Il y a 30 ans, l’école de gendarmerie de Berlin fermait ses portes

  • Par le capitaine Franck Hubart
  • Publié le 13 février 2021
© Gendarmerie nationale

Il y a 30 ans, Berlin était l’épicentre de l’Europe, là où l’OTAN et le Pacte de Varsovie se faisaient face. Les pays vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale stationnaient d’énormes contingents dans la capitale allemande. Au Nord-ouest, le secteur français, son armée et aussi sa compagnie d’élèves-gendarmes. Créée en 1968, l’école a fermé ses portes en février 1991, il a tout juste 30 ans. Le capitaine Franck a fait partie de la dernière promotion de l’école. Il raconte cette expérience unique. Récit.

Nous étions 132 à intégrer ce stage, sans savoir qu’il serait le dernier. Embarqués le 24 juin 1990 en gare de Strasbourg, dans le Train militaire français de Berlin (TMFB), nous foulerons pour la première fois le sol berlinois en gare de Tegel, le 25 juin 1990. Début d’une aventure hors du commun. Embarquement dans les bus de l’armée, direction le quartier Napoléon et les bâtiments de la compagnie, notre lieu de vie et d’instruction pour les huit mois à venir.

Dès notre arrivée, le commandant de compagnie fixa ses directives et établit les limites à ne pas dépasser. Le gendarme est un représentant de la loi. Aussi, il aurait été mal venu, dans un milieu inter-armées et international, qu’un élève-gendarme se fasse remarquer très défavorablement.

Pour s’assurer du respect des règles, un cadre était de permanence chaque jour et dormait dans la compagnie. Il veillait à la présence de chacun du lever au coucher, chaque jour de la semaine. Il détenait toutes les pièces militaires d’identité distribuées à notre arrivée. Elles étaient nos seuls sésames en terre berlinoise, nos permis de conduire et pièces d’identité personnelles nous ayant été retirés dès notre arrivée. Nous étions répartis en quatre pelotons et deux gradés nous encadraient, un commandant et un adjoint.

Dactylographie et tempête du désert

Les journées s’écoulèrent au gré des différents enseignements, aussi bien militaires que techniques : police judiciaire, sécurité routière, formation à la conduite des motos pour les candidats motocyclistes, ainsi que maintien de l’ordre. Un séjour à Saint-Astier avait même été programmé à cette occasion, mais avait dû être annulé au dernier moment après le déclenchement de l’opération « Tempête du désert », au début de l’année 1991. Finalement, c’est l’apprentissage de la dactylographie qui se révéla le plus « complexe », car il fallait utiliser ses dix doigts.

Il ne faut pas oublier bien sûr la partie aguerrissement et maintien en condition physique. Il y avait de quoi faire, puisque le quartier offrait l’accès à deux piscines, un gymnase, une piste d’athlétisme, un terrain de football, un parcours d’obstacles et un parcours d’aguerrissement. Sans omettre toutes les activités ludiques que l’on nous concoctait au gré des envies, notamment les 14 km de footing autour de l’aéroport de Tegel.

Du 14 Juillet au concert des Rolling Stones

Chaque semaine, un peloton effectuait une permanence de sécurité pour le bâtiment et fournissait des renforts au cercle mixte, mais aussi à l’escadron de sécurité et aux unités de gendarmerie installées à Berlin. La chute du mur ne nous avait pas permis de travailler au fameux Check Point Charlie, ni même d’assurer des patrouilles le long du mur. Notre passage par le service national nous a permis de rapidement cocher la case ordre serré et déplacements au pas cadencé au sein du quartier. Les séances en la matière ont été longues et nous nous sommes rapidement rendu compte que la circulaire était longue, très longue… C’est ainsi que le 14 juillet 1990 a été l’occasion pour le 43e stage de briller lors de la prise d’armes et du défilé, en présence de nombreuses autorités civiles et militaires.

