En formation avec les futurs négociateurs régionaux

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 29 décembre 2020
Pendant que l'un des négociateurs échange avec l'auteur des faits, l'autre prend des notes et le conseille, en s'appuyant notamment sur les éléments dont il dispose dans le profil détaillé.
Pendant que l'un des négociateurs échange avec l'auteur des faits, l'autre prend des notes et le conseille, en s'appuyant notamment sur les éléments dont il dispose dans le profil détaillé.
© GIGN / Maxime Cerniglia

Ils sont un peu plus de 300 et jouent un rôle essentiel dans la résolution de nombreuses crises. Ces sous-officiers de carrière se sont portés volontaires pour endosser un second uniforme, celui de négociateur régional. Nous avons suivi au GIGN les 24 candidats retenus cette année, lors d’une journée de leur stage de formation.

« Arrête de me couper la parole ! Je vais me retrouver à la rue avec ma femme et mes enfants. Trouve moi une solution, sinon tu sers à rien ! » La tension est montée d’un cran, les négociations semblent dans l’impasse. Retranché chez lui, l’homme avait accueilli les gendarmes, qui accompagnaient l’huissier venu lui signifier l’expulsion de sa maison, en tirant en l’air avec son fusil de chasse... 

À quelques mètres de là, autre situation de crise. Un cariste, sous l’emprise de drogues et d’alcool, a été licencié le matin même. Il a menacé une secrétaire avec une arme à feu, avant de s’enfuir et de s’enfermer chez lui. Au négociateur qui tente de le calmer, il lance : « Envoie-moi le GIGN, mais dis leur de faire bien attention à eux ! »

Un candidat retenu sur trois

Nous ne sommes pas dans la vraie vie, même si cela y ressemble, mais à Versailles-Satory, au sein du GIGN, et ces hommes en crise sont joués par des négociateurs du Groupe. Face à eux, douze binômes de gendarmes qui aspirent à devenir négociateurs régionaux. Tous sont des sous-officiers volontaires, affectés en unités opérationnelles. « Ce stage d’une semaine va permettre de les évaluer pour vérifier qu’ils sont prêts, et si cela est nécessaire prolonger leur formation », explique Xavier, chef de la Cellule nationale de négociation du GIGN.

Ils viennent des six coins de l’Hexagone : cinq de Bourgogne, cinq de Midi-Pyrénées, quatre de Normandie, trois de Franche-Comté, trois de Corse, deux de Champagne-Ardennes et deux de Picardie. Les régions font état chaque année de leurs besoins et, en fonction, le GIGN sélectionne le triple de candidats - 72 pour l’année 2020 - qui passent des tests de personnalité, puis des entretiens avec des psychologues de la gendarmerie, en région, puis au GIGN. Un candidat sur trois sera retenu et suivra une semaine de formation au GIGN, alternant des cours théoriques et des mises en situation.

Suicides, conflits familiaux...

Le rôle de négociateur régional est apparu en 2005, dans la logique de maillage territorial propre à la gendarmerie. La dimension négociation ayant pris de l’importance au sein du GIGN à partir du début des années 90. « Cela se pratiquait de manière empirique, et c’était généralement le commandement qui négociait, précise Xavier. Puis, le mode de fonctionnement s’est inversé, et c’est au contraire le principe suivant qui a été acté : qui commande ne négocie pas, qui négocie ne commande pas. » 

En 2019, ils sont intervenus à 450 reprises, le plus souvent pour des personnes suicidaires et des conflits familiaux ou de voisinage très dégradés. Dans la grande majorité des cas, ils sont engagés par la région, à la demande du Groupement de gendarmerie départementale (GGD) dont dépendent les primo-intervenants. En cas d’urgence caractérisée, le GGD saisit directement le négociateur régional de permanence, la région étant avisée de l’engagement par message. Enfin, il arrive que la cellule nationale de négociation du GIGN contacte elle-même le négociateur régional, sur demande notamment d’autres autorités (Préfet, police nationale, pompiers…).

R… D… S...

Le négociateur régional est l’interlocuteur privilégié de la personne en crise. En fonction de la gravité de la situation, il peut agir de façon autonome, si l’engagement du GIGN n’est pas justifié, ou bien gagner du temps et glaner de précieuses informations en attendant les unités d’intervention spécialisées. « Le négociateur régional a un rôle important à jouer dans le dénouement d’une crise, poursuit Xavier. Ce qu’on appelle dans notre jargon le RDS. R pour renseigner : il doit rechercher des informations auprès de l’environnement familial ou du voisinage, qui permettront d’élaborer un profil. En fonction de ce profil et de la situation, on pourra établir une stratégie. D pour détourner l’attention, faire en sorte que l’auteur ne voit pas le temps passer. Chaque minute gagnée est une minute de plus pour l’équipe d’intervention. Enfin, le S pour stopper la menace (arrêter une tuerie, obtenir la reddition et la libération des otages). »

Un binôme de futurs négociateurs régionaux tente de négocier la reddition d'un homme retranché chez lui après un licenciement, joué par un négociateur de la cellule nationale du GIGN.

Un binôme de futurs négociateurs régionaux tente de négocier la reddition d'un homme retranché chez lui après un licenciement, joué par un négociateur de la cellule nationale du GIGN.

© GIGN / Maxime Cerniglia

« Savoir écouter »

Tout au long de la semaine, les futurs négociateurs régionaux sont donc évalués, notamment au travers de cas pratiques, dont certains dureront jusque tard dans la nuit, pour les habituer à gérer la fatigue dans ces situations de stress. Ils opèrent en binôme, comme ce sera le cas sur le terrain. L’un communique avec l’auteur des faits, au téléphone ou de vive voix, l’autre prend des notes et le conseille. Faire preuve d’empathie, se mettre à sa place, comprendre sa colère, gagner sa confiance, et avancer pas à pas vers l’objectif : changer son comportement et obtenir la reddition. 

Les gendarmes ont à leur disposition un profil détaillé qui leur donne des leviers à activer au fil de la discussion. Mais il faut surtout saisir les occasions, lorsque l’individu lâche des informations sur lesquelles il faut rebondir, lorsque sa voix est plus calme, plus posée, et qu’il ressent le besoin de verbaliser. « La première qualité d’un négociateur ce n’est pas forcément de savoir parler, c’est de savoir écouter », confirme Xavier.  

Toutes les interventions des négociateurs régionaux sont supervisées par la Cellule nationale de négociation du GIGN. Le négociateur rédige un compte-rendu qui servira à tirer les enseignements techniques, et alimentera une base de données qui viendra notamment nourrir la formation des futurs négociateurs régionaux, car rien ne remplace l’expérience du terrain. Tous les trois ans, ils suivent une remise à niveau de leur formation, appelée recyclage. Sans lui, le négociateur perd son habilitation.

La journée touche à sa fin. Les discussions ont abouti. « Pour votre propre sécurité, sortez les bras levés, posez lentement l’arme de la main droite, puis faites un tour sur vous-même », guide le gendarme qui menait la négociation. La prochaine ne sera pas un exercice.

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