Lutte contre l'immigration illégale : réactivité, sécurité et humanité

  • Par Morgane Jardillier
  • Publié le 06 avril 2018
Deux escadrons de gendarmerie mobiles, relevés tous les mois, sont pleinement engagés dans la lutte contre l’immigration clandestine, à la frontière franco-italienne.
© Major F. Balsamo

Ils sont Érythréens, Soudanais, Afghans… Fuyant la guerre et l’instabilité dans leur pays, ils ont traversé la mer Méditerranée dans l’espoir de rejoindre l’Europe. Dans les Alpes-Maritimes, en 2017, les forces de l’ordre ont interpellé 48 000 hommes et femmes dans le cadre de la lutte contre l’immigration clandestine. Des opérations de contrôle toujours délicates, pour lesquelles la gendarmerie œuvre avec fermeté et dans le respect de la dignité humaine.

Vintimille, Menton et la Vallée de la Roya sont des points de passage stratégiques pour les centaines de migrants qui, chaque jour, tentent de franchir clandestinement la frontière franco-italienne. Mais à Menton, comme à Fanghetto et Saint-Ludovic, les contrôles sont très stricts et les chances de passer rares.

Un renfort indispensable

L’instabilité au Moyen-Orient, dans la corne de l’Afrique et la bande sahélo-saharienne, a entraîné, en 2015, un mouvement massif de la population vers l’Europe. Ce flux migratoire s’est alors retrouvé bloqué dans la zone transfrontalière, entre l’Italie et la France, en raison du rétablissement des frontières au sein de l’espace Schengen, en vigueur en France depuis la même année.

En 2016, la compagnie de gendarmerie départementale de Menton, avec ses 80 personnels, a alors été confrontée à l’arrivée massive de migrants.

« Ils empruntaient les voies routières (autoroute A8), les voies ferrées (via les gares de Sospel, de Breil-sur-Roya ou du Cap d’Ail) et maritimes (en longeant le bord de mer). Cela nous a conduits à l’appréhension de plus de 2 000 migrants et nous a contraints à nous consacrer exclusivement à la mission de lutte contre l’immigration irrégulière », explique la chef d’escadron Céline Maumy, commandant la compagnie de gendarmerie départementale de Menton.

Le renfort des gendarmes mobiles s’impose alors. Ainsi, depuis 2016, deux escadrons, relevés tous les mois, en liaison avec la PAF (Police Aux Frontières), sont engagés dans la lutte contre l’immigration clandestine.

 

Tous les véhicules sont systématiquement contrôlés au poste de contrôles routiers ainsi qu’aux points de passages autorisés. En moyenne, plus de 750 véhicules sont contrôlés par jour.

© Major F. Balsamo

Les dispositifs à la frontière (l’un au sud et l’autre au nord du département) sont basés sur des contrôles systématiques des moyens de transport (véhicules, trains…) et une surveillance permanente des points stratégiques de passage.

Poste de contrôle routier frontalier au sud

Au sud, à Saint-Ludovic, les gendarmes mobiles effectuent un contrôle des flux routiers et ferroviaires. « Tous les véhicules en provenance d’Italie sont contrôlés visuellement. Nous inspectons plus particulièrement les autocars de tourisme et les autres véhicules de taille importante, pouvant potentiellement transporter des personnes. S’il y a un doute, nous réalisons une fouille plus approfondie », explique le major Patrice Rey, de l’escadron 44/7 de Beaune, chef du dispositif placé à Saint-Ludovic.

Les contrôles étant dorénavant entrés dans les mœurs, certains riverains ont même pris l’habitude d’enlever la plage arrière de leur véhicule afin de faciliter le processus.

« Nous avons également un poste de contrôle au niveau de la voie ferré pour éviter le passage de migrants par ce biais. Des patrouilles mobiles surveillent notamment les axes autoroutiers », ajoute le sous-officier.

 

Chaque semaine, des dizaines de migrants sont en effet déposées, la nuit, sur des aires de repos ou sur le bord de l’autoroute A8 par des passeurs. Pour contourner les contrôles, ils sont prêts à prendre des risques inconsidérés, jusqu’à franchir les barrières de sécurité et passer par la montagne.

