TIC : en quête d’indices

  • Par la capitaine Gaëlle Pupin
  • Publié le 04 janvier 2019
© BRC F. Garcia

Si autrefois le témoignage et l’aveu suffisaient à emporter la conviction des magistrats et des jurés, la preuve scientifique est aujourd’hui un élément incontournable de l’enquête judiciaire. Tirant parti de cette évolution, la gendarmerie s’est dotée de Techniciens en identification criminelle (TIC), chargés de l’aspect criminalistique des investigations conduites par les enquêteurs. Le major Jean-Christophe Poupaert est l’un de ces passionnés, pour qui la recherche, le prélèvement et le conditionnement des traces et indices n’ont plus de secrets.

Sur l’écran, deux empreintes papillaires font l’objet d’une étude attentive. À gauche, celle relevée sur une scène d’infraction, à droite, celle de la victime. « Il s’agit de définir si les empreintes relevées appartiennent à la victime ou à une autre personne présente sur la scène de l’infraction : nous procédons par discrimination », explique le major Jean-Christophe Poupaert, chef de la Cellule d’identification criminelle et numérique (CICN) du Groupement de gendarmerie départementale de l’Oise (GGD 60).

Arrêts de ligne, bifurcations, îlots… Une comparaison effectuée à l’œil nu permet de déterminer des points caractéristiques communs entre les deux empreintes. « Un travail minutieux, mais nécessaire. C’est le point de départ pour définir la pertinence du relevé papillaire », ajoute le technicien, avant de se replonger dans l’étude des empreintes. Les similitudes sont nombreuses. Il en est déjà quasiment certain : l’empreinte appartient à la victime. Il poursuit toutefois son analyse. « On considère qu’une empreinte est bien celle d’une personne à partir de douze minuties. Cette méthode ne laisse place à aucun doute, puisque deux êtres humains ne peuvent avoir la même empreinte. Pas même des jumeaux. D’où l’importance des relevés sur une scène d’infraction », affirme-t-il, un sourire en coin.

Sur la trace des criminels

Son arrivée en police judiciaire est pourtant bien loin de son projet initial. « À l’origine, je voulais entrer en gendarmerie mobile pour intégrer l’équipe légère d’intervention. » C’est en école de sous-officier que son goût pour la police judiciaire commence à se dessiner. « J’aimais assez l’idée de rechercher des éléments, même le plus petit détail, pour confondre des auteurs d’infractions. »

À peine arrivé en unité territoriale, il se retrouve “aspiré” par la brigade de recherches. Au contact des “anciens”, son attrait pour les enquêtes n’en est que renforcé. « J’ai eu la chance d’avoir des collègues passionnés. Ils m’ont appris à aimer “gratter” les affaires, à aller chercher le petit indice supplémentaire qui va faire basculer le dossier. Même s’il faut pour cela se poser et attendre toute une nuit dans un véhicule que la cible bouge enfin. »

Parmi ces “mentors”, un technicien en identification criminelle va le “tuiler” pendant quelques mois. Une rencontre professionnelle qui va définitivement orienter la carrière du jeune gendarme d’alors. « Il m’a donné le goût de la trace digitale. Son savoir m’a permis de commencer ma spécialisation. » Quatre années plus tard, il effectue un stage de six semaines à Fontainebleau, lui permettant d’obtenir la qualification tant attendue de technicien en identification criminelle.

La technique au service de l’enquête

« Dans l’Oise, nous avons la chance de travailler en binôme. Sur la scène de crime, il n’y a pas de grade. Seulement deux techniciens en combinaison blanche. » Ils appréhendent la scène, définissent le matériel à préparer et mettent en place leurs protocoles. Du plus loin au plus près. Du général au particulier. Pendant que l’un répertorie les indices, l’autre les photographie. La mécanique est bien huilée. Les lieux sont avant tout fixés en photos ou en vidéos. La recherche des traces visibles commence : effraction, traces de semelles, digitales ou de sang, blessures… S’ensuivent les prélèvements de contact ou d’objets aux fins de recherches de traces qui seront effectuées au sein du plateau technique de la CICN ou en laboratoire. En cas d’utilisation d’arme à feu, ils effectuent la trajectographie en balistique, définissant l’entrée et la sortie, le site, l’inclinaison, etc.

Recherche et mise en évidence de traces latentes à l’aide d’un crimescope MSC400, sous différentes longueurs d’onde.

