Derrière l’écran, des gendarmes engagés contre les violences sexuelles et sexistes

  • Par la capitaine Sophie Bernard
  • Publié le 07 octobre 2020
© Gendarmerie nationale

Inauguré en novembre 2018, le Portail de signalement des violences sexuelles et sexistes (PVSS) permet aux victimes et aux témoins de ce type d’infractions de contacter les forces de l’ordre, tous les jours, 24 heures/24, à travers un tchat dédié, disponible sur le site service-public.fr. Pour la gendarmerie, loin d’être des robots, ce sont les personnels de la brigade numérique qui prennent en compte ces fils de discussion. Ces opérateurs reviennent sur cette délicate mission.

Il y a deux ans, quelques mois seulement après le lancement de la Brigade numérique (BNum), le PVSS voyait le jour, offrant un nouveau moyen aux victimes de Violences sexuelles et sexistes (VSS) de se signaler auprès des forces de l’ordre. Peu connue au départ, la plateforme est plus facilement identifiée aujourd'hui et a été particulièrement sollicitée lors du confinement, avec un taux de violences conjugales qui a augmenté de plus de 30 % durant cette période. Tout comme la BNum, le PVSS a ainsi plus que doublé son activité au cours de cette période particulière, où la promiscuité dans les foyers n’a malheureusement rien arrangé.

Ce portail en ligne permet à toute victime ou témoin de ce type de violence, après avoir renseigné son code postal, de converser directement avec un gendarme ou un policier en fonction du territoire habité. Un système qui permet d’accompagner la libération de la parole, de convaincre la victime de déposer plainte et d’ouvrir plus facilement une procédure : le PVSS a ainsi déjà répondu à plus de 4 000 sollicitations depuis sa création, qui ont débouché sur près de 600 procès-verbaux !

Humanité et empathie

Sur la plateforme située à Rennes, ils sont vingt opérateurs de la BNum se tenant prêts à dialoguer avec les victimes qui se signalent à travers le portail. « Si la démarche semble facilitée, elle est loin d’être évidente, que ce soit pour la victime mais aussi pour le gendarme. Celui-ci doit plus que jamais faire preuve d’humanité et d’empathie pour empêcher la personne de faire marche arrière. C’est beaucoup plus difficile pour lui de retenir la personne par écrans interposés que lorsqu’il lui fait face dans un bureau ! », remarque le lieutenant Sébastien Possemé, commandant la BNum.

Aussi, dès la mise en place de la brigade numérique, en février 2018, les gendarmes ont été formés à la discussion en ligne, notamment à travers la méthode « Facile à lire et à comprendre » (FALC), afin de ne pas adopter un langage trop formaté. Puis, quelques mois avant l’ouverture du PVSS, ils ont suivi une formation complémentaire portant sur les nombreuses infractions de type VSS et sur la psychologie des victimes. Dans ce cadre, les gendarmes ont bénéficié de l’intervention de professeurs de droit, de psychologues, mais aussi d’associations.

Si cela leur a permis d’acquérir certaines clés, l’expérience et la personnalité de chacun ont fait le reste ! « De mon côté, je laisse écrire un maximum la personne au départ. Je pose seulement quelques questions pour comprendre la situation générale, mais j’attends que le lien de confiance s’instaure pour demander plus de détails », explique l’adjudant Jean-Noël, en poste à la BNum.

Des situations multiples

Lorsque l’opérateur reçoit un signalement PVSS, il est dégagé de toute autre sollicitation propre à la BNum par ses collègues et peut ainsi se consacrer pleinement à la conversation. Pour autant, les situations peuvent être multiples. Aussi s’agit-il avant tout de cerner la requête. « Certains faits viennent de se commettre, le plus souvent en soirée ou durant le week-end, tandis que d’autres remontent à des années ! C’est le cas, par exemple, de cette jeune femme, violée par son cousin quand elle avait 13 ans, qui décide de nous contacter 35 ans après, quelques semaines seulement avant qu’il y ait prescription ! », raconte l’adjudant.

Parfois, ce ne sont pas les victimes, mais des témoins interloqués par une situation qui contactent la gendarmerie via le portail. « Cela arrive souvent que ce soient des amis, des voisins, des collègues… Pendant le confinement, un employeur nous a fait part de ses préoccupations pour une salariée qui, lors d’une visioconférence, était apparue avec des lunettes de soleil et un pansement sur la lèvre ». D’autres fois, c’est bien la victime qui se cache derrière les mots défilant à l’écran mais qui préfère se faire passer pour un proche. « Souvent, la personne commence la discussion par « J’ai une amie qui... », mais nous devinons très vite que c’est elle, surtout lorsqu’elle est capable d'apporter certains détails très précis. »

Les sollicitations liées à des VSS sont formulées en général directement via le PVSS, mais elles peuvent également arriver à travers le tchat ou les réseaux sociaux de la gendarmerie. « La dernière fois, une jeune fille nous a contactés par Facebook, pour nous signaler que son amie tenait des propos suicidaires. Après avoir réussi à échanger avec cette mineure réorientée vers le tchat, celle-ci m’a expliqué qu’elle subissait des agressions sexuelles de la part d’un ami de la famille. Elle avait l’âge de ma fille ! Après l’enquête menée par la brigade locale que nous avons avisée, l’homme a fini par avouer. »

Un point d’entrée vers la brigade

Bien que la démarche semble plus aisée par écrit et que le portail soit fait de telle sorte qu’il y ait le moins de traces possible dans l’historique de l’ordinateur, certaines personnes prennent peur au beau milieu de leur démarche. Il s’agit alors pour l’opérateur d’aider la victime à franchir le cap : « Je rassure la personne, lui explique que ce n’est pas à elle d’avoir peur, mais plutôt à l’auteur. J’essaye de lui donner un maximum de positif, en la valorisant, en lui disant qu’elle a bien fait, et je n’oublie pas de la remercier pour sa confiance à la fin », décrit l’adjudant. Il rédige ensuite un procès-verbal, auquel il joint les échanges par écrit, et transmet le tout à la brigade ou au commissariat compétent, qui recontacte ensuite la victime.

Mais il arrive aussi que la personne veuille malgré tout quitter le tchat au cours de la conversation, de peur de déposer plainte. L’opérateur informe tout de même la brigade concernée de cette situation et transmet un renseignement judiciaire au parquet compétent. En attendant qu’elle se sente prête pour entamer une procédure, il oriente la victime : « Nous leur conseillons d’appeler le 3919. Nous faisons également des recherches sur Internet pour les orienter vers des associations ou des logements d’urgence. Pour autant, lorsque la conversation se termine ainsi, la victime nous laisse un terrible sentiment d’impuissance !»

Car bien que représentant avant tout un point d’entrée numérique pour ces victimes, ces gendarmes se sentent particulièrement impliqués dans ces situations de VSS : « Il n’est pas rare que nous repensions à certains échanges avec des victimes en rentrant chez nous le soir. Heureusement, les brigades locales prennent vite le relais ! Elles n’ont pas l’obligation de nous tenir au courant de la suite donnée au signalement, mais c’est très appréciable lorsqu’elles le font ! », souligne l’adjudant.

Plus qu’un portail en ligne donc, derrière l’écran, se cachent les oreilles attentives d’hommes et de femmes engagés au service de toutes ces victimes !

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