Héros de la gendarmerie : le sauvetage miraculeux du PGHM de Chamonix

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 17 février 2022
© Ministère de l'Intérieur/F.BALSAMO

En septembre 2020, une équipe de secouristes du Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix a réussi l’une des interventions les plus périlleuses de son existence. Ce jour-là, deux alpinistes se trouvent dans un état grave après une chute de 150 mètres le long d’une arête. Pour l’une des deux victimes, le pronostic vital est très engagé. Mais la météo empêche toute extraction héliportée. Récit d’une journée à l’issue miraculeuse, où tout aurait pu basculer.  

1 500 : c’est en moyenne le nombre d’interventions effectuées chaque année par le Peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Chamonix, soit un peu plus de quatre par jour ! Et cette journée du 16 septembre 2020 ne déroge pas à la règle. Cet après-midi-là, les gendarmes sont sollicités pour effectuer un secours en montagne. Malgré une fin de saison estivale qui glisse doucement vers l’automne, le temps est jugé « très défavorable » par Météo-France.

Une chute de 150 mètres

D’alerte ce jour-là, l’adjudant (ADJ) Matthieu B., maréchal des logis-chef (MDC) à l’époque des faits, se souvient : « Ce type d’intervention est habituel, mais les circonstances, elles, ne l’étaient pas. La météo avait rendu l’opération extrêmement compliquée à mener. De plus, nous n’avions aucun visuel sur les lieux de l’accident. » Aucune chance donc pour que l’hélicoptère puisse les poser directement au-dessus du lieu de la chute.

© SIRPA - GND F. GARCIA

Seule certitude, « il fallait faire vite », se remémore-t-il. Car selon les renseignements récupérés par le secouriste, la situation des personnes accidentées est critique. Une cordée de deux alpinistes, une femme et un homme, aurait chuté « d’environ 150 mètres », le long de l’arête qui traverse le sommet des Perrons. Ce mont, situé dans le massif des Aiguilles Rouges, culmine à 2 673 m d’altitude. D’après les informations à disposition du sous-officier, les deux victimes sont plutôt mal en point. Si l’homme est conscient et légèrement blessé, la femme, elle, présente une importante plaie à la tête.    

La longue ascension

Immédiatement, les adjudants Matthieu et Julien M. (lui aussi MDC à l’époque des faits), accompagnés d’un médecin des hôpitaux du Mont-Blanc, décollent à bord d’un EC145 de la sécurité civile, indicatif Dragon 74. Mais une fois sur zone, impossible de déposer les secouristes ; la météo est trop instable et l’arête des Perrons prise sous une épaisse couche nuageuse. Ils sont donc amenés en contrebas d’un pierrier, lui-même localisé à un niveau inférieur et situé à plusieurs encablures du lieu de l’accident. Sur place, des témoins présents sur l’arête confirment aux gendarmes la position des deux alpinistes accidentés.

Une longue ascension se profile alors pour les militaires. Ils ne prendront avec eux que le strict nécessaire, soit le matériel pour la progression et l’assurage, ainsi que des équipements dédiés à la médicalisation d’urgence. « Il fallait être le plus léger possible, tout en ayant les moyens de pallier une détresse vitale, explique l’adjudant Matthieu. Dans ce cas de figure, on ne peut pas se permettre d’avoir un sac de 40 kilos. »

© SIRPA - GND F. GARCIA

L’équipe se divise alors en deux. L’adjudant Julien et le médecin partent rejoindre les deux victimes en technique alpine. Quant à l’adjudant Matthieu, commandant de l’opération de sauvetage, communément appelé « chef de caravane » dans le langage des militaires, il sollicite des renforts humains et matériels, avant de rallier les lieux de l’accident.

L’aide demandée par le sous-officier arrive rapidement. Elle est constituée d’une équipe de secouristes supplémentaire, composée de l’adjudant-chef Yann G. et du chef Thomas D., aujourd’hui promus respectivement major et adjudant. Ils apportent avec eux tout le matériel nécessaire, à savoir un perforateur, des cordes et le célèbre brancard Franco-Garda, une civière hélitreuillable.

