Une passion, un métier : rencontre avec le major Yvan, chef de la CELTIF de la Drôme

  • Par la lieutenante Floriane Hours
  • Publié le 24 février 2021
© GAV M-A. Saillet

Le major Yvan commande la Cellule de lutte contre le travail illégal et les fraudes (CELTIF) de la Drôme, où il traque sans relâche les cas de travail illégal ou dissimulé.

Sous ses airs sympathiques, se cache un enquêteur redoutable. À 49 ans, le major Yvan est à la tête de la Cellule de lutte contre le travail illégal et les fraudes (CELTIF) de la Drôme, une unité spécialisée qui traite de la délinquance liée au travail illégal, au niveau départemental, dans les zones gendarmerie. Une carrière à laquelle le gendarme n’était pourtant pas prédestiné.

Une vocation sur le tard

Alors qu’il se trouve en Allemagne pour son service militaire au sein du contingent de l’armée de Terre, il rencontre des gendarmes qui lui font découvrir la prévôtale. Entre l’armée de Terre et la gendarmerie, le jeune homme fait rapidement son choix. Après un passage à l’école de Châtellerault (aujourd’hui fermée), il intègre l’escadron de gendarmerie mobile 11/5 de Bron et enchaîne les déplacements : Nouvelle-Calédonie, Réunion, Guyane, Paris,...). En 2004, il rejoint la brigade territoriale de Valence, qui fermera ses portes un an plus tard. Détaché ensuite à la brigade de recherches, il effectuera une mission prévôtale de six mois au Liban, avant de rejoindre, en 2009, l’unité qui deviendra la CELTIF de la Drôme. Un choix de carrière pourtant bien loin de ses aspirations de départ. « Quand je suis entré en gendarmerie, c’était pour voyager et voir l’envers du décor de la société française. C’était ça qui me motivait au départ, la curiosité. Je n’étais pas forcément intéressé pour dresser des procès-verbaux de police route, mais petit à petit j’ai appris mon métier de brigadier avec bonheur et je me suis rendu compte que cela ne se limitait pas à courir après les délinquants et faire de la police route. Il y avait également des aspects méconnus mais très intéressants, comme ceux relatifs au travail illégal, aux abus de biens sociaux, aux escroqueries, tout ce qui relève de la délinquance en col blanc. J’ai trouvé ce type d’infractions, peu courues, particulièrement intéressantes. C’est une délinquance silencieuse, insidieuse, sophistiquée, commise généralement par des gens intelligents et organisés. » Une passion et des compétences qui l’amènent à être sélectionné pour participer à une enquête financière de plusieurs mois à Saint-Martin et pour être désigné à deux reprises secrétaire du CODAF (Comité Opérationnel Départemental Anti-Fraude) de la Drôme, fonction qu’il exerce durant 4 ans.

Des compétences très techniques

Dans les missions qui sont les siennes, le major traque sans relâche les cas de travail illégal ou dissimulé. Au cœur de sa motivation, la lutte contre l’injustice :  « J’ai toujours trouvé cela injuste de travailler de manière illégale et de ne pas verser ses cotisations. Je trouvais qu’il y avait un enjeu de justice sociale très intéressant, auquel je pouvais apporter ma contribution. »

En France, il existe seulement une cinquantaine de CELTIF, réparties sur l'ensemble du territoire. Rattachées à un groupement, elles sont ainsi implantées dans les départements où l'activité délinquante le nécessite. Dans la Drôme, où l'activité industrielle et agricole conséquente génère un flux important de travailleurs et de marchandises, l’action d’une CELTIF s'avère donc essentielle. « Nous intervenons en appui des unités territoriales et des unités de recherches. La pertinence d’une CELTIF est de pouvoir prendre en compte des contentieux très techniques. C’est un outil particulièrement adapté à la répression des infractions économiques et financières, qui sont assez complexes et qui nécessitent la plupart du temps des investigations à la fois comptables, bancaires, financières et l’utilisation d’outils de police judiciaire classiques, comme les auditions, l'observation surveillance, les perquisitions, etc. »

Une spécialité unique

Les différentes missions confiées à la CELTIF font souvent écho à celles d’un office national plus connu : l’OCLTI (Office Central de Lutte contre le Travail Illégal). Si les infractions qu’elles traquent sont semblables, ces deux unités ont des domaines d’action pourtant bien différents, comme l’explique le major Yvan : « La principale différence est que l’OCLTI possède une dimension nationale et internationale, et va ainsi s'attacher à traiter des dossiers plus importants et d’une complexité supérieure. La CELTIF agit quant à elle au niveau départemental. Elle n'est pas placée sous le commandement de l’OCLTI, qui lui apporte plutôt une sorte de tutelle thématique. C'est le commandant de groupement, auquel elle est directement rattachée, qui ajuste son périmètre d'action selon les besoins locaux. » 

La CELTIF drômoise, qui compte trois personnels, est ainsi directement rattachée à la BDRIJ (Brigade Départementale de Renseignements et d’investigations judiciaires), sous le commandement direct de l’officier adjoint à la police judiciaire du groupement.

La coopération au cœur du travail d’une CELTIF

Les infractions sur lesquelles travaille une CELTIF concernent également d’autres services de l'État tels que l’URSSAF, la CPAM, la MSA ou encore l’administration fiscale. Sur ce type d’enquêtes transverses, la coopération inter-services est un maître-mot. La CELTIF apporte plusieurs plus-value : sa compétence pénale, des outils de police judiciaire qui facilitent et accélèrent le travail de tous et, enfin, une grande disponibilité liée à son statut militaire. Une collaboration particulièrement importante que souligne le major : « La coopération au quotidien avec d’autres services, que ce soit avec l’inspection du travail ou les URSSAF, est très intéressante et nous permet d’élargir notre prisme gendarmique. C’est un véritable plus. »

Le CODAF, pilier de l'action inter-services

Si cette coopération est aujourd’hui possible, c’est avant tout grâce à l’action du CODAF, chargé de rassembler, au niveau d’un département, l’ensemble des services de l'État spécialisés dans la lutte contre les fraudes ainsi que l’ensemble des organismes sociaux. « Avant la mise en place des CODAF en 2010, chaque service travaillait de son côté et ne partageait pas forcément ses informations. Pourtant, dans une enquête judiciaire, on sait très bien que si une unité de recherches travaille sur un cambriolage, l’auteur de ce cambriolage peut aussi percevoir des aides ou être impliqué dans des affaires en lien avec les fraudes, comme le blanchiment du produit de ses vols à travers des montages financiers ou immobiliers. Aujourd’hui, l’information détenue par un service d’enquête est partagée avec l’ensemble des services anti-fraudes et vice-versa. L’idée est de décloisonner l’action des différents acteurs pour travailler ensemble. Cette circularisation du renseignement est la clé du succès de nos enquêtes. »

Dans la Drôme, cette coopération a encore de beaux jours devant elle et ses acteurs du pain sur la planche. En effet, avec les différents confinements et la crise économique accompagnant la crise sanitaire, le travail illégal revient en force. En janvier dernier, une opération d’envergure organisée dans la région Rhône-Alpes a ainsi permis de relever plus de 77 infractions liées au travail illégal.

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