La « Protec’ » du GIGN, ange gardien des ambassades sous haute tension

  • Par Capitaine Marine Rabasté
  • Publié le 14 avril 2021
© Cellule communication GIGN

Sur les territoires où la menace sécuritaire demeure de haute intensité, la cinquantaine de militaires de la Force sécurité protection (FSP) du GIGN assure la sécurité des autorités menacées. Focus sur les gendarmes de cette unité unique en son genre, avec, à l’appui, le partage d’expérience de Sébastien, membre du Groupe depuis 15 ans.

En avril 2019, la situation sécuritaire se dégrade en Libye. Les tirs entre le pouvoir en place et l’opposition s’intensifient et les combats font rage jusque dans les faubourgs de la capitale libyenne, qui subit des bombardements aériens quasi quotidiens. Rapidement, il apparaît que la sécurité de l’ambassade de France et de son personnel est compromise. La décision est prise de fermer l’enceinte et de rapatrier les diplomates à Tunis.

Pendant plusieurs heures, les militaires de la Force sécurité protection (FSP) du GIGN présents sur place vont croiser les renseignements, analyser la situation et réfléchir aux moyens de quitter le pays en préservant les hommes et les matériels les plus sensibles. Parmi eux, Sébastien, chef de groupe à la « Protec’ ». Durant plusieurs jours, avec son équipe, il participe à la mise en sécurité des agents diplomatiques et à la planification de la manœuvre d'évacuation vers la Tunisie, dans un contexte de guerre ouverte entre milices.

Avec 15 années de présence au sein de la force, il n’en était pas à sa première mission sous haute tension. Car en 10 ans, c'est la troisième fois que les gendarmes de la FSP sont amenés à évacuer en urgence un pays en guerre ou en crise. Et si les opérations de ce type ne sont pas leur quotidien, elles restent une éventualité à prendre en considération dans chacun des pays où ils sont déployés.

Protéger, une mission à part entière

Manifestations de l’État français à l’étranger, les représentations diplomatiques sont des lieux sensibles aux enjeux sécuritaires forts, particulièrement dans les pays où la menace est de haute intensité. Les personnalités en place en leur sein, communément nommées « VIP », font l’objet d’une protection accrue, que seuls les militaires de la FSP sont en mesure d’assurer entièrement, de par leurs compétences techniques et tactiques.

« Pour former un membre de la Protec’, il faut environ un an et demi. Après, c’est de la formation continue et de l’entraînement. Quand on n’est pas en mission, on suit des stages permettant d’acquérir des capacités qui seront indispensables à l'étranger : conduite rapide, investigation, secourisme, parachutisme, neutralisation de colis piégés, sports de combat ou encore télé-pilotage de drone, et bien d’autres. Les besoins sont énormes, car nous sommes le plus souvent déployés en petites équipes autonomes, sans soutien direct, et nous devons donc savoir nous débrouiller par nous-mêmes dans des situations dégradées », explique Sébastien.

La complexité et l’intensité des missions l'exigent et ne permettent pas de descendre en dessous de ce seuil de préparation. Pour autant, l’expérience fait aussi beaucoup, car les procédures et les modes opératoires mis en œuvre par le Détachement de protection d'autorité (DPA) sont adaptés à la menace et à l'environnement local : « le format de l'équipe, la posture, la tenue, l'équipement… Tout est déterminé par l'analyse sécuritaire du GIGN, de façon à coller à la réalité du terrain. On ne protège pas l'ambassadeur de la même manière à Bagdad, à Tripoli ou à Abidjan. La compréhension des enjeux géopolitiques et une connaissance fine des acteurs sur le terrain sont indispensables pour évoluer en sécurité dans ce type de pays ! »

Au plus proche du VIP

En permanence présent aux côtés de l’autorité, le DPA peut être perçu comme une contrainte, notamment s’il est trop visible et dénote dans le paysage. Il s'agit donc d'assurer discrètement la protection du diplomate, tout en conservant une capacité de réponse face à la menace : pas question donc de s’afficher en tenue militaire, lourdement armés. « On travaille souvent en civil, parfois en costume selon la mission. L'armement et les équipements sont adaptés en conséquence, mais quelle que soit la situation, on a toujours une variable d’ajustement hyper-réactive qui nous permet d’apporter une réponse à la menace », précise le militaire.