Points de passage autorisés au nord

Au nord, dans la vallée de la Roya, les contrôles sont réalisés en lien avec la PAF et le dispositif Sentinelle. « À Fanghetto, le contrôle est double : au contrôle systématique de tous les véhicules s’ajoute la surveillance des voies ferrées », explique le capitaine Renoult, de l’escadron 42/3 de Lucé, chef du dispositif de Fanghetto.

Des bornes SNCF permettent de détecter le passage de personnes sur la voie et d’alerter par SMS le personnel présent. « Ce système est particulièrement utile la nuit, permettant de repérer les migrants tentant de s’infiltrer en marchant sur les voies. Il s’agit avant tout de les intercepter en sécurité pour éviter toute percussion avec un train », explique l’officier.

Fanghetto et Saint-Gervais sont des Points de passage autorisés (PPA), constituant des points stratégiques du dispositif de contrôle et de surveillance. Il s’agit du premier verrou de la frontière.

Concrètement, les forces de l’ordre peuvent interpeller les migrants au niveau des différents « points de passage autorisés » et dans un rayon de 20 km autour de ces zones.

« Il y a énormément de flux au niveau de ces deux passages. Les interpellations sont peu nombreuses. Toutefois, les flux irréguliers pourraient s’amplifier s’ils n’étaient pas tenus en continu », explique le lieutenant-colonel Marcel Michon, adjoint au commandant du groupement de gendarmerie mobile II/6 de Hyères, en renfort à Menton.

Réadapter les dispositifs

Au rythme des saisons et des conditions climatiques, les gendarmes constatent une réadaptation permanente des filières face aux plans de lutte contre l’immigration irrégulière mis en place.

La vallée de la Roya est d’ailleurs devenue pour les migrants en quête de passage, un axe de contournement des dispositifs, particulièrement en été. Les déplacements dans cette zone sont plus difficiles à contrôler compte tenu du relief et de l’immensité.

« Les cheminements empruntés par les migrants diffèrent d’une semaine à l’autre. Ils se transmettent les informations sur nos différents points de contrôle. Ainsi, systématiquement, nous diversifions nos actions et notre occupation du terrain. Nous élargissons la zone de surveillance pour être présents sur tous les vecteurs »

Passer par les trains

De plus en plus de migrants tentent de passer la frontière franco-italienne par le train reliant Vintimille à Menton. Pour déjouer les contrôles, ils se cachent parfois dans les placards techniques des voitures, entassés dans les réduits pleins de fils électriques sous haute tension.

Pour faire face à ces tentatives d'infiltration à haut risque, tous les trains s’arrêtent 5 minutes dans certaines gares pour y être inspectés par les gendarmes.

Les gendarmes contrôlent systématiquement tous les trains en provenance d'Italie. Pour déjouer les contrôles, les migrants sont prêts à se cacher parfois dans les placards techniques.

© Major F. Balsamo

Le vecteur ferroviaire représente 65 % des interceptions réalisées.

98 % des personnes appréhendées sont remises aux autorités italiennes

Toutes les personnes appréhendées au niveau des points de passage ou des postes frontaliers de contrôle routier, font l’objet d’une procédure de non-admission.

« 98 % des 48 000 personnes arrêtées en situation irrégulière en 2017 ont fait l’objet d’une remise aux autorités italiennes », explique le lieutenant-colonel Michon.

Les forces de l’ordre mettent un soin particulier à ce que les interpellations se passent dans les meilleures conditions possibles en respectant la dignité humaine. Les migrants sont ensuite reconduits en Italie ou le taux de réadmission est de 98 %.

© Major F. Balsamo

En gendarmerie, la procédure consiste à remettre les migrants à une « équipe translation », appartenant au détachement de gendarmerie mobile. Cette équipe les conduits alors à la PAF, chargée de traiter les procédures, qui les renvoie en Italie.

Faire preuve d’humanité

Exposés à des situations humaines particulièrement difficiles, les gendarmes mettent un point d’honneur à ce que les interpellations se déroulent dans le respect de règles éthiques et déontologiques.

« Le maître mot est la sécurité, à la fois des militaires et des personnes que l’on va interpeller. Nous ne souhaitons pas qu’ils prennent des risques ou se mettent en danger pour échapper aux contrôles », explique l’officier.

Faire preuve d’humanité et de fermeté, voilà la ligne directrice des gendarmes. « La fermeté n’exclut pas la courtoisie et le respect de la dignité humaine. Nous avons face à nous des personnes qui ont parcouru des milliers de kilomètres dans des conditions très difficiles », conclut l’officier.

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