vous préparé à travailler dans un tel contexte sanitaire ?

Le protocole concernant la protection est déjà très strict, à la fois dans un souci de sauvegarde du personnel, mais aussi pour conserver intacts d’éventuels indices laissés sur une scène de crime. De plus, comme je l’évoquais précédemment, un corps, même sans vie, peut être potentiellement infecté, que ce soit par le coronavirus ou autre chose ! Il se peut, par exemple, que la victime soit un(e) toxicomane, donc potentiellement séropositive, et ait des seringues dans ses poches. Dans tous les cas de figure, nous sommes déjà préparés à faire face aux risques d’infection dus aux maladies et à nous en prémunir. Néanmoins, même si nous côtoyons la mort presque tous les jours, nous sommes beaucoup plus attentifs et vigilants à cause de ce nouveau virus.

Diriez-vous que cette épidémie rend la pratique de votre métier plus contraignante ?

Non, car ce métier exige une adaptation constante, quel que soit le contexte. Par exemple, très rapidement, en voyant l’ampleur de l’épidémie, nous avons opté pour un fonctionnement par bordée, comme toutes les autres unités. Toute la semaine, un personnel du service est au bureau et une permanence téléphonique est assurée 24 h sur 24. Nous avons, certes, un peu plus de travail, notamment pour un de mes camarades TIC qui est aussi formateur relais NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique). Lorsqu’une brigade a un mis en cause potentiellement infecté dans ses locaux, c’est à lui d’aller examiner le périmètre où se trouvait l’individu et de le désinfecter avec l’appui de l’unité concernée. Et puis, il faut quand même souligner que l’activité criminelle a baissé en intensité depuis le début du confinement.

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