Une Grande Boucle de sécurité

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 14 septembre 2020
© GEND/SIRPA/F.GARCIA

Avec plus de 3 000 kilomètres, 9 départs et 15 arrivées en zone gendarmerie, le Tour de France sollicite pleinement cette année son partenaire historique, dont le dispositif de sécurisation a encore été renforcé. Reportage en Charente-Maritime, entre deux îles.

Le Tour de France a bien changé depuis 1903, date de sa création. Son premier vainqueur, Maurice Garin, béret, pantalon et chambres à air de secours autour du cou, pédalait comme un « forçat de la route », sur une machine en acier de près de 20 kilogrammes. Les vélos de 2020, bijoux de technologie en carbone, en pèsent à peine 7 et coûtent quelques milliers d’euros.

En 1903, déjà, les gendarmes jalonnaient le tracé du parcours, pour éviter tout mouvement de foule. Eux aussi ont bien changé en 117 ans ! Leurs tenues, leurs équipements, leurs véhicules, leurs moyens de communication… Une force moderne, dont l’encadrement d’événements populaires fait incontestablement partie du savoir-faire.

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Cette année, ce sont 14 000 militaires, dont 4 300 réservistes et des élèves gendarmes, qui sont engagés sous convention avec l’organisateur ASO (Amaury Sport Organisation), sur les 21 étapes de la Grande Boucle, de Nice à Paris : 30 groupements de gendarmerie départementale, 21 escadrons de gendarmerie mobile, l’escadron motocycliste de la Garde républicaine, mais aussi des hommes du Groupe d’intervention (GIGN) et des Forces aériennes (FAG) de la gendarmerie nationale, de l’Unité opérationnelle franco-allemande (UOFA), de l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), sans oublier, depuis cette année, deux équipes cynophiles de Recherche d’explosifs sur personne en mouvement (REXPEMO).

« Depuis 2009, l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) compte dans son périmètre d’action les enquêtes relatives au dopage dans le sport de haut niveau, explique le capitaine Patrick, commandant de division adjoint de l’OCLAESP. Un binôme de l’Office est présent lors de chaque étape du Tour de France. Notre mission principale est d’ouvrir une enquête en cas de contrôle anti-dopage positif. Nous en sommes les premiers informés, avant la notification au coureur. Nous effectuons alors immédiatement une perquisition dans la chambre d’hôtel, avec le soutien de la Brigade de recherches (B.R.) ou la Section de recherches (S.R.) concernée, si possible en présence d’un TIC (Technicien en Identification Criminelle) et d’un NTech. L’objectif est de remonter la trace du produit, car le fait de se doper ne constitue pas une infraction. Seule la détention de produits dopants en est une. Notre seconde mission est de nouer des liens avec le monde du cyclisme. C’est essentiel d’avoir un contact régulier avec les gens de terrain, afin d’obtenir de bons renseignements. »

Pour les gendarmes, la sécurisation d’une étape du Tour commence dès la veille. Ce lundi 7 septembre, des réservistes affectés à la Compagnie de gendarmerie départementale (CGD) de Rochefort effectuent des patrouilles de reconnaissance sur l’itinéraire de la course et sur l’Île d’Oléron, notamment autour de la citadelle du château, où sera installé le Village du Tour de France.

« Trois binômes vont se relayer, avec une vigilance particulière autour des ponts d’Oléron et de la Seudre, qu’emprunteront la caravane et les coureurs, décrit le chef d’escadron (CEN) Ludovic Burette, commandant la CGD de Rochefort. Il y aura sans doute beaucoup de spectateurs, car même si, pour notre organisation, la saison est officiellement terminée depuis le 31 août, il y a encore de nombreux vacanciers dans la région. » Il faut dire que l’été semble vouloir jouer les prolongations.

  • © GEND/SIRPA/F.GARCIA
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Confirmation le lendemain matin. Un soleil éclatant accueille les premiers invités au Village, grand barnum surplombant l’océan, d’un calme olympien, lui. Cette dixième étape du Tour relie l’Île d’Oléron à l’Île de Ré, toutes deux situées en zone gendarmerie. C’est la première fois que le parcours relie ainsi deux îles. Une équipe cynophile de recherche d’explosifs sur personne en mouvement est déjà en place, appuyée par cinq militaires du peloton d’intervention de la Garde républicaine.

