Engagement des gendarmes mobiles dans le Nord et le Pas-de-Calais

  • Par Angélina Gagneraud
  • Publié le 12 mai 2016
Missions des gendarmes mobiles : faire face à un afflux d'étrangers en situation irrégulière qui tentent par tous les moyens de passer en Angleterre, lutter contre le terrorisme, du fait des récents attentats et de sa proximité avec la frontière belge.
© Mi Dicom – ADC F. PELLIER

En février 2016, 9 EGM sont engagés 24h/24 dans le Nord et le Pas-de-Calais sur plusieurs sites sensibles de la zone comme le tunnel sous la Manche ou les péages frontaliers.

Depuis plusieurs mois, c’est dans le Nord et le Pas-de-Calais que se concentre le plus grand nombre d'Escadrons de gendarmerie mobile (EGM). Neuf unités constituées sont engagées pour faire face à un afflux d'étrangers en situation irrégulière qui tentent par tous les moyens de passer en Angleterre. De plus, elles sont mobilisées dans le cadre de la lutte anti-terroriste, du fait des récents attentats et de sa proximité avec la frontière belge. 24 heures sur 24 les militaires sont déployés sur plusieurs sites sensibles de la zone.

Péage de Thun-l’Évêque (59), 17 heures

La relève s'est effectuée quelques minutes auparavant. Six militaires de l'EGM 11/6 de Marseille (13) en remplacent six autres. Les Phocéens, loin de chez eux, enchaînent les contrôles « à la fraîche » sur l’autoroute A2. L'axe, frontalier de la Belgique, est surveillé 24 heures sur 24 dans le cadre de la lutte anti-terroriste.

« J'ai deux pelotons dévolus à cette mission ici et deux autres à la barrière de péage de Senlis (60), explique le chef d'escadron (CEN) Benoît Fief, commandant l'unité. Les équipes alternent toutes les quatre heures. En journée, les gendarmes départementaux sont présents sur l'axe menant à la Belgique. La nuit, nous nous chargeons de toutes les entrées et sorties. En complément, le Psig (Peloton de surveillance et d'intervention gendarmerie) s'occupe des axes latéraux. »

Un véhicule est arrêté sur le bas-côté. « Il s'agit vraisemblablement d'un passeur. L'individu propose une place sur un site de covoiturage pour ne pas être seul à l'avant de l'habitacle lors des contrôles. Sauf qu'à l'arrière, ils sont cinq étrangers en situation irrégulière, souligne le major Christophe Papadopoulos, commandant le quatrième peloton. Avant de contacter le peloton motorisé de Cambrai (59), qui se chargera du volet judiciaire et administratif, nous prenons plusieurs renseignements. »

Cette fois encore, les individus viennent de Homs, en Syrie et ont traversé l'Europe en passant par la Grèce, la Slovénie avant d'arriver en Belgique. Ils cherchent à rejoindre l'Angleterre par tous les moyens. « Plusieurs infractions sont à relever, en plus de celles relatives au code de la route, notamment pour travail dissimulé et aide au séjour irrégulier. »

Les militaires ont pour consigne de contrôler tous les véhicules de petite capacité. « En près de 15 jours, nous avons fait tomber six fiches S. Nous avons alors suivi les directives inscrites : contrôle de l'individu et des autres passagers, remise à la brigade locale, contacter un enquêteur ou le service concerné », précise le commandant de l’escadron.

  • À l’hôtel, avant de partir en service, deux gendarmes sont en charge de la surveillance des véhicules de l'escadron. Le temps d'une « pause » studieuse : la révision du diplôme d'arme.

  • En 15 jours de mission, 462 véhicules et 969 personnes ont été contrôlés. 16 individus étaient en situation irrégulière.

  • Avec un train toutes les sept minutes, les gendarmes mobiles positionnés sur tout le site sont constamment aux aguets.

  • …puis avec une bénévole de « l'école récréative » du camp de Grande-Synthe.

  • 10 h 30, deux militaires de l'EGM 35/3 de Saint-Nazaire déploient le Drap (Dispositif de retenue autonome du public).

  • « Dernièrement, lors d'un contrôle, nous avons appris qu'un passeur avait demandé 2 000 € pour transporter quatre étrangers en situation irrégulière », se souvient le commandant d’EGM.

  • Contrôle des identités à la frontière belge par les militaires de l'EGM 15/9 d'Amiens en service mixte avec la brigade de Ghyvelde.

  • 24h sur 24 le peloton d’intervention est positionné en défense ferme à l’entrée du tunnel.

  • Les gendarmes mobiles de l’EGM 34/7 de Troyes prennent contact avec les réfugiés…

  • À gauche, le colonel Vincent Béréziat, commandant le groupement de gendarmerie départementale du Pas-de-Calais (62).

    © Mi Dicom © ADC F. PELLIER
  • À l’hôtel, avant de partir en service, deux gendarmes sont en charge de la surveillance des véhicules de l'escadron. Le temps d'une « pause » studieuse : la révision du diplôme d'arme.

