Mona : « Être une femme endort la méfiance de nos cibles »

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 11 mars 2022
© Cellule communication GIGN

Mona est l’une des rares opérationnelles en activité à la Force observation recherche (FOR) du GIGN. Dans son métier, son genre constitue un véritable atout. Rencontre.  

Peu importe d’où vous la regardez, vous aurez toujours l’impression que la Joconde vous scrute. Un point commun que Mona Lisa partage avec Mona tout court. Sauf que, quand cette militaire vous observe, vous n’en saurez jamais rien. Car Mona est gendarme. Et surtout, elle travaille depuis cinq an à la Force observation recherche (FOR) du GIGN. Sa spécialité ? Traquer, depuis l’ombre, les criminels. « J’adore mon job commente la jeune femme. Je fais un métier aussi passionnant qu’enrichissant, qui m’emmène dans les quatre coins de la France et même, du monde. »  

Militaire, le rêve d’une vie

Mais avant d’en arriver là, Mona est passée par la case « armée ». « J’ai toujours voulu devenir militaire, et ce, depuis mes quatre ans », affirme-t-elle. Après l’obtention de son BAC, elle enfile donc le treillis, en tant que sous-officière. Et alors que son rêve se réalise, un autre, déjà, se profile à l’horizon. Elle souhaite absolument intégrer les forces spéciales.

Malheureusement, sa volonté est contrecarrée par une mentalité encore trop masculine à cette époque. Et à l’occasion d’une mission en Guadeloupe, elle fait la connaissance de gendarmes mobiles. Ils l’informent que des femmes occupent des postes opératifs au GIGN. Pas besoin d’en dire plus, l’idée la séduit instantanément. « Immédiatement après être rentrée de mission, je candidatais pour rentrer en gendarmerie. »

Combative et méticuleuse

Toutefois, avant de pouvoir intégrer le groupe, la jeune femme doit d’abord faire ses preuves, tout en bas de l’échelle. Elle se retrouve donc dans une petite brigade de Dordogne. « J’appréhendais cette affectation, mais en réalité, je m’y suis régalée », s’exclame-t-elle.

Puis vient ce moment tant attendu des tests, qu’elle réussie sans difficulté. Mais une blessure interrompt sa participation au pré-stage. Après trois mois sans sport, elle décide de repasser les tests, alors qu’elle les avait déjà réussis. « Je voulais avoir une légitimité dans le groupe », se justifie-t-elle. Un pari réussi puisqu’elle intégrera finalement la FOR au début de l’année 2017, en compagnie de Milka. « Nous étions très proche et nous nous serrions les coudes. »

En même temps, comment pouvait-il en être autrement ? Ses pratiques sportives sont le reflet d’un état d’esprit ultra-combatif ; passionnée de sport en général et d’arts martiaux en particulier, elle a successivement fréquenté les tatamis, enfilé les gants en boxe anglaise et monté sur le ring pour la « thaï ». Et en plus d’être pugnace, Mona est aussi méticuleuse : « Je ne laisse rien au hasard », confie-t-elle.

Sa préparation aux tests témoigne d’une acribie presque démesurée. « Je nageai à contre-courant dans la Dordogne et faisais une heure de route pour monter à la corde, car je ne disposais pas d’infrastructure à côté de chez moi. » Afin de préparer l’épreuve du saut dans le vide, la gendarme a même été jusqu’à réaliser un saut à l’élastique !    

« On ne s’imagine pas qu’une femme puisse être flic. »

Avec ses qualités physiques et une mentalité de fer, difficile d’imaginer autrement Mona qu’en une espèce de Ronda Rousey (pratiquante d'arts martiaux mixtes et catcheuse américaine, NDLR). Il n’en est pourtant rien. Athlétique sans être imposante, sûre d’elle mais pas arrogante, la militaire est aux antipodes des clichés que l’on peut imaginer sur une gendarme du GIGN.

Dans son milieu, c’est une force. Lorsqu’elle prend en filature des « target », comme elle dit, personne ne vient la « tamponner ». Cette expression est utilisée par les gendarmes pour désigner le fait qu’un individu vienne demander au militaire, alors sous couverture, la raison de sa présence dans tel ou tel lieu. En clair, qu’elle se trouve dans une citée ou un hall d’immeuble, Mona est invisible. Et la première raison à cet étrange phénomène réside dans son genre.

« Être une femme endort la méfiance des targets et des individus qui gravitent autour d’eux », explique la jeune femme, exemple à l’appui : « Quand vous voyez deux hommes dans une voiture, vous vous dîtes que ce sont forcément des policiers ou des trafiquants. Si c’est un homme et une femme, la plupart se convainc qu’il s’agit juste d’un couple. »
Si les cibles de la FOR sont moins méfiantes envers les femmes, cela ne les empêche pas de les reluquer, comme d’autres femmes dans la rue. « Plusieurs fois, j’ai cru être démasquée, mais en fait, le mec était seulement en train de me mater. » Ainsi Mona, comme ses collègues féminins, sont régulièrement employés pour faire diversion. Sur une opération en particulier, alors que le GIGN devait effectuer un acte technique sur la voiture d’un suspect, une de ses collègues a flirté avec la cible. Cette distraction a permis à ses coéquipiers de remplir la mission sans se faire détecter.

Le comportement non-policier

(Presque) tous les artefacts sont donc utilisés pour remplir les objectifs fixés. Dans ce métier, ou du moins sur le terrain, le paraître supplante l’être. Il est primordial de se fondre dans la masse, sans dévoiler sa véritable nature. C’est ce que les gendarmes appellent le « désilhouettage ». Sur ce point, les femmes disposent là encore d’un avantage sur leurs collègues masculins ; « Nous sommes plus à même de changer d’apparence, soutient Mona. On dispose de nombreux moyens pour se métamorphoser en quelques secondes. » Faux ventre de femme enceinte, perruques, maquillage, la liste des accessoires utilisée est longue.

« Les gendarmes sont conditionnés à avoir un comportement trop militaire, c’est-à-dire, à être toujours sur ses gardes. »

Mais il ne suffit pas de se déguiser pour passer inaperçu, ou pas d’ailleurs, en fonction des circonstances. L’attitude joue aussi beaucoup. « Les gendarmes sont conditionnés à avoir un comportement trop militaire, c’est-à-dire, à être toujours sur ses gardes. » Dès leur affectation, tous les membres de la FOR passent donc pas un formatage de leur disque dur interne. Cette opération est menée par la cellule « comportement non-policier », une unité dont Mona a depuis peu la responsabilité. « Il s’agit ni plus ni moins que de cours de théâtre, durant lesquels nous travaillons l’improvisation. » Mené par un intermittent du spectacle, lui-même ancien militaire, les enseignements prodigués offrent  aux gendarmes des outils pour qu’ils s’adaptent à n’importe quel milieu et développent leur répartie. Mais pour ça, il faut déjà avoir quelques prérequis, notamment « être à l’aise et avoir confiance en soi, énumère la gendarme, avant de conclure : il faut déjà être un bon menteur au départ. À la FOR, c’est tous des joueurs de pipeau. ! »

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