Des chiens pour dépister le coronavirus ?

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 15 mai 2020

Et si les chiens avaient la capacité de détecter le coronavirus ? Depuis le 30 avril, une chienne issue du Groupe d’investigation cynophile (GIC) de la gendarmerie d’Ajaccio participe à une expérience inédite. Une expérimentation toujours en cours, dont les premiers résultats, nécessitant encore d'être confortés à plus grande échelle, sont toutefois jugés prometteurs.

La truffe du chien lui permettrait de percevoir les odeurs 1 000 à 100 000 fois mieux que les humains, grâce à ses 220 millions de récepteurs olfactifs (contre « seulement » 5 millions pour l’Homme). Qu’ils soient spécialisés en « stup’ » (pour stupéfiant), billets de banque, explosifs, piste ou attaque, ils constituent un atout maître pour les forces de sécurité intérieure comme extérieure. Un flair hors pair qui leur permet même de débusquer des maladies, comme certains cancers, et bientôt peut-être le COVID-19. C’est la question que s’est posée Dominique Grandjean, professeur à l’école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort (94).

Depuis le 30 avril, celui qui est aussi chef du service vétérinaire de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) conduit une expérimentation pour savoir si les chiens seraient capables de renifler et dépister le virus. En Corse, cette expérimentation est pilotée par les sapeurs-pompiers, en partenariat avec l’hôpital d’Ajaccio, l’université de Corse et la gendarmerie. Ces essais sont réalisés par une équipe composée de scientifiques, de vétérinaires et de médecins, sur sept chiens, dont un appartenant au Groupe d’investigation cynophile (GIC) de la gendarmerie d’Ajaccio. « Le chef du Service d'incendie et de secours de Corse-du-Sud (SIS2A) a proposé au général Tony Mouchet, commandant la région de gendarmerie de Corse, de participer à ce projet, et ce dernier a souhaité s’y associer après avoir obtenu l’aval de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et du vétérinaire du service de santé des armées », relate le colonel François Rougier, officier adjoint commandement de la région de gendarmerie Corse.

Une expérience qui a du chien

Ce projet, également conduit avec la participation des maîtres de chien du SDIS 77, « consiste à soumettre aux chiens des prélèvements hydrophiles issus de personnes infectées, obtenus grâce à des compresses plaquées sous les aisselles des malades », détaille l'officier. Le chien doit ensuite renifler ces prélèvements, placés parmi d’autres issus de personnes non-infectées et de placebos. L’objectif est donc de savoir si le COVID-19 génère une odeur et si les chiens peuvent l’identifier. Pour l’instant, les premiers résultats sont jugés « encourageants, même si à ce stade, il faut rester prudent. »

Placés dans des tubes en polymère, les prélèvements sont reniflés l'un après l'autre par les canidés. Si le chien s’arrête ou « marque » un échantillon positif, il est alors récompensé par son jouet. Automatiquement, lorsqu’il effectuera le même exercice par la suite, l’animal devrait marquer les mêmes tubes. Une technique de conditionnement classique, éprouvée par tous les dresseurs, et que semble avoir particulièrement bien assimilée HK, une femelle malinois du GIC d’Ajaccio.

« Ça ne veut pas encore dire qu’elle est capable d’identifier le coronavirus, mais qu’elle a trouvé un point commun à toutes ces odeurs. »

« Depuis le début de l’expérimentation, elle a systématiquement trouvé une odeur commune à tous les prélèvements issus de personnes infectées », sourit le gendarme Frédéric Faure. Une fierté pour ce maître de chien expérimenté, qui, cependant, ne souhaite pas se réjouir pour autant : « Ça ne veut pas encore dire qu’elle est capable d’identifier le coronavirus, mais qu’elle a trouvé un point commun à toutes ces odeurs. »

« Il reste encore plein de pistes à explorer et d’hypothèses à écarter, en essayant de déterminer, par exemple, si le chien identifie bien le coronavirus et non pas quelqu’un qui est simplement atteint de fièvre, ou encore que l’animal n’identifie pas la seule odeur qu’un médicament provoquerait dans le métabolisme du malade. D’où l’intérêt de tester des compresses prélevées sur des individus infectés, mais ayant reçu des traitements différents », ajoute le colonel Rougier.

Prudence donc, avant de savoir si l’expérience est concluante ou non. Une réponse qui sera connue dans les prochaines semaines, lorsque ces premiers résultats auront été confortés à plus grande échelle. Ce qui n’empêche pas le gendarme Frédéric d’avoir pleinement confiance dans les capacités d’HK, une chienne expérimentée, spécialisée en « stup’ » et billets de banque, et surtout fanatique du jeu, l'une des qualités les plus recherchées chez les canidés, selon le dresseur / instructeur.

détection

Votre mission, si vous l’acceptez…

Et côté jeu, HK ne s’arrête jamais selon sa maîtresse, la maréchale des logis-cheffe Roxane Schwartz, qui ne manque pas de mots pour décrire sa relation très fusionnelle avec sa chienne. « Je travaille avec elle depuis 2014. C’est une chienne super ! Toujours de bonne humeur, très joueuse et très agréable. C’est de loin la plus facile à vivre que j’ai eue ! » Avec cinq chiens au compteur, elle sait de quoi elle parle. À 8 ans, et après avoir servi une demi-douzaine d’années sous les drapeaux, HK termine donc sa belle carrière par une dernière mission, aussi prestigieuse que potentiellement dangereuse. « J’ai eu peur qu’elle soit contaminée, confie la chef Schwartz. Mais avec la présence du patron des vétérinaires de la BSPP ainsi que celui des pompiers de Corse-du-Sud, je suis rassurée. Je serais fière si elle pouvait faire avancer les choses. »

Un protocole garantissant un maximum d’innocuité

Avant de participer à cette expérimentation, un protocole garantissant un maximum d’innocuité pour les animaux a été mis en place, afin de réduire au maximum le risque de contamination des chiens et des humains. HK, elle, n’a pas été choisie pour sa résistance aux maladies infectieuses, mais pour son expérience et aussi parce que la gendarmerie ne voulait pas prendre le risque de remettre un chien sur le terrain opérationnel après ces essais.

Une dernière mission donc, pour conclure une très belle carrière, marquée par de nombreuses interventions. Ainsi, en 2016, HK et la cheffe Schwartz trouvent une grosse quantité de résine de cannabis et plusieurs téléphones portables cachés dans la cuisine d’une prison. Lors d’une autre perquisition, un an plus tôt, elle parvient cette fois à marquer une enveloppe contenant 18 000 euros, cachée dans un double fond. Lorsqu’elle aura terminé cette dernière mission, HK pourra tranquillement profiter de sa retraite auprès de sa maîtresse.

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