  • En 15 jours de mission, 462 véhicules et 969 personnes ont été contrôlés. 16 individus étaient en situation irrégulière.

  • Avec un train toutes les sept minutes, les gendarmes mobiles positionnés sur tout le site sont constamment aux aguets.

  • …puis avec une bénévole de « l'école récréative » du camp de Grande-Synthe.

  • 10 h 30, deux militaires de l'EGM 35/3 de Saint-Nazaire déploient le Drap (Dispositif de retenue autonome du public).

  • « Dernièrement, lors d'un contrôle, nous avons appris qu'un passeur avait demandé 2 000 € pour transporter quatre étrangers en situation irrégulière », se souvient le commandant d’EGM.

  • Contrôle des identités à la frontière belge par les militaires de l'EGM 15/9 d'Amiens en service mixte avec la brigade de Ghyvelde.

  • 24h sur 24 le peloton d’intervention est positionné en défense ferme à l’entrée du tunnel.

  • Les gendarmes mobiles de l’EGM 34/7 de Troyes prennent contact avec les réfugiés…

  • À gauche, le colonel Vincent Béréziat, commandant le groupement de gendarmerie départementale du Pas-de-Calais (62).

    © Mi Dicom © ADC F. PELLIER

Peu avant 19 heures

Une vingtaine de militaires se rend au cercle mixte de gendarmerie mobile de Valenciennes (59). De grandes tablées, un repas chaud. L'escadron en déplacement est une unité autonome : la logistique prend une place importante. Dès leur arrivée, les militaires recherchent une salle de sport, une laverie, de quoi faire un café chaud toute la nuit, pouvoir prendre des repas en commun. « Il ne faut pas oublier les parcours de footing ! », ajoutent-ils à l'unisson.

Les journées sont rythmées par le service, l'alerte, le repos physiologique, le sport, les repas… Et les contacts, nombreux, avec les unités locales mais surtout avec la population ou les commerçants. Les gendarmes mobiles en déplacement sont pleinement immergés au sein de leur nouvel environnement, même si celui-ci n'est que de courte durée.

À partir de 20 heures

Tous les véhicules en circulation sont arrêtés et scrutés à la lampe torche. « Il y a quelques jours, nous étions en mission sur le camp de migrants de Grande-Synthe. Nous avons succédé à une CRS (Compagnie républicaine de sécurité) et à l'EGM 17/3 de Mayenne (53). Nous sommes habitués à arriver sur une zone qu'on ne connaît pas, à devoir rapidement comprendre les tenants et les aboutissants d'une situation, à trouver notre place dans un paysage nouveau et inconnu.

L'adaptation du mobile n'est pas une légende. Même si là, nous le concédons tous, la mission est assez sensible », confie le commandant d'unité. Pendant que certains profitent d'une soirée de libre pour se détendre, le service se poursuit toute la nuit sans encombre. La grêle frotte les visages de ces méridionaux, habitués aux nombreux aspects rustiques de leur métier.

Il est 8 heures

Changement de décor, direction Calais (62), dans le cadre de la Lutte contre l'immigration clandestine (Lic). La protection du site Eurotunnel et des dépendances de la SNCF est répartie entre la communauté de brigades de Frethun et le Psig de Marck (à l’Ouest et au Sud), la police aux frontières (au centre) et la police nationale (Nord et Est).

Depuis le 22 octobre 2015, un Gomo (Groupement opérationnel de maintien de l'ordre) et deux GTG (Groupement tactique gendarmerie) sont responsables de l'ordre public, sous l'autorité de la préfète. « Notre mission est d'assurer la viabilité du tunnel et d'interdire à quiconque de pénétrer sur zone, explique le colonel Éric Vankerrebrouck, commandant le Groupement de gendarmerie mobile (GGM) II/1 de Maisons-Alfort (94) et le Gomo à Calais depuis le 27 décembre 2015.

Le dispositif est pour l’heure efficace avec les six escadrons dont je bénéficie. Un et demi est en permanence sur site, un et demi positionné en alerte immédiate. Ils se relaient toutes les huit heures. Une escouade de la garde républicaine vérifie également les clôtures tous les matins, rassure la population et me ramène beaucoup de renseignement. Je peux m'appuyer sur la section aérienne d'Amiens-Glisy (80), dont la présence régulière s'avère précieuse pour déceler l’adversaire, notamment la nuit. » Une équipe de Satory (78) est également sur zone avec un VBRG (Véhicule blindé à roues gendarmerie) pour dégager les axes si besoin.

10 h 30

L'entrée de la tranchée du tunnel est le point le plus sensible du site, c'est pourquoi un peloton d'intervention est positionné de part et d'autre, en défense ferme. « Avant d'accéder à ce dernier rempart, il y a de nombreuses grilles, caméras infrarouges et des gendarmes positionnés à des endroits stratégiques », explique le lieutenant-colonel (LCL) Christian Gojard, commandant en second le GGM I/7 de Metz (57) et le GTG à Calais.

