Milka, plongeuse à la FOR

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 13 mars 2020
© Sirpa Gend - MAJ. F. Balsamo

Rencontre avec l’une des rares femmes de la FOR du GIGN, et seule plongeuse opérationnelle toutes armes confondues.

Les clichés ayant la vie dure, on peut parfois se faire de fausses idées au moment de rencontrer une gendarme du GIGN. Imaginer une personnalité stricte, un visage un peu sévère, des mots rares… La jeune femme joviale qui nous accueille au Groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Versailles-Satory est à mille lieues de ce portrait-robot. Sourire malicieux, regard pétillant, rire communicatif. Elle répond au pseudonyme de Milka et fait partie de la Force observation recherche (FOR).

Enquêtes en immersion et recherche de preuves en plongée

Dès sa première affectation en gendarmerie, en Aquitaine, elle prend goût aux missions en immersion. « Il nous arrivait de changer d’apparence pour nous mêler à la foule, lors de festivals par exemple, pour enquêter sur d’éventuels trafics parallèles. J’ai beaucoup aimé cet aspect du métier de gendarme. »

Elle rejoint ensuite une brigade nautique de la région, où elle est amenée à effectuer de nombreuses plongées opérationnelles, en eaux intérieures et en mer, « pour la recherche de tout élément, qu’il s’agisse de cadavres ou de véhicules volés. Des plongées longues, souvent en eaux troubles, avec des courants forts. Il faut être méticuleux pour faire tous les relevés avant de sortir le corps ou la voiture de l’eau, car il y a un risque d’oxydation à l’air libre avec le changement de température, et donc potentiellement une perte de preuve. À l’époque, je manquais un peu de confiance en moi. Ces plongées exigeantes physiquement et difficiles techniquement m’ont permis de croire davantage en mes possibilités. Ça forge le caractère et le mental. »

Son goût pour l’immersion terrain et son expérience forte de 400 plongées commencent à dessiner un profil de poste idéal. « La seule réponse, c’était Sato, c’était le Groupe ! » Sato ? Versailles-Satory dans les Yvelines. Le « Groupe » ? Le GIGN, qui y est basé.

Milka décide de s’entraîner pour atteindre cet objectif et se tenir prête quand l’opportunité se présentera. En 2015, elle réussit les tests de sélection pour le pré-stage. « Une fierté et une grande satisfaction personnelle. »

Adaptation, sang-froid, prise d’initiatives

Elle obtient son brevet et intègre la FOR, la composante d’acquisition du renseignement d’ordre judiciaire ou administratif du GIGN. « Dès qu’une unité territoriale se confronte à des limites en termes de matériel ou de moyens sur des missions dangereuses, dans des affaires de grand banditisme ou de terrorisme notamment, elle fait appel à nous », explique Milka.

Elle est positionnée pour suivre le stage de plongée en circuit respiratoire fermé1, à l’école de plongée de la Marine nationale, à Saint-Mandrier. Elle y apprend la maîtrise de cet appareil, qui ne génère pas de bulles repérables en surface, et acquiert les compétences techniques et tactiques des navigations subaquatiques en discrétion. Fin 2017, elle devient la première femme, toutes armes confondues, à réussir ce module.

Quand Milka parle de plongée, et bien qu’il ne soit pas question ici d’un loisir pratiqué en "shorty" dans des eaux turquoise, son visage s’anime. « C’est une vraie passion, reconnaît-elle. Ce serait impossible de faire ce métier autrement. Quand il faut passer plus de quatre heures dans l’eau froide… »

Elle aime aussi la recherche de renseignement et l’adrénaline que cela procure. « C’est un challenge permanent. On nous donne un objectif à atteindre qui semble parfois presque impossible, dans des milieux sensibles. Il faut en permanence s’adapter aux terrains, aux populations, sentir le moment le plus propice, la bonne approche, pour aller chercher un élément de preuve. Quand on doit lire l’en-tête d’une enveloppe dans la main d’une cible, il faut être vraiment très près, sans se faire repérer, parce qu’on peut être amené à la recroiser plus tard. »

S’adapter en fonction des missions et faire preuve de sang-froid en toutes circonstances. Telles sont les exigences pour un membre de la FOR. « On se sent parfois comme une chèvre dans un repaire de loups ! Bien sûr, il y a du monde autour de nous, prêt à intervenir à tout moment, mais il faut garder une grande maîtrise de soi si jamais on se retrouve face à quelqu’un qui a des doutes. Il faut être capable de réagir vite, de prendre des initiatives, car on ne peut pas se permettre de perdre un temps précieux en demandant la conduite à tenir. »

Un conseil ? « Osez ! »

Milka le reconnaît volontiers : ce choix professionnel laisse peu de place à une vie de famille. « Ce n’est pas forcément incompatible, mais cela reste difficile de lier les deux, surtout pour une femme. » C’est un engagement fort, qui implique de nombreuses absences, parfois de longue durée. « Un homme pourra plus facilement rencontrer quelqu’un qui accepte de rester à la maison pour s’occuper des enfants. Le schéma inverse est plus rare. C’est parfois source de questionnement, mais je n’ai aucun regret, ce n’est pas dans mon tempérament. »

Elle est aujourd’hui l’une des trois gendarmes opérationnelles au sein de la FOR et elle aimerait bien que d’autres les rejoignent. « C’est difficile de recruter des filles et on en a besoin ! La sélection est dure, mais avec de la détermination et un entraînement cohérent, on peut tout à fait y arriver. Après, tout est affaire de résilience et de résistance à l'effort afin d'éviter la blessure. Il faut rester concentré sur les raisons qui vous ont poussé à vous présenter et oublier tout le reste. Il ne faut pas toujours écouter sa petite voix intérieure, car c’est souvent la peur qui s’exprime. J’aime beaucoup cette phrase : “Si tu doutes de tes pouvoirs, tu donnes des pouvoirs à tes doutes”. »

Milka avoue pourtant avoir parfois douté pendant le pré-stage, « mais je n’ai rien lâché. Si j’ai un seul conseil à donner, ce serait celui-ci : Osez ! C’est une expérience hors norme. Même si vous échouez, vous aurez beaucoup plus appris sur vous que si vous n'étiez jamais venu. Je me suis souvent dit que si je ne passais pas ces tests, je le regretterais toute ma vie. »

Force observation recherche
© Sirpa Gend - MAJ. F. Balsamo

1 Le gaz expiré par le plongeur est récupéré en totalité et passe à travers un filtre de chaux sodée qui absorbe le gaz carbonique.

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