© Cellule communication GIGN

Au sein du DPA, les rôles sont répartis entre les équipiers. L’un d’eux en joue même un particulier : « l’épaule ». Interlocuteur privilégié de l’ambassadeur, celui-ci crée un lien particulier avec lui, afin de rendre la présence et la relation avec la protection plus confortables. Cette fonction, dont il a l’expérience, Sébastien en mesure l’importance. « Si l'épaule arrive à établir un lien de confiance avec l'autorité, elle lui rend la présence de l'ensemble du dispositif plus supportable. Cette confiance nous permet également d'être mis dans la confidence sur certains dossiers, ce qui nous permet d'être plus efficaces dans notre mission de protection. Ce lien particulier se renforce avec le temps, à tel point que certains VIP ne veulent plus se séparer de leur équipe de protection. »

L’une des qualités premières des membres de la FSP est donc d’être discrets, pour ne pas chambouler le quotidien d'une autorité déjà sous le poids de certaines menaces. « Il y a des missions au cours desquelles on entend certaines conversations sensibles. Pour être membre de la Protec’, il faut être en mesure de rester discret sur ce que l’on voit, ce que l’on entend. On ne doit pas raconter ce qui se passe avec le VIP », souligne Sébastien.

Au sein de la force, les profils sont divers, afin de conserver la richesse humaine qui compose le GIGN. « Mais le dénominateur commun est qu’il faut être disponible. Quand on entre au GIGN, on met sa personne en disponibilité, mais c’est propre à tous les gendarmes finalement ! », ajoute Sébastien. Lorsqu’ils protègent une autorité, les militaires vivent au rythme de celle-ci. Un dispositif de sécurité doit toujours être mis en place, sans exception. Dans la rue, en véhicule, au restaurant… les membres de la Protec’ ne sont jamais bien loin.

Entre engagements permanents et ponctuels

Irak, Mali, Arabie saoudite, Centrafrique ou encore Burkina Faso sont autant de pays en crise où sont actuellement déployés en permanence les membres du GIGN, pour veiller à la sécurité des ambassades et des diplomates, mais également à celles des ressortissants français lorsque la situation se dégrade. En effet, le GIGN peut être saisi pour prendre en compte ces derniers en cas de déclenchement d'un plan RESEVAC (Évacuation des ressortissants) et les sécuriser au sein de l'ambassade, en attendant leur rapatriement. À ces engagements permanents s’ajoutent également d’autres plus ponctuels, de quelques jours à quelques semaines, pour des événements particuliers, comme l’Euro 2016 ou l’anniversaire du D-Day, ou à l’occasion d'une visite officielle en France ou à l'étranger. « Il arrive parfois que nous soyons sollicités pour assurer la protection d'un déplacement particulier en dehors de nos zones d'évolution habituelles. Nous nous chargeons alors de la conception de la mission ainsi que de son exécution. De telles missions sont évidemment particulièrement intenses et riches en retours d’expérience. »

Même si le cœur de la mission reste la protection, chaque nouvelle expérience est enrichissante et permet de découvrir d'autres pays et cultures, qu'il faut comprendre pour mieux s'adapter. Ce qui explique sûrement pourquoi Sébastien ne se lasse pas de son métier. « Même après quinze années, je ne m’ennuie pas. Il est possible de faire plusieurs fois la même chose, mais on ne peut pas la faire à chaque fois de la même manière. Il n’y a pas de routine, ce n’est pas possible », d'autant que la routine, surtout dans ce métier, est un piège qui peut s'avérer mortel.