« Je la voyais pour morte »

Mais malgré ces renforts, l’adjudant Matthieu est loin d’être rassuré. La situation de la femme est critique. Son pronostic vital est engagé. « Son état de santé était très inquiétant. Elle souffrait d’un important traumatisme crânien. Dans ce cas de figure, le temps est vraiment compté. » Il faut donc l’évacuer le plus rapidement possible, mais l’épaisse couche nuageuse empêche toute exfiltration par hélicoptère.

Il faut alors procéder « par le bas », comme disent les militaires, c’est-à-dire dans une zone située en contrebas, hors du brouillard, et donc plus propice à un hélitreuillage. Et pour cela, les secouristes devront descendre un étroit couloir de pierres, jusqu’à percer la brume.

© PGHM Chamonix - ADJ MATTHIEU.B

Rodés aux situations extrêmes, les gendarmes se répartissent les rôles. Tandis que l’adjudant Julien part en précurseur pour bâtir des relais solides, l’adjudant Thomas D. prend en compte le brancard Franco-Garda, une fois la victime conditionnée à l’intérieur. Rien que cette manœuvre prendra près de deux heures aux secouristes. L’adjudant-chef Yann G. et l’adjudant Matthieu se positionnent quant à eux aux différents relais, afin de réaliser les manœuvres de cordes.

Au même moment, une troisième équipe, composée d’un autre adjudant, Mathieu R., et du MDC Niklaas G., est sollicitée pour se positionner au niveau du pierrier, afin d’anticiper un brancardage. Quant au Dragon et son équipage, ils se stationnent au niveau du refuge de la Loriaz, un ancien alpage situé au cœur du massif des Aiguilles Rouges. Cet endroit leur permet de disposer d’un panorama exceptionnel, idéal pour guetter la moindre éclaircie, condition sine qua non pour une extraction héliportée.

© SIRPA - GND F. GARCIA

Éclaircie qui finira par arriver. Le Dragon et les secouristes saisissent cette accalmie pour évacuer la femme vers le centre hospitalier d’Annecy. Au même instant, l’EC145 du détachement aérien de gendarmerie de Chamonix, baptisé Choucas 74, décolle en direction de la zone de l’accident, afin d’extraire la seconde victime. L’homme souffre d’entorses aux deux chevilles et d’un doigt luxé. L’hélicoptère et son équipage en profitent pour évacuer l’ensemble des militaires et des matériels présents sur place.

Au total, cette intervention aura duré près de quatre heures, de l’alerte jusqu’à l’arrivée de la femme à l’hôpital. En temps normal, c’est-à-dire lorsque les conditions météorologiques sont favorables, une opération comme celle-ci ne dépasse pas « les 30 minutes », affirme, catégorique, l’adjudant Matthieu.

La médaille d'honneur pour acte de courage et de dévouement

Finalement, l’opiniâtreté des gendarmes a fini par payer. Grâce à leur promptitude, les deux alpinistes sont sortis vivants de cette histoire, qui aurait pu virer à la catastrophe, surtout pour la femme. Lieutenant au 93e RAM (Régiment d'Artillerie de Montagne), elle a été admise en service de réanimation à l’hôpital d’Annecy. Plongée pendant plusieurs jours en coma artificiel, elle s’est finalement réveillée avec des séquelles neurologiques, lesquelles ont disparu après quelques mois de rééducation.

Pour avoir mené cette intervention avec brio, l’adjudant Matthieu B. s’est vu remettre la médaille d'honneur pour acte de courage et de dévouement, échelon argent. Cette distinction récompense tout individu qui, au péril de sa vie, se porte au secours d’une ou plusieurs personnes en danger de mort.

Elle peut également être attribuée collectivement aux unités d’intervention et de secours, comme ce fut le cas pour les militaires du Groupement de gendarmerie départementale de l'Aude (GGD 11), à la suite des attentats de Carcassonne et de Trèbes, le 23 mars 2018, qui avaient fait cinq morts, dont le colonel Arnaud Beltrame.

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