La mission de surveillance et de contrôle de zone est bien connue des gendarmes mobiles, « sauf que cette fois, ils sont certains de trouver des individus en face d'eux. Toutes les nuits, des intrusions sont tentées mais repoussées. Les interpellations sont quotidiennes. » Aujourd'hui, les proportions sont moins importantes qu'à l'automne : « Nous interpellons environ une centaine d'individus par jour, bien avant qu'ils n'atteignent les grilles. Avant la mise en place du dispositif, ils arrivaient en masse ici », ajoute le colonel Vankerrebrouck.

La sécurité passive du site a été accentuée grâce aux propositions de la gendarmerie. Un aménagement indispensable qui permet aux militaires de remplir leur mission au mieux. « Voyez le long de ces grilles rafistolées. De nombreux individus ont tenté de pénétrer ! En plus de nos équipes pédestres ou équestres, nous avons des militaires qui nous appuient sur une partie du périmètre », ajoute le commandant du Gomo.

Au centre de contrôle, deux techniciens des services de communication de l'escadron, employés de 8 heures à 16 heures, veillent la radio de manière permanente et retransmettent les informations au commandement et aux patrouilles. De même, un sous-officier assure l'interface pour son commandant d'escadron sur la zone ouest : chaque alarme ou mouvement de clôture est scruté et vérifié par les binômes les plus proches.

« Les militaires ont leur mission à cœur. Celle du contrôle de zone est assez classique pour les gendarmes mobiles. Elle prend ici tout son sens compte tenu de la sensibilité du site. Les militaires sont investis, efficaces et réalisent leur job avec humanité », confie le LCL Gojard.

À 14 heures

Le soleil hivernal laisse place aux averses et, avec elles, à la boue, omniprésente sur le camp de Grande-Synthe (59). L'EGM 34/7 de Troyes (10) sécurise l'intérieur et les abords extérieurs du site, où des centaines d'étrangers en situation irrégulière ont installé leurs abris de fortune. « Même si nous sommes en zone police, la mission nous a été confiée par le préfet, commente le capitaine Sébastien Bonconor, commandant l'escadron. À l'intérieur, il n'y a pas de contrôle mais nous maintenons la présence des forces de l'ordre. Nous entretenons de bons contacts avec les associations et les ONG présentes, ce qui s'avère précieux. En revanche, à l'entrée du camp, nous vérifions les identités et les chargements. L’installation de nouvelles tentes est interdite mais pas le matériel de chauffage ni de confort. »

Seuls sur site, les militaires obtiennent beaucoup de renseignements qu'ils partagent avec leurs interlocuteurs directs : préfecture, police, associations, chefs de clan. « Nous sécurisons le camp où près de 2 500 personnes évoluent. Nous assurons leur sécurité et leur venons en aide, comme cette fois où un homme avait allumé du bois de chauffage et sa tente s'était enflammée », se souviennent les sous-officiers. La plupart d'entre eux parle anglais avec les migrants. Ils font le tour du camp tous les jours, entrent en contact avec les bénévoles et les hommes rencontrés sur le chemin. À l'extérieur, leur présence rassure également les riverains.

Un peu plus loin, à la frontière avec la Belgique, deux pelotons de l'escadron 15/9 d'Amiens et les militaires de la brigade de gendarmerie de Ghyvelde (59) sont en service mixte jusqu'à 21 h 20, heure du dernier bus transfrontalier. Ensemble, ils contrôlent les identités des usagers des transports en commun ainsi que des automobilistes. La circonscription de l'unité comprend une bande dite des « 20 kilomètres Schengen », sur laquelle plusieurs points de passage sont à contrôler, en coordination avec la police belge.

« Grâce à la présence des mobiles, nous avons beaucoup de résultats. Les contrôles dynamiques sont nombreux et nous remettons régulièrement des dizaines d'individus à la Paf », souligne le capitaine Daniel Besin, commandant en second la compagnie de Dunkerque (59). Les contrôles se prolongeront toute la nuit. Sur ces points sensibles du Nord et du Pas-de-Calais, la présence des gendarmes mobiles, désormais indispensable, est amenée à durer.

Témoignage du colonel Vincent Béréziat, commandant le GGD 62.

« Les missions qui nous sont confiées sont humainement difficiles mais ont véritablement du sens. Face à nous se trouvent des personnes mues par l'énergie du désespoir. De nombreux migrants sont décédés accidentellement dans leurs tentatives de passage vers l'Angleterre. Nous devons les protéger, au même titre que la population locale. Le dispositif mis en place aujourd'hui montre son efficacité mais nous vivons encore au jour le jour. Gendarmes départementaux, mobiles et les autres services de l’État, nous faisons tous de notre mieux pour affronter une situation hors norme »,

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