« Nous avons pour mission la Recherche d’explosifs sur personne en mouvement (REXPEMO), en appui des deux équipes cynophiles présentes depuis cette année sur le Tour de France, explique le maréchal des logis-chef (MDC) Salvatore, du peloton d’intervention du 2e régiment d’infanterie de la Garde républicaine. Nous engageons cinq militaires du 1er régiment d’infanterie au départ et cinq du 2e régiment à l’arrivée. Les patrouilles commencent une heure et demie avant l’ouverture du Village, au départ, et une heure et demie avant le podium protocolaire, à l’arrivée ; chaque patrouille dure entre 30 et 45 minutes, puis on recommence avec le second chien pendant que le premier se repose. Le chien passe au milieu de la foule et, s’il sent une odeur qu’il reconnaît, il suit la personne. C’est là que nous intervenons pour créer une bulle d’exclusion, en éloignant les spectateurs. Nous demandons à la personne ciblée de montrer ses mains, puis d’ouvrir son sac, avant de procéder à un déshabillage partiel. Le chien effectue alors un second passage et s’il confirme la présence d’explosifs, nous faisons appel au démineur pour la levée de doutes. »

Peu avant 11 heures, sur le stand du département de Charente-Maritime, seul concerné par cette étape, débute la dernière réunion de sécurité. Autour de la table : deux commissaires généraux d’ASO, deux membres du conseil départemental, le commissaire Christophe Urien, chef de la mission police, et, pour la gendarmerie, le lieutenant-colonel Joël Scherer, officier de liaison de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) auprès de l’organisation du Tour de France, accompagné du capitaine Jean-François Prunet, commandant de l’escadron motocycliste du 1er régiment d’infanterie de la Garde républicaine, et du chef de mission GIGN.

En fin de matinée, sur le stand du département de Charente-Maritime, débute la dernière réunion de sécurité.

En fin de matinée, sur le stand du département de Charente-Maritime, débute la dernière réunion de sécurité.

© GEND/SIRPA/F.GARCIA

Tout le parcours est passé en revue, notamment les aménagements demandés par ASO au département, comme l’enlèvement de coussins berlinois, ces ralentisseurs qui peuvent être dangereux pour les coureurs, ou la couverture des peignes de dilatation aux extrémités des ponts. Le LCL Scherer signale une possible manifestation de gilets jaunes avant Châtelaillon-Plage.

Bien que cette étape soit la plus plate du Tour, elle est considérée par toutes les équipes comme piégeuse, principalement en raison du grand nombre de ronds-points sur ce tracé très urbain. « Il y aura beaucoup de vent sur le pont de l’Île de Ré, la course peut s’affoler », conclut Bertrand Charrier, commissaire général chargé des parcours chez ASO. Il ne croit pas si bien dire…

Coup de tonnerre

Le Landerneau bruisse en effet d’une rumeur qui n’en sera bientôt plus une. Le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, a été testé positif au coronavirus. Coup de tonnerre dans un ciel immaculé. Et preuve, s’il en fallait une, que ce Tour n’est décidément pas comme les autres.

Mais the show must go on ! La caravane est déjà partie depuis plus d’une heure et la course ne va plus tarder. Joël Scherer prend place dans son véhicule, allume ses radios et la tablette qui lui permet de géolocaliser en temps réel tous les véhicules importants, équipés de balises, y compris ceux de la caravane cornaquée par Jupiter, la voiture d’ASO.

À l’arrière, s’installe le chef d’escadron (CEN) Guillaume, chef de mission GIGN, qui ouvre aussitôt la communication sécurisée avec les deux éléments routiers et l’élément aérien, un E.C. 145 de la section de Villacoublay. « Le GIGN renforce la sécurisation du Tour de France depuis 2016, à la suite des attentats de 2015, explique le commandant Guillaume. Nous avons une capacité d’intervention en tout point de chaque étape et nous sécurisons les Villages d’arrivée et de départ. »

Les hommes du GIGN et des FAG en survol de l'étape du Tour de France, ici au-dessus du célèbre Fort Boyard.

Les hommes du GIGN et des FAG en survol de l'étape du Tour de France, ici au-dessus du célèbre Fort Boyard.

© GIGN

Kilomètre zéro !

C’est l’heure ! Les hommes de l’escadron motocycliste de la Garde républicaine mettent le contact. Ils ouvrent la route et escortent la course, ainsi que la caravane en amont, comme chaque année depuis 1953. Ce sont aussi eux qui ferment le dispositif derrière la voiture-balai, marquant la fin de l’usage privatif de la route par ASO.

L’escadron motocycliste de la Garde républicaine escorte la course, ainsi que la caravane en amont, depuis 1953.

L’escadron motocycliste de la Garde républicaine escorte la course, ainsi que la caravane en amont, depuis 1953.

