Générale Bettina Boughani, première femme à la tête de la composante police de la MINUSMA

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 08 mars 2021
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Entrée en gendarmerie en 1997, la générale Bettina Boughani, troisième femme promue à ce grade en gendarmerie, affiche un parcours riche et varié, qui l'a conduite de la gendarmerie mobile à New York, en passant notamment par les transports aériens et plusieurs postes en lien avec les affaires internationales. Aujourd'hui à la tête de la composante police de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, elle revient sur sa carrière et surtout livre ses premières impressions sur son nouveau poste.

Générale, vous êtes la première femme à diriger la composante police de la Minusma, d'ailleurs la plus importante de toutes celles mises en place par les Nations unies. Qu'est-ce qui a motivé votre candidature à ce poste, et surtout quelle a été votre réaction à l'annonce de votre nomination ?

Tout d'abord je remercie le Directeur général de la gendarmerie, le général d'armée Christian Rodriguez, et la France, d'avoir accepté que je candidate pour la France à ce poste de grande responsabilité. Si je me suis portée volontaire, c'est en grande partie au regard de mon expérience au sein de la représentation permanente de la France auprès des Nations unies, à New York. Pendant trois ans et demi, j'ai notamment pu suivre les différents travaux de doctrine, ainsi que les orientations stratégiques relatives aux opérations de paix. Cela m'a donné envie de voir leur concrétisation sur le terrain. En outre, juste avant ce poste à la tête de la composante police de la Minusma, j'étais chef du pôle affaires internationales au sein du cabinet de la Direction générale de la gendarmerie (DGGN). À ce titre, j'ai travaillé sur la question du Sahel, et plus particulièrement du Mali. J'ai donc répondu à l'appel à candidatures envoyé par l'ONU aux 193 États membres, passé les différentes épreuves de sélection, au terme desquelles j'ai été retenue pour ce poste, que j'occupe depuis le 4 janvier dernier. Il s'agit d'un mandat d'une année, qui peut être renouvelé trois fois.

À l'annonce de la bonne nouvelle, je dois avouer que j'ai été ravie, honorée même, et je le suis toujours, de la confiance qui m'a été accordée. Ce poste m'apporte d'ores et déjà une très grande satisfaction au quotidien.

C'est une belle reconnaissance pour vous, mais également pour la gendarmerie, dont vous contribuez d'ailleurs au rayonnement…

Ce rayonnement, c'est celui des savoir-faire et des valeurs de la gendarmerie, et de l'armée plus généralement, sur lesquels je vais m'appuyer dans le cadre de mon commandement, comme l'exemplarité, l'abnégation et l'intérêt général. Pour le reste, notre travail est encadré par les directives onusiennes. Il faut bien comprendre qu'on ne transfère pas le savoir d'un pays. On transfère des connaissances standardisées, préalablement travaillées et validées par tous les États membres.

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Vous avez officiellement pris vos fonctions en janvier dernier. Comment se sont passés votre prise de commandement et vos « premiers pas » en terres maliennes ?

À mon arrivée, j'ai tout d'abord été placée en quatorzaine. De ce fait, les premières prises de contact se sont faites à distance. J'ai enchaîné des visio et audio-conférences et de nombreux entretiens. Puis, au terme des quatorze jours, les contacts ont été un peu plus personnels. J'ai pu m'entretenir avec mes proches collaborateurs, pour faire un point de situation sur leurs missions ou les piliers qu'ils commandent. J'ai également rencontré les différentes autorités sur le terrain pour une première prise de contact et échanger avec eux sur leur vision stratégique à court, moyen et long termes, mais aussi sur leur interaction avec la composante police de la Minusma.

Il me reste encore quelques postes à visiter, mais j'ai d'ores et déjà pu me rendre sur la majeure partie des sites. Des déplacements qui demandent une organisation certaine au regard du contexte sécuritaire.

Comment vous êtes-vous préparée à cette mission ? Votre précédente expérience auprès de la représentation française à New York auprès des Nations unies vous a-t-elle aidée ?

Effectivement, je me suis largement servie de mon expérience onusienne. J'ai également reçu un certain nombre de recommandations et de connaissances de la part du GIGN. J'ai par ailleurs échangé avec des camarades qui avaient occupé des fonctions au sein des missions onusiennes, et même avec certains qui exerçaient encore à des postes importants au sein de la composante police de la Minusma. Ces échanges m'ont été très utiles, en complément d'un certain nombre de lectures pour me familiariser avec les différents enjeux géostratégiques de cette région.

Enfin, je me suis également préparée physiquement, car j'estime que quand on est bien physiquement, on est bien dans tous les postes. Une bonne condition physique d'autant plus primordiale au Mali, où il faut également prendre en compte le facteur climatique. Nous sommes en « hiver » et il fait déjà très chaud, près de 38 degrés. Mais ça se passe bien.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur vos missions à la tête de la composante police de la Minusma, mais aussi sur les difficultés que vous avez pu rencontrer, ainsi que sur vos premières satisfactions ?