À l’issue de cette cérémonie, nous avons pu bénéficier d’une première autorisation de sortie. C’est alors que sont arrivées les premières escapades berlinoises et la découverte des différents quartiers de la ville, encore marquée par la présence de quatre nations. Nous disposions d’une autorisation de sortie le vendredi soir et le samedi dès 8 heures, avec l’obligation de rentrer chaque lendemain matin avant 7 heures. Puis le dimanche, à compter de 8 heures, avec un retour à 23 heures. Chacun a pu découvrir l’architecture berlinoise et les stigmates de la guerre, mais aussi profiter de la richesse culturelle, en visitant les musées ou en se rendant à quelques concerts mythiques, comme celui des Rolling Stones ou encore Depeche Mode.

Côté concerts, nous avions nous aussi nos artistes. Quelques-uns répétaient avec ferveur les différents chants de la chorale, sous la direction de l’élève-gendarme Philippe. Il fallait que ça marche, car sa carrière en dépendait, selon notre commandant de peloton.

Tournoi de foot contre l’armée rouge

Chacun pourrait y aller de son souvenir, tout comme les quelque 10 000 élèves-gendarmes qui ont eu cette chance de vivre une expérience de vie personnelle et professionnelle riche. Certains sont gravés dans nos mémoires, d’autres figés sur des images. Comme ceux des différents tournois sportifs militaires. Il y en avait pour tous les goûts, du football au volley, en passant par le basket et l’escrime. La compagnie y participait forcément. Ces tournois rassemblaient l’ensemble des forces armées présentes sur le sol berlinois.

Puis vint la fin. Les quelques jours entre le choix des subdivisions d’arme et la sortie de promotion. Tout s’enchaîna à une vitesse folle. La cérémonie de remise des galons fut fixée au 6 février 1991, sur la place d’armes de la compagnie et sous la neige.

Nous étions 131 à la fin de ce stage. 131 qui allaient renforcer les unités de gendarmerie, quelle que soit la couleur des galons. Aujourd’hui, il reste les souvenirs et de la fraternité d’armes. Quand bien même nous ne nous voyons pas tous les jours, il nous arrive de nous remémorer ces moments passés loin des nôtres, avec peut-être une pointe de nostalgie. Nous ne pouvons pas ne pas penser à ceux qui nous ont quittés prématurément, des suites de maladies ou pour des raisons qui leur sont propres. Il nous appartient aussi de remercier nos cadres, qui malgré la nécessaire distance qui devait être établie entre eux et nous, nous ont soutenus dans les bons et les mauvais moments.

Nous étions les élèves-gendarmes du 43e et dernière stage de la compagnie d’élèves-gendarmes de Berlin, qui a clôturé sa formation le 7 février 1991. Nous sommes encore quelques-uns en activité et jouissons chacun d’une carrière riche, j’en suis sûr.

Merci à tous mes camarades qui ont contribué à l’écriture de ces quelques lignes, en me faisant parvenir énormément de photos et certains de leurs souvenirs.

À noter :

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, des tensions géopolitiques apparaissent entre les vainqueurs. Berlin, capitale meurtrie par le conflit, devient l’épicentre d’une nouvelle guerre, bien plus froide. Face aux Soviétiques, Berlin Ouest est divisée en trois zones. Le secteur français est situé au Nord-Ouest de la ville. Les forces tricolores s’installent en 1946 au quartier Napoléon, dans le quartier de Wedding, sur le Kurt Schumacher Damm. La compagnie d’élèves-gendarmes, créée le 1er octobre 1968, fait partie intégrante du dispositif militaire français à Berlin. Outre la formation initiale, les élèves-gendarmes participent à certaines missions liées à la surveillance et à la protection en cas d'attaque des forces du pacte de Varsovie, en renfort de l’escadron de sécurité et des brigades prévôtales, en place depuis le 5 juillet 1946. La formation va de quatre à huit mois, selon l'époque. Une permission est accordée aux élèves qui empruntent le célèbre train militaire pour le trajet de Strasbourg à Berlin et inversement. La chute du Mur, le 9 novembre 1989, et la réunification de l’Allemagne marquent le retrait progressif des troupes françaises. La compagnie d’élèves-gendarmes de Berlin ferme ainsi ses portes en 1991, après la sortie de sa 43e et dernière promotion.

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