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Après quelques hectomètres, le départ réel est donné sur le pont d’Oléron. Kilomètre zéro ! Le peloton devra en parcourir un peu plus de 168 pour arriver sur l’autre île. Et il n’y aura qu’un vainqueur ! Décidément généreux, le soleil paillette l’océan et inonde les parcs à huîtres. Mais les coureurs ne sont pas d’humeur contemplative et foncent à près de 50 km/h vers La Rochelle.

Toute la partie du parcours située en zone gendarmerie est sécurisée par des gendarmes. Chaque intersection est tenue par des militaires, reconnaissables à leur chasuble jaune. Jaune aussi, le drapeau qu’ils agitent en cas de danger. N’importe quel danger : un éboulement, des travaux d’urgence, une manifestation… Au point kilométrique 42, c’est une plaque d’huile dans un rond-point qui est signalée à l’officier de liaison. Le LCL Scherer s’assure de la présence au bon endroit de l’un de ces drapeaux jaunes.

Les gendarmes rappellent les consignes de sécurité sur tout le parcours du Tour.

Les gendarmes rappellent les consignes de sécurité sur tout le parcours du Tour.

© GEND/SIRPA/F.GARCIA

« Ce sont 1125 gendarmes qui ont été engagés sur les trois jours, dont 739 juste pour la journée de mardi, détaille le colonel Bruno Makary, commandant le Groupement de gendarmerie départementale (GGD) de Charente-Maritime. Les militaires du groupement ont été renforcés par des réservistes, ainsi que par deux escadrons de gendarmerie mobile, celui de Guéret et celui de Châteauroux (qui est engagé sur tout le Tour pour sécuriser le départ et l’arrivée de chaque étape, NDLR). En tout, nous aurons sécurisé un peu plus de 200 kilomètres de course, 160 aujourd’hui et une quarantaine demain (le 9 septembre, NDLR), avant de passer le relais au GGD des Deux-Sèvres. » Autre renfort spécifique sur cette étape, celui de l’UOFA.

« Nous sommes présents sur l’étape entre Oléron et Ré, car il y a encore beaucoup de touristes allemands dans la région à cette époque de l’année, explique le lieutenant Bertrand Loubette, chef français de l’Unité opérationnelle franco-allemande (UOFA). Nous devons aller à leur rencontre et être pour cela attentifs aux conversations. Nous sommes arrivés lors de la journée de repos (NDLR, lundi 7 septembre) et nous avons patrouillé à Saint-Martin-de-Ré pour nouer des premiers contacts et expliquer les raisons de notre présence. Nous effectuons un important travail de prévention, moins axé cette année sur la sécurité routière et le ramassage des goodies publicitaires de la caravane, mais davantage sur le rappel des règles sanitaires. Nous distribuons pour cela des flyers avec des infographies de l’organisateur ASO (Amaury Sport Organisation), que nous avons traduites en allemand. La présence de membres de la Polizei peut bien sûr être dissuasive, mais c’est aussi une occasion de faire connaître l’UOFA. Nous serons également sur le Tour le 19 septembre, lors de la 20e étape, le contre-la-montre individuel de la Planche des Belles Filles, en Haute-Saône, où il y aura sans doute de nombreux germanophones, allemands et suisses allemands. »

L’étape se poursuit, toujours à vive allure, aussi nerveuse et périlleuse qu’attendue. Pas moins de six chutes viendront émailler la course ! Le public est venu très nombreux sur le bord de la route. De l’avis général des suiveurs, il s’agit de la plus forte affluence depuis le début du Tour. L’ambiance est donc au rendez-vous, mais les spectateurs se montrent disciplinés. Et l’immense majorité avance masquée, comme il se doit.

Comme prévu, Éole s’invite à la fête sur le pont de l’Île de Ré, provoquant, au sein du peloton, un léger vent… de panique ! Mais tout rentre dans l’ordre pour le sprint final, réglé en force par Sam Bennett. Un Irlandais évidemment. Comment aurait-il pu en être autrement sur une étape îlienne ?

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À peine le bouquet remis au vainqueur que la gendarmerie est de nouveau sollicitée pour le dispositif d’évacuation. Le profil de l’étape est en effet spécifique. Impossible de poursuivre la route dans le même sens, il faut rebrousser chemin, et le plus vite possible pour pouvoir rouvrir les voies de circulation. Entre obligations médiatiques et contrôles anti-dopage, il arrive que les équipes cyclistes aient un peu de retard au redémarrage. Les gendarmes veillent au respect des délais. Progressivement, la vie normale reprend ses droits sur Ré. Demain est un autre Tour.

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