Au quotidien, je m'appuie sur mes savoir-faire et mon expérience pour commander la composante police de la Minusma et je mets en application les directives onusiennes. La résolution 2531 de juin 2020, adoptée au conseil de sécurité, énonce deux priorités stratégiques : appuyer l'accord de paix dans le Nord et soutenir le volet stratégique de stabilisation au centre. À cela s'ajoutent bien évidemment la protection des civils et le renforcement des capacités des Forces de sécurité intérieure (FSI) maliennes. La Minusma étant une mission intégrée, associant composantes police, civile et militaire, il y a aussi un important volet interne à la Mission, nécessitant un certain nombre d'échanges et un partage d'informations, parce que chacun est lié par ce que fait l'autre.

Sans parler de difficulté, il y a peut-être une certaine complexité, au regard du grand nombre de briefings et d'entretiens, ce qui implique de devoir être en mesure de recueillir et de retenir une grande quantité d'informations. Quant aux satisfactions, je dirais que c'est de voir les commentaires de la composante police, que l'on propose dans les documents stratégiques, être retenus au sein de la mission pour être transmis au conseil de sécurité à New York.

Quelle est la composition de cette composante police et comment se concrétise son action ?

Actuellement la composante police de la Minusma compte 1 900 personnels issus d'une trentaine d’États membres, pour un effectif maximum de 1 920. Mais ces chiffres varient régulièrement. Ils sont répartis en onze unités de police constituées, chacune composée de 120 personnes, et 345 policiers individuels. Nos missions sont très concrètes. Il s'agit de fournir un appui stratégique aux autorités et d'accompagner les FSI maliennes en matière de formation, que ce soit à Bamako, mais également sur le terrain, en région. Pour ce faire, nous échangeons en amont afin d'évaluer leurs besoins et construire ensemble un plan stratégique. Les actions qu'on leur propose sont donc le fruit d'un travail en profondeur. Les FSI nous demandent également la réalisation d’un certain nombre de projets (construction de caserne ou réhabilitation) ou de les appuyer en matière logistique. La composante police organise aussi des patrouilles, en autonomie, avec les FSI maliennes ou avec la force. Nous essayons par ailleurs de développer la colocation, c'est-à-dire la présence d'un policier individuel de l'ONU au sein d'une brigade ou d'un commissariat, afin d'échanger et de conseiller l'équipe locale.

Les élections qui doivent se tenir très prochainement dans le pays font également partie des sujets d'attention. La Minusma sera présente pour appuyer les autorités locales et la composante police aura un rôle à jouer.

La mission est donc vaste, prenante et dense, mais c'est vraiment très intéressant.

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Vous avez jusqu'à présent eu une carrière riche et variée. Vous avez par ailleurs été la troisième femme promue générale en gendarmerie à l'été 2019. Vous attendiez-vous à un tel parcours lorsque vous avez intégré l'Institution ? Avez-vous rencontré des obstacles en chemin ?

Après avoir débuté dans l'armée de Terre, j'ai rejoint la gendarmerie en 1997, pour alterner les commandements de terrain et travailler également en état-major. Je savais que l'Institution proposait des commandements et des postes très variés, dont j'ai pu bénéficier, comme beaucoup d'officiers de gendarmerie. À ma sortie de l'EOGN (École des Officiers de la Gendarmerie Nationale, NDLR), j'ai pris le commandement de l'escadron de gendarmerie mobile de Bouliac, j'ai ensuite été en école, en GTA (Gendarmerie des Transports Aériens), à la DGGN, à la direction de la coopération internationale, à New York… C'est vrai que je ne m'attendais pas à un tel parcours.

Je ne dirais pas que j'ai rencontré des obstacles au cours de ma carrière, ce qui peut arriver à tout un chacun, mais je pense qu'il faut savoir dépasser certains commentaires…

Un de vos commandements vous a-t-il plus marquée que les autres ?

Je ne pourrais pas privilégier un commandement à un autre, parce que chaque poste est différent et que l'on s'attache aussi à nos personnels. Quand vous parlez de postes, je pense automatique à des personnes…

Vous avez assisté à l'accélération de la féminisation de la gendarmerie. Quel est votre sentiment sur la place des femmes aujourd'hui au sein de l'Institution et quels seraient vos conseils à toutes celles qui envisagent d'y faire carrière ?

Il y a eu une réelle montée en puissance. Aujourd'hui, les femmes sont présentes dans des domaines très variés et exercent différentes responsabilités. Présentes, mais aussi compétentes et elles réussissent parfaitement dans leurs fonctions.

Si je pouvais donner deux conseils, à mon modeste niveau, ce serait d'abord de rester vous-même, ainsi vous serez plus à l'aise dans vos fonctions. Mon deuxième conseil, c'est osez ! Si vous avez une envie, si un poste vous attire, candidatez, dites-le, osez ! Ce sont des préceptes que j'ai moi-même suivis tout au long de ma carrière.

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