Qu’est ce que Déméter, la nouvelle cellule destinée à protéger les agriculteurs ?

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 24 février 2020
Photo d'illustration.
© SIRPA GEND GND F. Garcia

Face au regain d’actes malveillants de toutes sortes à l’encontre du monde agricole, la gendarmerie a renforcé son dispositif de prévention et de répression en créant Déméter. Afin de tordre le cou aux idées reçues, Gend’Info fait le point sur le fonctionnement méconnu de cette unité, que d’aucuns qualifient faussement de « cellule de surveillance ».

Lorsque qu’Hadès, le « maître des Enfers », enleva Perséphone pour en faire son épouse, sa mère, Déméter, partit immédiatement à sa recherche. Durant sa quête de neuf jours et neuf nuits, la déesse de l'agriculture et des moissons délaissa complètement les mortels, qui furent menacés par la famine.

Aujourd’hui, point de disette à l’horizon, mais d’autres périls menacent les agriculteurs. « Ils sont visés par des intimidations, des dégradations, des insultes », assurait Christophe Castaner, le 13 décembre 2019. « Ces phénomènes, nous devons les prendre très au sérieux : ils gâchent la vie des agriculteurs, inquiets chaque jour de savoir ce qui peut leur arriver. Ils nourrissent l’agribashing, la défiance et l’hostilité. »

Des actes criminels en hausse

Si le ministre de l’Intérieur s’inquiète du phénomène « d’agribashing », c’est à cause du regain d’actes malveillants qui touchent le monde agricole. En 2019, près de 15 000 atteintes à l’encontre des agriculteurs ont ainsi été répertoriées par Beauvau, soit une hausse de 1,5 % par rapport à l’année précédente. Deux tiers d’entre elles concernent des vols simples (en baisse), même si un vol de tracteur est enregistré chaque jour. Les destructions et dégradations sont, en revanche, en nette hausse : 1 675 faits constatés, soit une augmentation de 23 %. En moyenne, cela représente 133 faits de délinquance par département.

Face à cette multiplication d’actes criminels, la gendarmerie a décidé, en octobre 2019, de ramener Déméter du royaume des morts pour la remettre au travail dans le cadre d’une cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole.

Cette unité est chargée « de mieux répondre aux préoccupations du monde agricole », explique le colonel Bertrand Pallot, animateur du réseau Déméter. La création de cette « task force » est l’une des ripostes du ministère de l’Intérieur pour contrer les atteintes portées contre les agriculteurs. Pour sceller cette union, Beauvau a également signé une convention avec deux des cinq syndicats agricoles : la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs (J.A.). Christophe Castaner a également demandé aux préfectures de créer des observatoires de l’agribashing. À ce jour, 41 ont été mis en place.

Déméter : quèsaco ?

Loin d’être une agence de renseignement de type NSA, Déméter est plutôt une structure informelle,

fonctionnant en réseau et s’appuyant sur plusieurs sous-directions ou services, tels que l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) et le Service central de renseignement criminel (SCRC), ainsi que les groupements de gendarmerie.

« Cette unité vise à coordonner au mieux les différentes actions mises en œuvre sur le terrain », résume le colonel Pallot. Elle joue donc le chef d’orchestre d’une trentaine de dispositifs départementaux.

« L’originalité de cette démarche, c’est d’avoir une approche globale d’un milieu et d’intervenir via trois axes : la prévention, l’anticipation et, bien sûr, le volet police judiciaire. »

Concernant ce dernier volet, Déméter dispose d’un périmètre de compétences relativement large, allant des actes crapuleux, comme les vols de GPS agricoles, aux actions de nature idéologique, qu’elles soient purement symboliques, mais forcément délictueuses, ou au contraire particulièrement violentes.

L’autre volet de Déméter, le principal, est bien de « renouer le contact avec le monde agricole. »

« L’idée est de mener des actions de prévention auprès des agriculteurs, notamment sur des questions liées à la sécurisation des exploitations », précise le colonel Pallot. Celles-ci se traduisent, entre autres, par l’organisation de réunions entre les exploitants et les référents sûreté de la gendarmerie.

C’est l’un des rôles confiés à l’adjudante Christelle Hejna. Depuis plus d’un an, cette sous-officière du groupement de gendarmerie des Côtes-d’Armor (22) écume son département à la rencontre des agriculteurs. Au milieu des bottes de paille, la militaire sensibilise les exploitants aux bonnes pratiques de sécurité. « Cela relève parfois du bon sens, comme fermer tel local ou tel hangar. Nous leur donnons aussi quelques astuces, comme faire le plein d’essence en début de journée, pour éviter qu’ils se fassent siphonner du carburant. »

Il s’agit donc surtout de changer les mauvaises habitudes, en pratiquant la « marteau thérapie ». Mais pas que ! « Nous essayons d’apporter des réponses à des inquiétudes, notamment sur le phénomène d’agribashing, ou à des questions plus terre à terre, comme la sécurisation d’un site qui couvre plusieurs dizaines, voire des centaines d’hectares. »

Enfin, à la fin de chaque réunion, l’adjudante propose à ceux qui le souhaitent de réaliser un audit de sécurité de leur exploitation. En un peu plus d’un an, dans les Côtes-d’Armor, le groupement a ainsi recensé 22 réunions de sensibilisation, 54 consultations de sûreté et plus de 600 personnes sensibilisées.

Un soulagement pour les agriculteurs

Dans le milieu agricole, Déméter séduit de plus en plus. C’est notamment le cas de Véronique Grot. Depuis près de 20 ans, elle tient un élevage de vaches laitières et de porcs près de Louargat (22), en Bretagne. Il y a deux ans, près de 8 000 personnes se sont rassemblées sur ses terrains, pour participer à une rave party. « Je l’ai très mal vécu », confie l’éleveuse. Si aucun incident majeur n’a été à déplorer, les raveurs sont partis en laissant une montagne de déchets derrière eux.

« Avant, quel que soit le type d’incidents, peu de mes confrères, moi y compris, n’appelaient la gendarmerie », souffle-t-elle. Aujourd’hui, la donne a changé. Grâce à la multiplication des réunions et des visites des référents sûreté, l’agricultrice se sent rassurée : « C’est un grand réconfort de sentir le soutien des gendarmes, et pas que pour moi ! »

Convaincue du bien-fondé de la démarche de Déméter, Véronique Grot a organisé chez elle la première réunion de sensibilisation en septembre dernier. Cinquante personnes ont répondu présent. « Une grande majorité s’est laissé convaincre par le discours des gendarmes. » Depuis, l’agricultrice confirme que la plupart de ses confrères demandent aux référents sûreté de venir jeter un œil à leur exploitation.

Dans les Côtes-d’Armor, comme dans la France entière, le contact entre le monde agricole et les gendarmes se renoue. Sur tout le territoire, 325 consultations ou diagnostics de sûreté ont d’ailleurs été réalisés depuis le début de l’année 2019, soit une augmentation de 41 % par rapport à 2018.

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