© Cellule communication GIGN

L’analyse au cœur de la mission

L’engagement de la FSP répond à une analyse constante de la menace sécuritaire et de son intensité. Outre le caractère permanent ou non de la mission, cette évaluation du danger permet une adaptation du curseur d’engagement : « une réévaluation régulière de la situation sécuritaire permet d’être toujours en phase avec la menace, d'autant que les situations peuvent parfois évoluer rapidement, comme lors d'élections présidentielles ou d'un coup d'état. ». Un travail de veille nécessaire, qui permet également de suivre les pays à risque et, parfois, d'anticiper les crises. « Notre taux d'engagement est intrinsèquement lié à la situation géopolitique globale et particulière : on peut être présent à un endroit pendant plusieurs années, puis, à l’issue d’une analyse sécuritaire, se retirer pour laisser la place à des forces d’un niveau moindre, parce que la menace a diminué et que notre présence n’est plus justifiée », explique Sébastien.

Formés par le GIGN durant six semaines, bientôt huit, et rattachés à celui-ci de par leur affectation au sein des antennes, les militaires qualifiés Protection des hautes personnalités (PHP) vont ainsi prendre le relais dans ces zones où l’intensité diminue, mais où la menace est toujours existante. En fonction des besoins ou de l'effet recherché, les opérateurs de la FSP et les PHP peuvent être déployés ensemble sur un même théâtre.

Au-delà des qualités habituellement recherchées au GIGN, une capacité d'analyse fine est indispensable pour exercer ce métier : « pour être à la FSP, il faut avoir une bonne capacité d’analyse, c’est la base de notre job. Elle permet de comprendre ce qui se passe autour de nous, d'anticiper les modes opératoires de nos ennemis, de déterminer qui peut mener une action contre le VIP, où, comment… ».

En toutes circonstances, le discernement de chacun permet de prendre les bonnes décisions et de préserver la sécurité du VIP et celle du reste de l'équipe : « cela est particulièrement vrai dans les phases de crise chaudes, où chaque action, geste ou parole doit être mesuré. Sur un check-point tenu par des miliciens agressifs, on est sur le fil et une action inadaptée ou mal interprétée peut tout faire basculer en un instant. Et si les choses tournent mal, il faut avoir en tête que parfois il n'y a pas de renforts à moins de 24 heures de là. »

Et la peur dans tout ça ?

Face à de telles situations, une question se pose d'elle-même : a-t-on peur ? Pour Sébastien, la réponse est toute trouvée. « Bien sûr qu’on a peur, on n’est pas des machines. On ne peut pas échapper au stress, mais il est positif. On arrive à se servir de toute l’adrénaline sécrétée pour démultiplier nos sens. En 15 ans à la Protec’, je n’ai jamais vu un gendarme paniquer lors d’une mission. Le sentiment de peur survient généralement après, quand on s’assoit sur son lit et qu’on se dit qu’on aurait pu ne pas revoir sa famille. »

« On n’est jamais tout seul, il y a une équipe »

Si les émotions sur le terrain sont maîtrisées, c’est certes grâce à la formation, mais aussi en grande partie grâce à la confiance qui règne entre les membres d’une équipe de la Protec’. Déployés en petits effectifs, ils ne peuvent le plus souvent compter que sur eux-mêmes, en particulier quand tout tourne mal, comme en ce jour de 2011, en Côte d’Ivoire, où l'un des membres de la FSP est blessé par balle lors d'un assaut sur la Résidence de France. Ce sont ses camarades qui l'extraient et le stabilisent pendant plus d'une heure, le temps que l'évacuation sanitaire arrive. « Si je suis en danger, je sais que je peux compter sur les gars. On n’est jamais tout seul, on s’aide les uns les autres. Il y a une équipe. Ajoutée à la formation et à l’entraînement quotidien, le tout fait qu’on ne peut pas avoir de mauvais stress, ce n’est pas possible », insiste Sébastien.

Au sein de cette unité d’élite, la cohésion est primordiale. Et ce n’est pas lui qui dira le contraire. « Pour revenir à la Libye, la mission était complexe. La cohésion et l’entente avec l’équipe ont été essentielles. On a vécu quelques jours sous tension durant lesquels on a peu dormi. Mais le fait de traverser cela ensemble et d’arriver en bon état au bout de la mission, ce sont des souvenirs qui marquent ! »

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