Alexandre, gendarme et universitaire engagé pour lutter contre les pillages archéologiques

  • Par la capitaine Sophie Bernard
  • Publié le 05 novembre 2021

Avec sa double casquette de gendarme et de docteur en archéologie, Alexandre a su mettre à profit ses connaissances afin de mieux protéger notre patrimoine national. Après avoir formé ses camarades en Franche-Comté, il s'emploie à faire de même en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, avec la volonté de renforcer la lutte contre les détectoristes pilleurs de trésors.

 

Creuser, fouiller, chercher des traces pour comprendre la véritable histoire… Nous ne sommes pas loin du métier d’enquêteur et pourtant, quand il était encore étudiant en master, c’est la voie de l’archéologie qu’Alexandre souhaitait emprunter. « Au début des années 2000, je travaillais sur des chantiers d’archéologie et j’observais déjà une méconnaissance des brigades de gendarmerie face aux problèmes de pillages qui pouvaient survenir. Face à ce constat et à la pénurie d’emplois dans le milieu de l’archéologie, j’ai finalement décidé de passer le concours de sous-officier de gendarmerie en 2005 », raconte-t-il.

Transmettre ses connaissances

Dès sa sortie d’école, il choisit d’intégrer la garde républicaine, avec tout de même une idée bien précise en tête : poursuivre ses recherches en archéologie et permettre à la gendarmerie de s’ouvrir à cette technicité pour mieux lutter contre les pillages. « J’ai beaucoup regardé ce qui se faisait en Italie, avec les carabiniers qui sont spécialisés en la matière depuis les années 1970. En 2010, je me suis rapproché de M. Dominique Garcia (président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, NDLR), avec pour projet de former des référents en patrimoine archéologique au sein de la gendarmerie », explique Alexandre.

C’est finalement deux ans plus tard, alors qu’il est affecté en brigade en Franche-Comté, qu’il commence à sensibiliser ses camarades, notamment à la détection de métaux ou à la pêche à l’aimant, avec le soutien de sa lieutenante de la Communauté de brigades (COB) de Dole, du commandant de la compagnie de Dole et l’appui de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Il leur explique les infractions qui peuvent être relevées en la matière et leur propose des fiches réflexes afin de leur simplifier la tâche, la procédure touchant bien souvent à différentes législations (Code du travail, Code minier, Code de l’environnement, etc.). Les gendarmes obtiennent très vite de beaux résultats et sont encouragés par le parquet local.

Protéger notre patrimoine archéologique

« Aujourd’hui, en France, notre patrimoine reste conséquent et environ 120 000 personnes pratiquent la détection en se retranchant derrière l’idée de « loisir », mais cela n’est pas reconnu légalement ! Toute recherche doit être motivée scientifiquement avec une expérience ou un diplôme en archéologie, être soumise à une autorisation écrite du propriétaire des lieux et de la préfecture, sans oublier qu’en cas de découverte, celle-ci doit être déclarée », indique Alexandre.

Si le gendarme expert veut bien croire en la bonne foi de certains « détectoristes du dimanche », il sait aussi qu’une majorité ne cherche pas par simple curiosité, mais bien avec une volonté de profit. « Une pièce romaine peut valoir jusqu’à 80 euros, un lot de pièces en argent jusqu’à 500 euros, donc cela chiffre vite ! Le trafic d’objets archéologiques est aujourd’hui le troisième plus important après celui des stupéfiants et des armes », fait remarquer Alexandre.

© M. Xavier Delestre, CRA DRAC-SRA PACA

D’ailleurs, lui qui aimait « gratter », s’est vite aperçu que ces prospections illégales cachaient souvent d’autres nombreuses infractions. « Dans le cadre des perquisitions chez les détectoristes, il n’est pas rare de faire des saisies incidentes de stupéfiants ou d’armes non déclarées. Et d’après les statistiques effectuées pour ma thèse, environ 13 % de ces individus sont déjà connus au TAJ (Traitement des Antécédents Judiciaires, NDLR)»

Apprentis Indiana Jones ou pilleurs rodés ?

Certains s’avèrent donc être des malfaiteurs expérimentés qui vont se cacher derrière un « droit au loisir ». « Ils prétextent qu’ils travaillent à l’aveugle et qu'ils ne font pas exprès de sortir une pièce romaine. Sur un contrôle, quand on leur demande ce qu’ils ont comme objets sur eux, ils sortent souvent un sachet plein de déchets, en avançant l’idée qu’ils dépolluent, alors qu’ils ont des trésors dans les poches », s’agace Alexandre.

© D.R.

Fort heureusement, les gendarmes ont également plus d’un tour dans leur sac ! « En lien avec la DRAC, nous recherchons du renseignement en effectuant une veille des sites de revente, mais aussi des réseaux sociaux sur lesquels des événements rassemblant des détectoristes peuvent être annoncés. Après, lors des perquisitions chez les mis en cause, certains signes ne trompent pas, comme l’absence de facture liée à un objet ou des monnaies corrodées détenues illégalement. En général, les trafiquants n’ont pas les moyens de les nettoyer comme pourraient le faire des experts. »

Des perspectives dans la lutte contre les pillages

En 2016, après avoir formé une bonne partie des gendarmes du Jura, Alexandre est muté en PACA et propose rapidement à sa hiérarchie de faire de même. « Historiquement, la région PACA est le premier territoire archéologique, avant même l’Île-de-France. Elleenregistre 36 000 sites référencés. Les pillages qui y sont pratiqués représentent en moyenne 2 millions d’euros de préjudice chaque année. Il existe également de vrais trésors en contexte subaquatique, avec un bon nombre d’épaves coulées en Méditerranée et dans le Rhône », fait-il remarquer.

Alexandre s’emploie donc à former au moins deux référents par compagnie et par groupement, mais aussi dans les brigades nautiques et maritimes, avec l’appui de différents partenaires (magistrats, conservateurs, etc.).

Si, grâce à lui, la gendarmerie est pionnière dans cette lutte, il ne compte pas s’arrêter là. « Pratiquement chaque semaine, des gendarmes d’unités partout en France m’appellent pour me demander conseil. Je leur indique qu’ils peuvent se faire aider par le réseau des référents archéologie, mais aussi par ceux de l’OCBC (Office Central de Lutte contre le trafic des Biens Culturels, NDLR). Par ailleurs, j’ai été contacté par la direction générale pour que cette formation soit étendue au niveau national », apprécie-t-il.

Parallèlement à son action en tant que gendarme, Alexandre poursuit également ses recherches universitaires et avance plusieurs pistes de réflexion : catégoriser les détecteurs de métaux comme les armes, à l’image des États-Unis, prévoir des terrains aménagés pour des « chasses aux trésors » ludiques et sportives, ou encore concevoir un outil statistique pour analyser les données collectées à travers les infractions relevées. Il participe également à l'organisation d’une exposition internationale sur les pillages et les trafics des biens archéologiques et d'un colloque l'année prochaine à Marseille ; il réunira tous les acteurs engagés en la matière et permettra de mieux faire connaître la problématique au public. Un homme qui reste donc résolument tourné vers l'avenir pour mieux protéger le passé !

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