La cellule de recherche des causes et circonstances des incendies : pas de feu sans fumée

  • Par la capitaine Sophie Bernard
  • Publié le 08 novembre 2021
© GENDARMERIE/SIRPA/F.GARCIA

Le 16 août dernier, alors que le sud-est avait été plutôt préservé sur le plan des incendies durant la saison, les flammes ont fait rage dans le Var. Le feu a débuté assez tôt à Gonfaron, tout près de l’aire de repos « Les Sigues », sur l’autoroute A8. Malgré l’engagement de 2 200 pompiers, dont 70 seront blessés, l’incendie a ravagé près de 7 000 hectares de forêt et entraîné la mort de deux habitants du secteur. Face à ces conséquences dramatiques, et comme pour 10 % des feux observés dans la région, la cellule d’investigation spécialisée dans la Recherche des causes et circonstances des incendies (RCCI) s’est rendue sur place pour mener l’enquête.

 

Une cellule pluridisciplinaire

Mais qu’est-ce que la RCCI ? « Au départ, cela provient des pays anglo-saxons, régulièrement confrontés à des feux urbains, et cherchant à en déterminer les causes. Les Catalans l'ont développée à leur niveau pour les feux de forêt. Sur ces modèles, la Délégation à la protection de la forêt méditerranéenne a souhaité créer une cellule de coopération interministérielle, afin d’enquêter sur l’origine des feux s'étant déclarés au sein des espaces naturels. Des formations ont été mises en place au niveau zonal, entre 2003 et 2005, permettant ainsi aux différents acteurs de se former mutuellement », relate le lieutenant Sautron, du SDIS 83.

La cellule RCCI du Var est en effet composée d’environ 25 personnels, dont des pompiers, des agents de l'Office national des forêts (ONF) et des gendarmes issus de la Cellule d’identification criminelle (CIC) du groupement.

© GENDARMERIE/SIRPA/F.GARCIA

Cette approche pluridisciplinaire constitue la richesse de l’entité. « Puisque la gendarmerie a besoin de préserver les lieux pour rechercher les traces et indices, les pompiers et les agents de l'ONF ont, par exemple, été formés au balisage de la zone. Les pompiers peuvent faire déplacer les équipes et leurs camions, éviter d’asperger certains endroits ou retarder le déblaiement, afin de ne pas polluer la zone », explique l’adjudant-chef Christophe, technicien au sein de la CIC 83.

De la même manière, les gendarmes s’appuient sur les connaissances de leurs partenaires pour étudier la scène. « Davantage habitués à observer les flammes vives que les cendres, les pompiers ont une vraie lecture du feu, ils savent nous dire comment il s’étend. Ils peuvent également s’appuyer sur leur plate-forme collaborativeRemocrapour nous fournir un maximum de données sur la zone touchée et les risques encourus. De leur côté, les agents de l'ONF connaissent bien la topographie locale et les réactions de la flore, notamment en fonction de l’essence des arbres incendiés. »

Scruter la nature

Ces différents corps professionnels sont également habitués à observer et à analyser les conditions météorologiques. Et ce lundi 16 août, à Gonfaron, toutes les conditions étaient malheureusement réunies pour que la moindre étincelle embrase cette zone boisée. « C’était la canicule au cours des jours qui avaient précédé, avec des températures montant jusqu’à 40 degrés. Le jour même, il faisait 38 degrés, le taux d’hydrométrie était au plus bas, à peine 20 %, et le vent se levait avec des rafales à 70 km/h », se souvient le capitaine Petit, cadre de l'ONF. Le feu est ainsi parti très vite !

Le lieutenant Sautron est arrivé le jour même, en tant que chef de groupe dans un premier temps, pour lutter contre les flammes. Il a été rejoint dès le lendemain matin par ses homologues de la cellule. Après avoir échangé au poste de crise avec les premiers témoins, récupéré leurs coordonnées et des photos qu'ils avaient prises, tous ont rapidement pu étudier la zone de départ présumée.

© GENDARMERIE/SIRPA/F.GARCIA

La cellule travaille de façon méthodique. « Avant tout, on essaye de se faire sa propre idée en observant la scène chacun à notre tour. Ensuite, on échange nos avis et en cas de désaccord sur le point de départ, on approfondit nos recherches pour s’assurer que ce ne soit pas à un autre endroit ou qu’il n’y ait pas plusieurs départs. C’est un travail complexe, car l’incendie peut se propager de multiples façons, avec des sautes de feu par exemple », explique le capitaine Giraud, du SDIS 83.

Il s’agit donc d’observer avec une grande minutie. « Contrairement à certaines idées reçues, le feu a tendance à monter progressivement en température, donc bien souvent la zone la plus carbonisée n’est pas le point de départ, et pour certains indices physiques, la partie qui fait face aux flammes n’est pas dégradée par le feu, comme pour des troncs d’arbres. On regarde avant tout en hauteur, à la cime des arbres, puis au niveau des massifs, avant de finir à quatre pattes à scruter le sol », décrit l’adjudant-chef Christophe. Ils peuvent ainsi relever des odeurs ou des traces d’accélérateur d’incendie, mais aussi prélever des bouteilles ou des mégots abandonnés.

Rechercher la cause et prévenir les risques

À l’issue de leur analyse, les différents acteurs de la cellule fournissent des pièces (météo, cartographie, historique des feux dans la zone, analyse des prélèvements, etc.), permettant d’établir un rapport qui sera versé à la procédure. Venant s’ajouter aux investigations menées par les unités de recherches (auditions des témoins, réquisitions, etc.), il peut aussi bien incriminer une personne (notamment lorsque plusieurs mécanismes d’allumage mis en place à distance ont été constatés) que l’innocenter. « Je me souviens d’un cas où un homme avait été vu en train de jeter son mégot dans la zone et où nous avions pu démontrer que l’incendie avait été causé en réalité par la chute d’un câble électrique », relate l’adjudant-chef Christophe.

© GENDARMERIE/SIRPA/F.GARCIA

Pour autant, cela ne doit pas laisser penser aux personnes peu respectueuses de l’environnement qu’elles peuvent continuer de commettre des incivilités. Au-delà de l’enquête, les différentes causes de départ de feu constatées par la cellule RCCI permettent aussi d’agir sur le volet préventif : des patrouilles (gendarmes, pompiers, gardes forestiers) sont prépositionnées dans les zones les plus touchées, le public est sensibilisé quant à certains comportements inconscients (barbecues, mégots, déchets brûlés, etc.), de même que les élus, qui peuvent faire évoluer la réglementation et exiger, par exemple, le débroussaillage de terrains, pour sécuriser les habitations.

« Les patrouilles et les différentes actions de communication menées en la matière par nos corps professionnels respectifs ont déjà permis de faire diminuer le nombre de feux dans la région, mais nous remarquons encore des comportements à bannir, comme le jet de mégots dans la nature », regrette l’adjudant-chef Christophe. Espérons que la cellule n’ait jamais à revivre une année comme celle de 2017, où le record de 150 interventions et une dizaine d’incendiaires interpellés avait été enregistré.

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