© BRC F. Garcia

La scène est passée au peigne fin. De la minutie et de l’organisation des techniciens peut dépendre la suite de l’enquête. « Le TIC est un acteur à part entière de l’enquête judiciaire. Cinquante pour cent de la réussite de cette dernière repose sur les constatations que nous effectuons. Des éléments apparaissent, mais nous n’avons pas toutes les données de l’enquête. Nous ne disposons que d’une lecture partielle des événements, rappelle le major Poupaert. Nous devons donc tenir des propos mesurés, car nos affirmations pourraient être prises pour argent comptant. Or, il ne s’agit que d’hypothèses de travail. » Le temps passé à analyser la scène d’infraction importe peu, certains lieux pouvant nécessiter de nombreuses heures. « Il est impératif de définir une stratégie pour éviter que certains éléments ne disparaissent avec le temps. »

L’appropriation nécessaire des nouvelles technologies

La science criminalistique est en perpétuelle évolution. Le major Poupaert est formel : « Impossible de rester sur ses acquis et de ne pas suivre les améliorations de la police technique et scientifique, au risque d’être totalement dépassé ! » Près de trente ans après ses débuts en gendarmerie, ce technicien de 52 ans jette un regard amusé sur les évolutions jalonnant sa carrière. « J’ai démarré à l’argentique… c’est dire ! Ce qui me maintient à niveau, c’est que j’ai toujours cette envie d’aller chercher l’élément de preuve qui va permettre de confondre l’auteur. C’est cette passion qui m’oblige à me mettre à la page. »

La publication de nouvelles méthodes, la réception d’un nouveau matériel, la découverte d’un nouveau logiciel… « Toutes les opportunités sont bonnes pour tester, essayer… parfois se planter aussi, et donc recommencer », conçoit-il en souriant.

Cette volonté de toujours apprendre de nouvelles techniques l’amène, notamment, à devenir, dès 2014, l’un des premiers télépilotes de drone en gendarmerie. « Son utilisation sur la scène d’une infraction permet, par exemple, de faire de la photogrammétrie. En programmant le plan de vol du drone, ce dernier va effectuer des photos à une fréquence de temps définie. Au final, l’ensemble de ces photographies va permettre de reconstituer la scène en 3D, ce qui est un plus pour la constitution du dossier. »

Les recyclages TIC, intervenant tous les six ans, sont également l’occasion de prendre connaissance des nouveautés et de se confronter à l’expertise des spécialistes de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). « Leurs connaissances pointues permettent de faire avancer des dossiers plus rapidement. La présence d’un balisticien de l’IRCGN pendant une autopsie sensible permet d’établir une balistique lésionnelle. En tant que TIC, il faut savoir rester à sa place de technicien généraliste, même si on a la connaissance et l’expérience. Tout au plus, on peut être conforté dans son hypothèse… »

Partager son savoir et son expérience

« Tout ce que j’ai appris ne m’appartient pas. Je me dois de le transmettre à mon tour, pour faire avancer les choses. Participer directement ou indirectement à la formation de nouveaux techniciens est un autre moyen de contrer les délinquants et les criminels. »

Après la formation d’homologues algériens à la direction de scène de crime, l’enseignement de la police technique et scientifique à des techniciens de proximité cambodgiens et la participation à un exercice commun avec ses homologues italiens, il ajoute une nouvelle corde à son arc en partant au Mali, en tant que WIT (Weapons Intelligence Team).

« Ces expériences ont été extrêmement enrichissantes et permettent de se remettre en question. De ce point de vue, les quatre mois passés au Mali ont été édifiants. En effet, œuvrer sur une zone donnée, dans des conditions sécuritaires et climatiques difficiles, et surtout dans un laps de temps extrêmement contraint, permet de sortir de sa zone de confort et d’éprouver sa propre technicité. » En tant que WIT, il acquiert en effet de nouvelles connaissances, notamment concernant les engins explosifs improvisés. « L’association des connaissances de chacun, au sein d’une équipe pluridisciplinaire, a permis de nombreux échanges très constructifs, et notamment la mise en place d’un protocole de prélèvement d’explosif directement sur les mains des terroristes présumés. En matière d’engins explosifs improvisés, le plus petit indice découvert et préservé peut permettre de comprendre la méthode, les moyens utilisés par les terroristes. L’analyse du terrain, l’étude des éléments et la recherche de traces sont autant de possibilités d’apporter des contre-mesures pour sauvegarder la capacité d’action de la force et mettre en cause un terroriste. »

Un savoir qu’il transmet maintenant aux futurs prévôts lors des stages de perfectionnement avant projection. « En cas d’absence de WIT, chaque prévôt formé pourra apporter une aide précieuse pour la préservation des indices et des prélèvements. L’objectif restant l’arrestation des auteurs. » Cette ligne de conduite, adoptée depuis ses débuts en gendarmerie, reste le fil conducteur de sa carrière.

 

Par la capitaine Gaëlle Pupin

Photos : BRC F. Garcia

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