Lieutenant Pascal : « je ne me considère pas comme un héros »

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 08 juillet 2021
Photo d'illustration.
© GND F. Garcia

Affecté au PSIG de Saint-Nazaire, le lieutenant Pascal a été grièvement blessé lors d’une interpellation domiciliaire. Alors qu’il participait à l’effraction de la porte, le suspect tire sur les forces de l’ordre au fusil à pompe. L'officier reçoit alors plus de 50 impacts dans le bras. Cinq mois plus tard, il raconte.

« Dans la soirée du dimanche 14 février 2021, en tant que Moniteur d’intervention professionnelle (MIP) et chef opérationnel, je reçois pour mission d’effectuer l’interpellation domiciliaire d’un individu. Notre objectif serait l’auteur d’une agression à l’arme blanche, lors d’une rixe, durant le week-end. L’intervention est prévue le lendemain, au petit matin. Je prépare l’opération, comme toujours, de manière minutieuse, en gardant en tête de ne faire courir de risque à personne, surtout pas à mes personnels ; quand bien même nous avons l’habitude de ce genre de situation.

Après un premier briefing avec l’équipe interpellation de l’unité, nous nous rendons à la brigade locale, pour un second point de situation, cette fois-ci avec les enquêteurs.

Alors que le jour n’est pas encore levé, nous nous rendons sur le lieu d’emploi. L’endroit est rural et le petit lotissement vers lequel nous nous dirigeons est assez isolé. Les éléments d’intervention et de bouclage se mettent en position. Je regarde ma montre… L’heure légale est passée… Au « top inter », nous testons la porte, qui est verrouillée, et crions « Gendarmerie ». Les premiers coups de bélier s’abattent sur la porte et nous nous relayons en annonçant de nouveau « Gendarmerie » à de nombreuses reprises. Je prends le troisième relais avec un autre élément. Au moment où je m’apprête à enfoncer une nouvelle fois la masse d’acier dans l’ouvrant, j’entends une déflagration provenant de l’intérieur de la maison. Je vois instantanément de la fumée s’échapper de l’encadrement et j’ai les oreilles qui sifflent.

« À cette distance, le calibre 12 est mortel. »

En une fraction de seconde, mon bras est projeté en arrière. J’annonce immédiatement qu’on se fait tirer dessus et qu’il faut décrocher. Je m’écarte d’une dizaine de mètres pour me mettre à l’abri et par réflexe, je me couche par terre, en pensant que j’ai le bras arraché par l’impact.

Un secouriste de l’unité examine rapidement mes blessures et me confirme que la pause d’un garrot n’est pas nécessaire. Mon bras est là, mais j’ai reçu une cinquantaine d’impacts de plomb. Très vite, je réalise ce qu’il vient de se passer… J’ai pris la foudre ! Un autre militaire de l’unité est malheureusement blessé, il est sérieusement touché à la main et à l’avant-bras droit.

Avec mes camarades, nous venons d’être victimes d’une tentative de meurtre aggravée. L’individu à l’intérieur de l’habitation nous a tiré dessus, à travers la porte, avec ce qui semble être un fusil de chasse. À cette distance, le calibre 12 est mortel. Mais ce matin-là, nous avons eu vraiment beaucoup de chance.

En protection derrière un véhicule, je m’assure que le bouclage est bien en place et que tout le monde est en sécurité. Je rends compte au commandant de compagnie et lui demande l’engagement de l’antenne GIGN de Nantes. Notre intervention est passée d’une interpellation domiciliaire à un individu ayant fait usage d’une arme à feu sur les forces de l’ordre. Un second MIP de l’unité prend le relais et tente de dialoguer avec l’individu. Quant à moi, je me rends en zone de recueil, avec mon camarade blessé et le secouriste de l’unité, pour être pris en compte par les pompiers.

« Si ce genre d’incident peut amener à la professionnalisation des PSIG, c’est-à-dire faire évoluer nos unités et bénéficier d’un meilleur équipement, ce serait vraiment bénéfique. »

Finalement, le suspect s’est rendu grâce au dialogue entamé et au professionnalisme des militaires présents. Deux autres sous-officiers se sont aperçus, après coup, avoir reçu des impacts par ricochet, dans la visière de leur casque, sur le tibia et même dans le cou ! De mon côté, j’ai été transporté aux urgences de l’hôpital de Saint-Nazaire et j’ai bien sûr été arrêté après cet usage des armes.

Au cours de ma carrière, j’ai déjà été blessé en service, mais jamais par arme à feu. Nous connaissons les risques, mais quand ça arrive, c’est autre chose et ça vous change… Malgré tout, je ne me considère pas comme un héros. Dans mon cœur, le vrai héros, c’est le lieutenant-colonel Cyrille Morel, commandant en second de la compagnie d’Ambert, tué à Saint-Just le 22 décembre 2020. Nous faisions partie de la 383promotion de l’École de sous-officier de gendarmerie (ESOG) de Chaumont. Nous nous sommes ensuite retrouvés à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), lors de notre formation d’Officier de gendarmerie du rang (OGR), en 2017. C’est un honneur pour moi de participer au défilé du 14 juillet 2021, avec le bloc des héros du quotidien, et je tâcherai de lui rendre hommage.

Nous avons reçu une multitude de messages de soutien, qui venaient de partout, parce que la gendarmerie est une grande famille. Je tiens une nouvelle fois à remercier mes camarades engagés sur cet « accrochage ». Chacun a tenu sa place et a joué un rôle important dans le dispositif.

Pour conclure, sice genre d’incident peut amener à la professionnalisation des PSIG, c’est-à-dire faire évoluer nos unités et bénéficier d’un meilleur équipement, ce serait vraiment bénéfique. »

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